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dans un port anglais, soit en payant tribut à l'Angleterre, et qui renoncerait ainsi à l'indépendance et aux droits de son pavillon : toutes les marchandises du commerce et de l'industrie de l'Angleterre furent bloquées dans les îles britanniques; le système continental les exila du continent.

« Jamais acte de représailles n'atteignit son objet d'une manière plus prompte, plus sûre, plus victorieuse. Les décrets de Berlin et de Milan tournèrent contre l'Angleterre les armes qu'elle dirigeait contre le commerce universel. Cette source de prospérité commerciale qu'elle croyait si abondante devint une source de calamités pour le commerce anglais; au lieu de ces tributs qui devaient enrichir le trésor, le discrédit toujours croissant frappa la fortune de l'État et celle des particuliers.

« Dès que les décrets de Votre Majesté parurent, tout le continent prévit que tels en seraient les résultats s'ils recevaient leur entière exécution; mais, quelque accoutumée que fût l'Europe à voir le succès couronner vos entreprises, elle avait peine à concevoir par quels nouveaux prodiges Votre Majesté réaliserait les grands desseins qui ont été si rapidement accomplis. Votre Majesté s'arma de toute sa puissance; rien ne la détourna de son but. La Hollande, les villes banséatiques, les côtes qui unissent le Zuyderzée à la mer Baltique, durent être réunies à la France et soumises à la même administration et aux mêmes règlements : conséquence immédiate, inévitable de la législation du gouvernement anglais. Des considérations d'aucun genre ne pouvaient balancer dans l'esprit de Votre Majesté le premier intérêt de son Empire.

<«< Elle ne tarda pas à recueillir les avantages de cette importante résolution. Depuis quinze mois

c'est-à-dire depuis le sénatus-consulte de réunion, les décrets de Votre Majesté ont pesé de tout leur poids sur l'Angleterre. Elle se flattait d'envahir le commerce du monde, et son commerce, devenu un agiotage, ne se fait qu'au moyen de vingt mille licences délivrées chaque année : forcée d'obéir à la loi de la nécessité, elle renonce ainsi à son acte de navigation, premier fondement de sa puissance. Elle prétendait à la domination universelle des mers, et la navigation est interdite à ses vaisseaux repoussés de tous les ports du continent; elle voulait enrichir son trésor des tributs que lui payerait l'Europe, et l'Europe s'est soustraite, nonseulement à ses prétentions injurieuses, mais encore aux tributs qu'elle payait à son industrie; ses villes de fabrique sont devenues désertes; la détresse a succédé à une prospérité jusqu'alors toujours croissante; la disparition alarmante du numéraire et la privation absolue du travail altérèrent journellement la tranquillité publique. Tels sont pour l'Angleterre les résultats de ses tentatives imprudentes. Elle reconnaît déjà, et elle reconnaîtra tous les jours davantage, qu'il n'y a de salut pour elle que dans le retour à la justice et aux principes du Droit des gens, et qu'elle ne peut participer aux bienfaits de la neutralité des ports, qu'autant qu'elle laissera les neutres profiter de la neutralité de leur pavillon. Mais jusqu'alors, et tant que les arrêts du Conseil britannique ne seront pas rapportés, et les principes du traité d'Utrecht envers les neutres remis en vigueur, les décrets de Berlin et de Milan doivent subsister pour les puissances qui laisseront dénationaliser leur pavillon. Les ports du continent ne doivent s'ouvrir ni aux pavillons dénationalisés, ni aux marchandises anglaises.

<< Il ne faut pas le dissimuler, pour maintenir sans atteinte ce grand système, il est nécessaire que Votre

Majesté emploie les moyens puissants qui appartiennent à son Empire, et trouve dans ses sujets cette assistance qu'elle ne leur demanda jamais en vain. Il faut que toutes les forces disponibles de la France puissent se porter partout où le pavillon anglais et les pavillons dénationalisés, ou convoyés par les bâtimens de guerre de l'Angleterre, voudraient aborder. Une armée spéciale, exclusivement chargée de la garde de nos vastes côtes, de nos arsenaux maritimes et du triple rang de forteresses qui couvrent nos frontières, doit répondre à Votre Majesté de la sûreté du territoire confié à sa valeur et à sa fidélité; elle rendra à leur belle destinée ces braves accoutumés à combattre et à vaincre sous

les yeux de Votre Majesté pour la défense des droits politiques et de la sûreté extérieure de l'Empire. Les dépôts mêmes des corps ne seront plus détournés de l'utile destination d'entretenir le personnel et le matériel de vos armées actives. Les forces de Votre Majesté seront ainsi constamment maintenues sur le pied le plus formidable, et le territoire français, protégé par un établissement permanent que conseillent l'intérêt, la politique et la dignité de l'Empire, se trouvera dans une situation telle qu'il méritera plus que jamais le titre d'inviolable et de sacré.

« Dès longtemps le gouvernement actuel de l'Angleterre a proclamé la guerre perpétuelle, projet affreux dont l'ambition même la plus effrénée n'aurait pas osé convenir, et dont une jactance présomptueuse pouvait seule laisser échapper l'aveu; projet affreux qui se réaliserait cependant, si la France ne devait espérer que des engagements sans garantie, d'une durée incertaine, et plus désastreux que la guerre même.

« La paix, Sire, que Votre Majesté, au milieu de sa toute-puissance, a si souvent offerte à ses ennemis, couronnera vos glorieux travaux, si l'Angleterre, exi

lée du continent avec persévérance, et séparée de tous les États dont elle a violé l'indépendance, consent à rentrer enfin dans les principes qui fondent la société européenne, à reconnaître la loi des nations, à respecter les droits consacrés par le traité d'Utrecht.

<< En attendant, le peuple français doit rester armé. L'honneur le commande, l'intérêt, les droits, l'indépendance des peuples engagés dans la même cause, et un oracle plus sûr encore, souvent émané de la bouche même de Votre Majesté, en font une loi impérieuse et sacrée. »>

Le gouvernement de la Grande-Bretagne ne fit pas attendre sa réponse au rapport du duc de Bassano; le 21 avril 1842 parut à Londres la déclaration suivante:

« Le gouvernement de France ayant, dans un rapport officiel communiqué par son ministre des Affaires Étrangères au Sénat conservateur, le 10 du mois de mars dernier, levé tous les doutes qui pourraient exister encore quant à la détermination positive de ce gouvernement de persévérer à soutenir des principes et de maintenir un système non moins contraires aux droits maritimes et aux intérêts commerciaux de l'Empire britannique, qu'incompatibles avec les droits et l'indépendance des nations neutres; et ayant par là énoncé clairement les prétentions désordonnées que ce système, tel qu'il a été promulgué dans les décrets de Berlin et de Milan, avait eu pour objet, dès le principe, de mettre en avant; S. A. R. le Prince-Régent, au nom et sous l'autorité de Sa Majesté, juge à propos, d'après cette nouvelle publication formelle et authentique des principes de ces décrets, de déclarer ici publiquement sa ferme détermination de continuer à

s'opposer à l'introduction et à l'établissement de ce code arbitraire, que le gouvernement français avoue ouvertement vouloir imposer par la force au monde entier, et faire reconnaître comme loi des nations.

Depuis l'époque où l'injustice et la violence toujours croissante du gouvernement français ne permirent plus à Sa Majesté de renfermer l'exercice des droits de la guerre dans ses limites ordinaires, sans se soumettre à des conséquences non moins ruineuses pour le commerce de ses possessions, que dérogatoires aux droits de sa couronne, Sa Majesté a cherché, par un usage restreint et modéré des droits de représailles, auxquels les décrets de Berlin et de Milan la forçaient d'avoir recours, à réconcilier les États neutres avec ces mesures, que la conduite de l'ennemi avait rendues inévitables, et que Sa Majesté a déclaré dans tous les temps être prête à révoquer aussitôt que les décrets de l'ennemi, qui l'avaient forcée d'y avoir recours, auraient été révoqués formellement et sans conditions, et que le commerce des nations neutres aurait été rendu à son cours accoutumé. A une époque subséquente de la guerre, Sa Majesté ayant égard à la situation où se trouvait alors l'Europe, sans toutefois abandonner le principe et l'objet des ordres du Conseil du mois de novembre 1807, voulut bien limiter leur effet de manière à adoucir très-sensiblement les restrictions qu'ils imposaient au commerce neutre. L'ordre du Conseil, du mois d'avril 1809, fut substitué à ceux du mois de novembre 1807; et le système de représailles de la Grande-Bretogne ne frappa plus indistinctement sur tous les pays où étaient en vigueur les mesures d'agression adoptées par l'ennemi; mais son effet fut limité à la France et aux pays sur lesquels pesait le plus strictement le joug de la France, et qui ainsi étaient devenus naturellement partie inté

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