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UNE VÉRIFICATION.

OU

LE MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES EN 1805.

Des doutes se sont élevés sur l'exactitude de la désignation que nous avons faite de la personne de M. Durant de Saint-André, comme ayant accompagné M. de Talleyrand, dans la campagne de 1805, et comme étant le signataire de l'acte de la Confédération du Rhin'. Ces deux circonstances, a-t-on dit, se rapportent à M. Durant de Mareuil, frère de M. de SaintAndré, lequel était trop jeune alors pour être aussi avancé dans sa carrière politique.

Dans un ouvrage où viennent successivement se produire tous les noms célèbres de la Diplomatie, une telle faute eût assurément trouvé grâce devant nos lecteurs bienveillants, qui tous ont retenu du favori d'Auguste la maxime non ego paucis offendar maculis.

Nous eussions mis, d'ailleurs, le plus grand empressement à rétablir l'exactitude des faits; mais de

1 Voy. t. IX, p. 29, 144 et 509.

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a

nouvelles vérifications nous obligent à maintenir notre premier texte, et voici nos motifs :

Le 13 décembre 1805, M. de Talleyrand écrivait, de la résidence de Brünn : « J'ai commencé hier mes conférences. Les plénipotentiaires qui se présentent avec des pouvoirs sont le prince de Liechtenstean et le comte Gyulay. M. de Stadion ne reparaît pas. C'est aujourd'hui vendredi; mon opinion est que je terminerai nos affaires dans le courant de la semaine prochaine, c'est-à-dire vers vendredi. L'Empereur est à Vienne. Il m'a laissé ici. J'ai fait dire à ces Messieurs (M. Bourjot, M. de Saint-André et M. de La Besnardière) de quitter Vienne et de venir me joindre. J'étais ici tout seul avec le petit La Jonchère, qui se forme beaucoup. >>

Voilà pour notre première affirmation.

Quant à la seconde, nous ne citerons point les sources étrangères où se trouve l'acte de la Confédération du Rhin; ce témoignage pourrait d'autant mieux être récusé, que dans les premières éditions répandues en Allemagne, les noms des ministres du roi de Würtemberg et du duc d'Arenberg, c'est-à-dire de MM. de Winzingerode et Durant de Saint-André, ont été omis; mais nous indiquerons une autorité toute française, le Moniteur universel de 1806, dont le n° 225 renferme l'acte précité, avec la signature de ces deux plénipotentiaires.

Au surplus, nous avons, s'il est permis de le dire, une preuve surérogatoire de la position respective de MM. Durant de Mareuil et de Saint-André; c'est un

tableau très-exact et très-détaillé de l'intérieur du ministère, à l'époque de la guerre d'Autriche. Voici l'analyse de cette notice qui n'est pas sans intérêt :

En 1805, l'hôtel de Gallifet, situé rue du Bac, et devenu propriété nationale, était attribué à la résidence du ministère des Relations Extérieures. Il existe des constructions sur la rue; d'autres constructions qui séparent en deux la profondeur du terrain jusqu'à l'hôtel principal, et forment ainsi deux cours carrées, d'inégale grandeur, et se communiquant par une voûte située en face de la porte cochère. A gauche de cette porte, se tenait, du temps de M. de Talleyrand, l'incorruptible argus du ministère, le suisse Jorys, admirablement façonné à éconduire les solliciteurs par cette phrase invariable: le ministre est sorti.

Dans la partie du bâtiment qui séparait la seconde cour de la première était la division des fonds, ayant pour chef M. Bresson1, qui, en cette qualité, était logé dans l'hôtel. Dans la première cour à gauche étaient les bureaux de la division du Midi, sous le patronage spécial de M. d'Hauterive, aux noirs sourcils, et dont la tenue sèche, les formes rudes ont seules empêché

'Nos lecteurs connaissent déjà M. Bresson; c'est cet honorable fonctionnaire qui, lors de l'assassinat du duc d'ENGHIEN, prononça ces paroles prophétiques: Tenez, Monsieur, cet événement fait penser aux BOURBONS, et un jour il servira leur cause. Sept ans plus tard, nous l'avons dit, à l'apogée même de la puissance de NAPOLÉON, M. de TALLEYRAND prédisait plus hardiment encore l'infaillible rappel au trône de l'immortelle dynastie: Tout cela, disait-il, finira par UN BOURBON. (Voy. t. VIII, p. 214, et t. I, p. XLVIII de cette Histoire des Traités.)

peut-être qu'il ne devînt ministre'. Ces dehors contrastaient remarquablement avec la tournure élégante et les allures recherchées de son collègue du Nord, M. Durant de Mareuil, qui, depuis, créé baron de l'Empire, fut ambassadeur à Naples où, par suite d'une querelle de préséance, noblement soutenue de part et d'autre, il reçut un coup d'épée de l'ambassadeur de Russie. M. d'Hauterive avait été placé dans la Diplomatie par le comte de Choiseul-Gouffier, qui lui avait trouvé, disait-il, trop de mérite pour rester oratorien, et l'avait emmené avec lui à Constantinople. Quant à M. Durant de Mareuil qui fut le second de M. de Talleyrand, dans la grande affaire des indemnités d'Allemagne, il avait pour sous-chef dans sa division un jeune frère, M. Durant de Saint-André, que nous avons vu figurer comme ministre d'Arenberg et de la Leyen, et qui depuis a suivi la carrière des consulats. Les bureaux de la division du Nord étaient situés dans l'hôtel même du ministre au quatrième étage. On y montait par un petit escalier, dans l'angle à gauche de la cour d'honneur, et au bas duquel se trouvait au rez-de-chaussée le fameux cabi

Cette apparence extérieure n'altérait en rien les sentiments de M. d'HAUTERIVE, car il était adoré de sa famille et comptait de fidèles amis; cependant, remarque son biographe, il se plaignait quelquefois, avec douceur, de l'ingratitude de plusieurs personnes qui étaient ses élèves ou qu'il avait obligées. Toutefois il exceptait nominativement M. BRÉNIER, directeur de la comptabilité, qu'il appelait le phénix de la reconnaissance, et M. DUMONT, son ancien secrétaire, aujourd'hui sous-directeur des Archives, l'homme le plus judicieux, disait-il, et le plus discret qu'il eût connu.

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