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net particulier de M. de Talleyrand, auquel nos lecteurs sont déjà initiés, et dont nous reparlerons bientôt. A droite de la cour d'honneur, au rez-de-chaussée et à l'entresol, étaient les bureaux de la division des consulats sous la direction du digne et respectable M. Hermann. De l'autre côté, en face, la cour n'était bornéə que par un mur à la suite duquel on entrait sous une large voûte tenant toute la profondeur de l'hôtel et se prolongeant en allée jusqu'à l'extrémité d'un fort petit jardin, sur lequel donnaient les fenêtres des appartements du ministre ; à droite sous la voûte était l'entrée de l'escalier conduisant aux appartements du premier; à gauche, au-dessus des offices, on montait à des étages supérieurs occupés par plusieurs bureaux dépendant des deux divisions politiques du Nord et du Midi. Là aussi se trouvait le bureau du Chiffre confié à M. Campy, et un autre certain bureau politique où M. André d'Arbelles (qui depuis a été préfet de la Sarthe, où il a péri victime d'un cruel accident) et M. Lesur avaient sous leur direction le journal anglais l'Argus, que l'on rédigeait sur place. Quant au principal rédacteur de cette feuille antibritannique, c'était l'Anglais Goldsmith.

Le ministère des Relations Extérieures avait pour succursale le petit hôtel Maurepas, dont l'entrée se trouvait rue de Grenelle. On communiquait, mais seulement quand on était de la maison, de l'hôtel Maurepas à l'hôtel Gallifet, en traversant les écuries de M. de Talleyrand, où sa modestie encore un peu républicaine n'avait alors placé que six beaux et bons che

vaux. Le grand luxe extérieur ne revint qu'avec l'Empire, et M. de Talleyrand n'en a même jamais beaucoup fait paraître en public. Sa livrée, magnifique chez lui, ne se montrait guère au dehors qu'aux grands jours de solennités.

L'hôtel Maurepas était spécialement consacré au dépôt et la conservation des Archives. Leur conservateur en chef était M. Caillard l'aîné, en dernier lieu ministre de France à Berlin, et que plusieurs autres missions heureusement remplies, à Copenhague, à Pétersbourg et en Hollande', avaient enfin amené à la direction des Archives, le plus doux canonicat que puisse souhaiter un ambassadeur otia tuta recedens.

M. Caillard vivait en sybarite solitaire. Ses amours étaient rangées sur les vastes rayons d'une des plus riches bibliothèques de Paris; car nul n'a poussé si loin que lui la passion des belles éditions, des livres rares et surtout de la magnificence des reliures. La cave de M. Caillard n'était point non plus étrangère aux sages affections de la fin de sa vie; tous les plus célèbres vignobles y étaient représentés, et sa sensualité les admettait tour à tour, et quelquefois plusieurs ensemble, à des audiences qui se prolongeaient assez longtemps après le dîner.

L'appartement de M. Caillard occupait le devant de l'hôtel donnant sur la rue de Grenelle. Au fond, entre la cour et un jardin abandonné, étaient au même étage les Archives, riche et précieuse collection

1 Voy. t, V, p. 83,

où gisaient enfouies tant de correspondances curieuses accumulées durant deux siècles. Là, dans une salle particulière, étaient conservés les originaux des divers traités de paix écrits sur parchemins et renfermés dans des boîtes d'argent. Là encore, se trouvaient les bureaux où florissaient M. Barbié-Dubocage qui ne s'indignait point encore contre certaines conquêtes de l'Empire qui auraient nui, à son grand désespoir, aux dispositions gracieuses de ses cartes géographiques; et M. de Rosenstiel, secrétaire de la Légation française à Rastadt, qui avait échappé comme par miracle, au fer des assassins'. Là surtout était le bureau des élèves confiés à la férule de velours de M. Tessier, le doyen du département, et qui datait dans les bureaux du ministère de M. de Choiseul: M. de Guines y avait trouvé un abri après vingt années de résidence en Chine. C'est encore là que vint assidûment M. Fox, durant son séjour en France, à l'époque de la paix d'Amiens. Il avait obtenu les honneurs d'un petit bureau et la libre communication des manuscrits déposés aux Archives. Plusieurs copistes travaillaient sous les ordres de M. Fox, à extraire de la correspondance des ambassadeurs de France à Londres, vers 1679, les faits relatifs à cette époque de la restauration de la famille des Stuarts, dont il écrivait l'histoire. Quant aux élèves, on remarquait parmi

' Voy. nos révélations sur cet horrible drame, t. VI, p. 96. 2 L'Histoire des deux derniers rois de la maison des Stuarts n'est pas une œuvre parfaite; cependant le génie de l'auteur s'y révèle par des

eux le même M. Auguste de La Jonchère, que nous avons trouvé nommé dans la lettre de M. de Talleyrand, datée de Brünn, M. Maxime de Villemarest et M. Paulin Mahon. Ces trois jeunes gens avaient été remarqués par le Premier Consul, lors d'une visite qu'il avait faite au Prytanée; il les avait interrogés lui-même, leur avait accordé une pension et, conformément à sa maxime d'appeler à lui tous les hommes utiles, il les avait fait placer au ministère des Relations Extérieures1.

Revenons maintenant au cabinet particulier de M. de Talleyrand. C'était un petit bureau composé de deux très-petites pièces. Il avait pour chef le ministre luimême, dont les appartements avaient une porte de communication avec la première des deux petites pièces. Cependant il déléguait quelquefois sa suprématie à un excellent homme qui lui était fort attaché

pensées fortes et des vues profondes: elle a été publiée après la mort de l'auteur par son neveu lord HOLLAND. L'abbé DANDREZEL a donné une traduction française de l'ouvrage de M. Fox (Paris, 1809, 2 vol. in-8°); mais elle a été mutilée par ordre du gouvernement impérial.

En 1807, la direction des Archives passa aux mains du comte d'HAUTERIVE, qui l'a conservée jusqu'au jour où il fut appelé dans un monde meilleur (28 juillet 4830). Il eut donc la rare for tune de se concilier la bienveillance de tous les ministres qui se sont succédé à la tête du département: M. de TALLEYRAND, prince de BÉNÉVENT, le comte de CHAMPAGNY, duc de CADORE, le duc de BASSANO, M. de CAULAINCOURT, duc de VICENCE, iterum, le prince de TALLEYRAND, iterum, le duc de VICENCE, le duc de RICHELIEU, le marquis DESSOLLES, le baron, depuis duc PASQUIER, le baron, depuis duc Matthieu de MONTMORENCY, le vicomte de CHATEAUBRIAND, le baron de DAMAS, le comte de LA FERRONNAYS, le comte PORTALIS et le prince de POLIGNAC.

à lui et à sa famille, M. Osmond, chargé de ses affaires particulières, et dont le frère dirigeait l'éducation des deux neveux de M. de Talleyrand, MM. Louis et Edmond de Périgord. Très-peu de personnes jouissaient du droit d'entrée au cabinet, excepté quand le ministre était réellement sorti; autrement, le courrier émérite des Relations Extérieures, Courtiade, en tenait les portes closes, même pour la plupart des employés du ministère. Là s'expédiaient les affaires courantes les plus importantes. Quand M. de Talleyrand avait quelque chose à dicter, un de ses secrétaires était appelé dans son cabinet. Toute la correspondance particulière du ministre émanait du cabinet particulier. Quant aux Notes diplomatiques, elles sortaient du cabinet des chefs de division; celles qui étaient d'une rédaction difficile étaient presque toujours confiées à M. d'Hauterive, et quelquefois à M. Lechevalier, auteur d'un Voyage dans la Troade, alors bibliothécaire de M. de Talleyrand, et, plus tard, conservateur en chef de la bibliothèque Sainte-Geneviève.

« Quant aux secrétaires du cabinet, outre M. Osmond, leur chef accidentel et leur ami, ils étaient au nombre de quatre, parmi lesquels le premier en date et en mérite était incontestablement M. Bourjot, qui n'a jamais cherché une carrière en dehors du ministère, où il parvint au grade de chef de la première division, avec le titre de conseiller d'État. Après lui

'Nous rappellerons ici un trait de la bonté affectueuse de M. de TALLEYRAND pour ses secrétaires. Ce ministre, lié depuis longtemps avec l'importante maison de banque SIMON, de Bruxelles, et qui avait été le

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