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INSTITUT DE FRANCE

(ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES)

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LE FONCTIONNEMENT

DU

PREMIER TRIBUNAL D'ARBITRAGE

CONSTITUÉ AU SEIN DE LA COUR PERMANENTE
DE LA HAYE

Le 15 septembre 1902 une date dans l'histoire des institutions organiques de la paix s'est réuni à La Haye le premier tribunal d'arbitrage constitué suivant le régime qu'a instauré la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux.

L'honneur d'avoir inauguré l'organisme juridique nouveau revient à deux Républiques du nouveau monde, les Etats-Unis d'Amérique et le Mexique, dont les représentants ont traversé l'Atlantique pour donner à notre continent cel bel exemple. Ainsi que nous le faisions observer en ouvrant il y a peu de temps la session de l'Institut de droit International à Bruxelles, « c'est un spectacle vraiment réconfortant que celui de deux importants Etats du nouveau monde venant dans un petit Etat du monde ancien, dans la patrie de Grotius, se soumettre à la juridiction des arbitres, telle que l'a établie la Conférence de la Paix (1) ». Nous souhaitions alors que cet exemple qui était presque une leçon portât de nombreux

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(1) ANNUAIRE DE L'INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL, 1902. Séance solennelle d'ouverture. Discours du Président de l'Institut, p. 223.

fruits et que les puissances n'oubliassent pas trop que le chemin de l'arbitrage international est le chemin toujours ouvert à une justice pacificatrice. Nos vœux ont été promptement exaucés. Trois grands Etats d'Europe, la France, l'Angleterre et l'Allemagne, et un Etat d'Orient qui marche vaillamment dans la voie de tous les progrès, le Japon, ont tenu à honneur de ne point laisser pousser l'herbe dans le sillon de l'arbitrage international. On peut donc dire que dans les trois mondes, américain, européen et oriental, quelque branle est donné à la réalisation. des espérances qu'avait fait naître l'établissement d'un « tribunal libre au sein des nations indépendantes ». Et sans donner carrière à un optimisme aux envergures illimitées, il est permis peut-être à un ouvrier de la première heure de saluer avec quelque fierté cette marche en avant vers une justice plus accessible dans une paix moins précaire, qui est dans les meilleures tendances de notre siècle.

Un illustre associé de l'Académie des sciences morales et politiques a fait partie du premier tribunal constitué au sein de la Cour permanente d'arbitrage. Un membre non moins éminent de la même Académie est appelé à faire partie du second. Il y a là, ce semble, Messieurs, plus qu'un hommage rendu à leurs mérites personnels. Il y a une sorte de justice due à votre Compagnie. J'aime à rappeler ici, qu'il y a près de trente ans, en 1873, vous vous groupiez avec une religieuse attention autour de Charles Lucas, lisant un important mémoire sur la substitution de l'arbitrage à la voie des armes. Il me souvient encore qu'il y a dix ans, en 1892, s'ouvrit par vos soins un remarquable concours sur ce sujet : « L'arbitrage international, son passé, son présent, son avenir ». Et le rapporteur de cette époque, le regretté Arthur Desjardins, constatait avec joie que « peu de concours avaient à ce point comblé, pour ne pas dire dépassé les espérances de l'Académie ». Depuis lors, à

maintes reprises, l'attention de votre Compagnie s'est portée vers les moyens pratiques d'organiser et de développer l'arbitrage international. Et que de fois ce qu'il y a de meilleur dans vos âmes n'a-t-il pas vibré aux accents émus, aux évocations du vénérable Frédéric Passy, ce patriarche de la paix, dont le front nous apparaît aujourd'hui, grâce à la magnanime pensée de Nobel, couronné de la plus brillante auréole pacifique internationale.

Appelé, comme Conseil des Etats-Unis d'Amérique, à concourir à l'élaboration du premier jugement arbitral rendu au siège de la Cour permanente de La Haye, j'ai pensé que l'attention de l'Académie pouvait s'arrêter quelques instants d'une manière utile sur cette œuvre initiale. C'est ainsi qu'en vous offrant aujourd'hui un opuscule (1) où j'ai rassemblé, avec ma plaidoirie, quelques documents de portée capitale pour l'intelligence du litige récemment débattu, je suis amené non pas à résumer ce que j'ai dit là-bas - encore que l'importance de certains points discutés et une sentence favorable pour ainsi dire sur toute la ligne m'y puissent inciter mais plutôt à vous tracer une esquisse du premier fonctionnement de la Cour de La Haye, en insistant sur les germes de jurisprudence arbitrale que l'on a commencé à semer. Je rappelle brièvement les faits dont la connaissance est nécessaire pour saisir la question déférée aux arbitres.

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Les Californies, qui ont relevé de l'Espagne, puis du Mexique, ont été démembrées par le traité de Guadalupe-Hidalgo du

(1) LE PREMIER ARBITRAGE DE LA COUR DE LA HAYE. LES FONDATIONS CALIFORNIENNES ET LA QUESTION DE LA CHOSE JUGÉE EN DROIT INTERNATIONAL. Plaidoirie de M. le Chevalier Descamps, Conseil des Etats-Unis d'Amérique (avec les documents principaux, notamment le compromis et la sentence arbitrale), Bruxelles 1902.

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