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D. Avez-vous écrit à Napoléon Buonaparte pendant qu'il était dans l'ile d'Elbe, ou a quelques unes des personnes qui l'y avaient accompagné ?

R. Jamais.

D. Avez-vous, à la même époque, reçu des lettres de Napoléon ou des personnes qui étaient près de lui ?

R. Non.

D. Avant le retour de Napoléon en France, aviez-vous reçu quelques avis de son projet d'y revenir?

R. Non; je n'ai jamais rien su de ses projets.

D. Où étiez-vous lorsque Buonaparte effectua son invasion dans le département du Var?

R. J'étais à ma terre des Coudreaux, près Châteaudun, département d'Eure-et-Loire.

D. Comment avez vous appris cette invasion?

R. Je ne l'ai apprise qu'à mon arrivée à Paris, le 7 mars, par mon notaire, M. Batardy.

D. Pourquoi, à cette époque, avez-vous quitté votre terre des Coudreaux ?

mi

R. En vertu des ordres de M. le duc de Dalinatie, nistre de la guerre, qui me furent apportés par son aidede-camp, datés du 5, et qui me furent remis le 6, dans l'après midi. Ils n'annonçaient qu'en vertu des ordres du Roi, je devais me rendre de suite dans mon gouvernement de Besançon, où je recevrais de nouveaux ordres. Immédiatement après l'arrivée de l'aide-de-camp du duc de Dalmatie, je donnai des ordres pour mon départ et me inis en route dans la soirée, pour Paris, où je devais passer, ayant besoin de prendre des uniformes, et où j'espérais connaître le motif de ces dispositions, l'aide-decamp du ministre n'ayant pu mne donner aucun détail à ce sujet. Arrivé à peine, je me rendis chez S. A. R. Mgr. le duc de Berry, qui me confirina la nouvelle que m'avait déjà donnée mon notaire, et me demanda si je connaissais le colonel Labédoyère: je lui répondis qu'il avait été aidede-camp du prince Eugène. Ne croyant pas pouvoir faire ina cour au Roi, avant non départ, parce qu'on m'avait annoncé que S. M. était souffrante, je priai son A. R. de vouloir bien ne mettre aux pieds du Roi, et l'assurer de tout le zèle que je mettrais à remplir mes devoirs. S. A. R. voulut bien ne le promettre. En sortant des Tuileries, je ine rendis chez le ministre de la guerre, à qui je demandai

s'il pouvait, préalablement aux instructions qu'il m'annonçait que je trouverais à Besançon, me faire connaître T'ensemble des opérations et des dispositions prises pour déjouer les projets de Buonaparte. Il refusa de s'expliquer en disant que je recevrais mes instructions dans mon gouvernement, que M. le général de Bourinont, coinmandant la sixième division militaire, avait déjà reçu des ordres qu'il me remettrait à mon arrivée à Besançon.

(Ici le maréchal s'excuse de répondre sur le contenu des ordres qu'il reçut à son arrivée à Besançon et sur le nombre de troupes qu'il mit en mouvement. Il a besoin, dit-il, pour donner à ce sujet des explications satisfaisantes, de revoir ses papiers. Il renvoie, au surplus, aux copies qui doivent exister au ministère de la guerre.)

D. A quel endroit et quel jour avez-vous rejoint vos troupes?

R. A Lons-le-Saulnier, le 12 mars; c'était le point de rassemblement que j'avais donné par suite des nouvelles qui ne furent apportées le 10, à Besançon, par M. de Maillé, premier gentilhomine de la chambre de Monsieur, qui avait accompagné ce prince à Lyon, et duquel j'appris les premières nouvelles de la prise de Grenoble par Buo. naparte, de la défection des troupes et du mouvemen. rétrograde de Monsieur, sur Rouanne. Je me déterminai à rejoindre les troupes mises en marche sur Lyon par le général de Bourmont. Je chargeai M. le duc de Maillé, qui devait retourner auprès du comte d'Artois, d'engager ce prince à me donner un rendez-vous et de faire ensorte de nous rejoindre entre Auxonne et Besançon. Les troupes furent échelonnées depuis Bourg, Saint-Amour, Lons-leSaulnier et Poligny, à l'exception du 6o. régiment d'hussards, qui de Dôle fut envoyé à Auxonne.

D. Quand V. E. rejoignit ces troupes, quels rapports recut-elle sur les dispositions où elles étaient pour servir la cause du roi ?

R. On n'assura que les troupes étaient fort mal disposées, et pour chercher à les maintenir dans le devoir, j'assemblai les corps d'officiers au fur et à mesure que je rencontrai les régiments sur la route, afin de les rappeler à leur devoir et à la fidélité qu'ils devaient au Roi. Les généraux Bourmont et Lecourbe étaient présents, et peuvent rendre témoignage de tout ce que j'ai dit et fait pour

raffermir les corps d'officiers dans le sentiment de leur devoir.

Pour répondre à diverses interpellations qui lui sont faites par M. le général-rapporteur, M. le maréchal répète tous les détails qu'on a déjà vus dans ses réponses à M. le préfet, tant au sujet des agents de Buonaparte, qui vinrent le trouver à Lons-le-Saulnier, la nuit du 13 au 14 mai, que sur le contenu de la lettre qu'ils lui apportèrent de la part de Bertrand. Il ajoute seulement : Bertrand me disait dans sa lettre qu'il était inutile de s'opposer au dessein de Buonaparte, que son opération était positive et bien concertée, et qu'il me rendait responsable du sang français qui serait versé inutilement dans cette circons tance. La crainte d'allumer la guerre civile en France, et l'impossibilité de m'opposer avec succès à une tentative que l'on me disait arrêtée avec l'Autriche et l'Angleterre, me déterminèrent à ne prendre contre les émissaires de Buonaparte aucune mesure de rigueur.

M. le maréchal Ney a subi, devant M. le général comte Grundler, plusieurs autres interrogatoires dont nous allons extraire les passages les plus importants.

Vous avez déclaré, lui dit-on, que vous n'aviez vu les agents de Buonaparte, pour la première fois, que dans la nuit du 13 au 14 mars. Pourquoi donc votre proclamation est-elle datée du 13. C'est à tort, répond-il, qu'elle porte cette date. Elle est réellement du 14. Je l'ai lue inoi-même à une fraction des troupes, le reste l'a connue par l'ordre du jour. Il convient qu'il a eu connaissance, mais seulement par les journaux, et non officiellement, de l'ordonnance du roi, qui déclarait Buonaparte traître et rebelle, et qui ordonnaît à tous les citoyens de lui cou

rir sus.

Selon lui, une grande partie des troupes avait déjà abandonné la cause du Roi, avant qu'il n'eût publié la proclamation deux bataillons du 76, s'étaient inème permis de garder prisonnier, à Bourg, leur général le maréchalde-camp Gauthier; et comme les mauvaises dispositions des troupes ne peuvent le justifier de s'être réuni à Buonaparte, il rejette ce que sa conduite offre de criminel sur la force des circonstances et la crainte de la guerre civile.

On ne manque pas de lui faire observer que sa proclamation et son exemple ont pu entraîner la défection

de la partie des troupes qui était encore restée fidèle. Il répond Les agents de Buonaparte avaient déjà réussi à influencer la totalité des troupes. Déjà depuis le 10 et le 11 une grande partie des soldats avait commencé à déserter. Un grand nombre d'agents obscurs et inconnus s'étaient mêlés parmi eux. J'ai su depuis que deux aigles leur avaient été apportées. L'exaltation était à son comble; un silence șinistre annonçait que les troupes étaient prètes à lever l'étendard de la révolte. Les soldats menaçaient de me tuer, ainsi que cela me fut rapporté par le générat de Bourmont et par plusieurs autres officiers. J'étais moimême troublé de la position affreuse où je prévoyais que la France allait se trouver, et j'ai plutôt suivi l'entraînement géneral que je n'ai donne l'exemple.

Le matin du jour où je lus la proclamation anx troupes je fis appeler chez moi les généraux Lecourbe et Bourmont, je leur en donnai communication. Je sommai ce dernier, au nom de l'honneur, de ine dire ce qu'il en pensait. Ils en approuvèrent le contenu et m'accompagnèrent sur le terrain où le général de Bourmont avait fait asseinbler les troupes.

D. Lorsque vous eûtes pris le parti de rejoindre Buonaparte, écrivites-vous aux maréchaux Suchet et Oudinot pour les prévenir de votre détermination?

R. Non. Je crois me rappeler que je leur écrivis quelques jours après pour leur transmettre les ordres qui in'avaient été adressés par le général Bertrand.

D. Où avez vous rejoint Bonaparte?

R. A Auxerre, direction qu'il m'avait fait indiquer la marche des troupes.

pour

D. Avez-vous reçu du 13 au 14 mars, des ordres des

ninistres du Roi ?

R. J'ai reçu une lettre du ministre de la guerre, à Besançon, ou en route, qui me faisait connaître les mouvements ordonnés par lui aux maréchaux Suchet et Oudinot, mais je ne me rappelle pas précisément la date.

D. N'avez-vous pas donné l'ordre de faire arrèter plusieurs officiers-généraux et supérieurs, employés dans votre gouvernement, entre autres les généraux comte de Bourinont, Lecourbe, Delort, Jarry, M. le comte de Scey, préfet du département du Doubs, et M. le maire de Dôle ?

R. Oui, d'après l'ordre que j'en ai reçu de Buonaparte; c'était une mesure provisoire que l'on croyait utile, mais qui ne les a pas atteints, la plupart de ceux que vous me désignez étant arrivés à Paris presqu'en même temps que Buonaparte. J'ai su depuis qu'ils n'avaient pas été inquiétés, et que l'ordre avait été envoyé au général Mermet, cominandant à Besançon, de mettre en liberté ceux qui avaient été arrêtés, excepté le préfet de Besançon qu'on fit sortir de la ville.

D. Connaissez-vous M. Cayrol, commissaire-ordonnateur?

R. Oui.

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D. Pourquoi l'avez-vous fait arrêter à Lons-le-Saulnier? R. Je ne me rappelle pas avoir donné cet ordre-là. Je crois ine souvenir que lui ayant reproché de n'avoir pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la subsistance des troupes, je lui ordonnai de se rendre à Besançon pour y pourvoir.

D. En arrivant à Besançon, donnâtes-vous l'ordre de désarmer la place.

R. Non.

D. Savez-vous si le directeur d'artillerie fit retirer des canons de dessus les reinparts, et par quel ordre?

R Je n'en ai rien su. On peut en demander compte au général de Bourmont, pour savoir s'il y avait des ordres ministériels à cet égard.

D. Vous rappelez-vous avoir fait demander, par votre chef d'état major une somme de 15,000 francs à M. le préfet de Besançon ?

R. Non.

D. De qui le général Gauthier reçut-il l'ordre de rétrograder sur Bourg avec le 76?

R. Je suppose que c'est du général de Bourmont.

D. Par qui V. Exc. apprit-elle la révolte du 76,, et sor départ pour rejoindre Buonaparte?

R. Par le préfet de l'Ain et deux autres personnes arrivaient de Lyon.

D. Quelles étaient les forces sous vos ordres à Lons-leSaulnier, tant infanterie que cavalerie et artillerie?

R. Il y avait à Lons-le-Saulnier les 60°. et 77°. de ligne 1.y 8c. de chasseurs et 5o. de dragons; l'artillerie n'était point encore arrivée.

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