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paroles proférées au nom du gouvernement, de l'autre nous pla| gens la charte constitutionnelle. »

Il est près de ciuq heures.

M. le président annonce que la chambre va se retirer dans la salle du conseil ponr délibérer.

A six heures moins un quart, la chambre rentre dans la salle d'audience,

L'accusé est présent.

M. le président prononce le jugement suivant :

a La chambre, faisant droit sur les conclusions du commissaire du Roi, sans s'arrêter ni avoir égard aux moyens présentés dans Pintérêt du prévenu, s'ajourne à jeudi prochain, 23 novembre; maintient les assignations des témoins, ordonne que l'accusé scra tenu de présenter cumulativement ses autres moyens de défense', s'il en a, sur la question préjudicielle, sinon elle passera outre pour continuer les débats sur la question de fonds et rendre le ju

gement. »

M. le président ajoute en s'adressant aux huissiers: Faites-retirer l'accusé.

M. Berryer M. le président, j'ai l'honneur de vous faire observer que d'ici à jeudi prochain il sera impossible de faire donner des es assignations à tous les témoins à décharge.

M. le président: Vous avez entendu le jugement. -Les étrangers sont invités à se retirer.

Il est six heures. Le public se retire. MM. les pairs restent eu

séance.

Séance du 23 Novembre.

La séance s'ouvre à onze heures par l'appel nominal de MM. les pairs. MM. les comtes Boissy-d'Anglas et Demuy, et M. Lanjuinais sont absents.

L'accusé est introduit.

Mgr. le chancelier dit aux avocats de l'accusé : La chambre vous a accordé la faculté de présenter vos moyens préjudiciels; vous avez la parole.

Me Berryer cominence.

Monseigneur le chancelier, et Messeigneurs les Pairs, Par l'arrêt que vous avez rendu le 21 de ce mois, deux dispositions ont été prononcées. Par la première, Vous avez écarté les exceptions préjudicielles par lesquelles nous demandions que le code de procédure fût régularisé

Si

par une loi, et vous avez décidé que les termes de l'ins→ truction rentreraient dans ceux du droit commun. donc nous puisons dans ce droit commun les exceptions que nous allons vous présenter aujourd'hui, nous devons espérer de les voir favorablement accueillies.

Aucun de vous ne supposera, Messieurs, que ces excep→ tions se soient présentées à l'esprit de M. le maréchal Ney. Le seul besoin qu'il éprouve est celui d'une justification prompte et complète, et chaque retard ajoute à son impatience; mais nous, ses défenseurs, nous ne devons négliger aucun des moyens que nous offrent les lois pro

tectrices.

C'est dans l'ordonnance du Roi et dans l'arrêt même de la chambre que M. Berryer cherche et espère trouver les moyens sur lesquels il appuie les exceptions et les nullités qu'il propose.

Pour ce qui regarde l'instruction écrite, l'article 2 de l'ordonnance a prescrit l'observation des formes du code d'instruction criininelle, et l'article 8 a réglé l'instruction orale d'après la partie du même code qui est relative aux cours spéciales. L'avocat prend donc son point de départ de ces deux articles et de l'instruction criminelle, tant ordinaire que spéciale.

Il retrace la marche que suit ordinairement une procédure criminelle. On reçoit la plainte, on entend, on recueille les dépositions des témoins; la chambre de la cour criminelle décide s'il y a ou s'il n'y a pas lieu à accusation. Dans le cas d'affinative, elle rend l'arrêt d'accusation, et lance le décret de prise de corps.

Telle est la règle simple reproduite dans une multitude d'articles, et c'est dans ces articles que le défenseur de l'accusé puise cinq moyens de nullité contre toute la procédure faite jusqu'à présent.

Tour en vous les exposant, dit-il, avec tout le respect, avec la réserve due à la qualité des accusateurs, à la hauteur du tribunal qui m'entend, je ne craindrai pas de vous les présenter avec courage, je ne craindrai pas qu'on me reproche de me renfermer dans des vétilles. Je vous citerai le publiciste que vous révérez tous: Montesquieu, Esprit des Lois., chap. 2,liv. 6, dit :

«En Turquie, où l'on fait très-peu d'attention à la fortune, à la vie, à l'honneur des sujets, on terinine promp

sement, d'une façon ou d'autre, toutes les disputes. La manière de finir est différente, pourvu qu'on finisse..... Mais dans les états modérés, où la tête du moindre citoyen est considérable, on ne lui ôte son honneur et ses biens qu'après un long examen; on ne le prive de la vie que lorsque la patrie elle-même l'attaque; elle ne l'attaque qu'en lui laissant tous les moyens possibles de se défendre.»

M. Berryer fait résulter le premier moyen de ce que l'arrêt rendu, le 13 novembre, par la cour des pairs assemblés en chambre d'instruction, n'a point été revêtu de la signature de tous les membres, mais seulement du président et des secrétaires, ce qui est formellement contraire à l'article 342 ducode d'instruction criminelle, rappelé indéfiniment dans l'article 2 de l'ordonnance du Roi.

« C'est le respect dû au texte pur de la loi, dit Me. Ber» ryer, qui m'autorise à saisir ce point de forme. Nous » sommes encore dans le premier cercle de l'instruction >> criminelle qui la prescrit; sous peine de nullité. La » deuxième nullité est plus grave, et vous allez, vous» mêmes en apprécier toute la force: vous n'avez rendu » aucun arrêt qui ait prononcé, contre le maréchal Ney, » in terminis, dans les termes formels, sa mise en accusa» tion. Votre arrêt du 17 novembre, conforme à la loi, quant aux signatures, s'en éloigne en ce que les termnes n'y sont pas énoncés.

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Le code veut qu'il soit porté un premier jugement » sur l'accusation, qu'elle soit appréciée par la cour cri»ininelle. Autrefois il y avait un jury d'accusation à la » place duquel est établie une chambre composée de juges » plus instruits, plus exercés, auxquels la loi prescrit le » mode d'un jugeinent préalable de mise en accusation, >> jugement qui frappe le prévenu d'incapacité, et le place » directement sous le coup de l'accusation.

» Telle est la sévérité des formes que le législateur n'a pas prescrites sans une intention profonde. Il en est » du jugement de mise en accusation comme du décret » de prise de corps. C'est la cour entière qui a prononcé » le décret de prise de corps; c'est la cour entière qui devait prononcer le jugement de mise en accusation. » Ce jugement nous manque ici. Vous avez rendu, le 17 novembre, un arrêt portant que le maréchal Ney, at» tendu la gravité des charges énoncées contre lui serait

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» appréhendé au corps, etc. Vous avez été à la conse»quence sans poser le principe.

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« Le décret de prise de corps est une suite de la mise » en accusation; elle n'est pas une disposition principale, » mais une disposition secondaire, qui doit toujours être » précédée de la disposition majeure de la inise en accu«sation, qui ne peut jamais être éludée. C'est ce que << porte l'article 233 du code d'instruction criminelle. La » Îoi ne fait aucune acception de personnes, ses disposi❝tions s'appliqueut à toutes les hypothèses, et en pronon» cant sous peine de nullité, et s'il y a lieu de prise à » partie, elle prouve la haute importance que le législateur » a attaché à la mise en accusation. Elle est telle que le » ministère public se compromettrait en l'omettant. >>

» Quand vous réfléchirez qu'aucune autorité n'est placée >> au-dessus de vous, qu'aucune révision n'est possible, » que l'idée même n'en peut être conçue, vous sentirez » de quelle gravité, de quelle conséquence est celte »> nullité. »>

L'antériorité de l'acte d'accusation, qui porte la date du 16 de ce mois, sur l'arrêt de prise de corps qui est du 17, paraît à l'avocat, une subversion de la inarche judiciaire prescrite par la loi; et il cite à l'appui de son opi nion les articles 241 et 242 du code criminel.

Avant de présenter la quatrièine nullité, il croit devoir user de quelques préparations oratoires, et de rejeter sur la religieuse responsabilité que lui impose sa mission, l'obligation où il est de ne laisser échapper aucun moyen inême ceux qui pourraient, au premier abord, paraître futiles et minutieux.

L'acte d'accusation, dit-il en entrant en matière, ne nous est pas encore, même en ce moment, valablement signifié. Il n'est pas constaté qu'il ait été signifié dans le délai voulu.

L'article 567 du code d'instruction criminelle, pour les cours spéciales, veut qu'il soit signifié dans le délai de trois jours. La préfixion du temps n'est pas indifférente. J'ai bien copie de l'acte d'accusation signifiée à M. le maréchal; mais elle ne porte aucune date de jour, ni de mois. A quel danger peut être exposé un accusé tout-à-fait étranger à la connaissance des formes légales ? Il envoie à son défenseur un acte d'accusation sans date; celui-ci peut laisser écouler des délais désormais irréparables.

Tout exploit doit porter la date du jour et du mois ; celui qui a été signifié à l'accusé ne porte pas de date; il y a donc nullité.

Nous nous plaignons, continue M. Berryer, de l'urgence qu'on a mise dans l'accusation, non pas pour M. le maréchal Ney, qui ne désire que de håter sa justification morale, mais à cause de la responsabilité qui pèse sur ses défenseurs, qui craignent de ne pas remplir, aussi bien qu'ils le voudraient, des devoirs dont l'accomplis seinent exige de la préparation et du travail. Le maréchal Ney n'est pas légalement en demeure de répondre aux charges; il n'est pas obligé à se justifier, puisqu'il n'a pas reçu notification légale de son accusation.

M. Berryer arrive à son cinquième et dernier moyen de nullité, qu'il divise en deux parties.

D'abord on n'a pas averti l'accusé de la faculté qui lui est accordée de proposer des nullités. En second lieu, l'espace de temps du 17 au 21 n'est pas le délai légal.

L'article 296 du Code d'instruction criminelle, s'explique positivement.

Point d'avertissement de la faculté de proposer des nullités, point de concession du délai de cinq jours, rẻduction illégale de ce délai à trois jours; autant de motifs de nullité. Nous somines autorisés à nous en armer en ren-" trant dans les termes du droit commun et des dispositions des lois criminelles si nous insistons, c'est que le refus d'un délai nous priverait du moyen de faire entendre les témoins à décharge qui ont des domiciles éloignés, et annullerait pour nous la disposition de l'article 315 du code d'instruction.

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L'acte d'accusation présuppose qu'avant la journée funeste du 14 mars, le maréchal Ney avait conçu l'odieuse préméditation d'une trahison si incompatible avec la noble franchise de son caractère, et avec les actions qui l'ont signalé dans la glorieuse carrière qu'il a parcourue. Cette partie de l'accusation est si grave, si douloureuse, que le maréchal Ney ne peut, à aucun prix, renoncer au besoin et au droit de la détruire.

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Nous demandons, pour faire venir les témoins à décharge, temps que ne nous a pas laissé la marche rapide de la procédure. Je me repose sur vos nobles scrupules, pour le succès d'une demande aussi juste; je m'arrête, et

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