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Nous accusons devant vous le maréchal Ney de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de l'état.

» Nous osons dire que la chambre des pairs doit au monde une éclatante réparation: elle doit être prompte, car il importe de retenir l'indignation qui de toutes parts se soulève. Vous ne souffrirez pas qu'une plus longue impunité engendre de nouveaux fléaux, plus grands peutêtre que ceux auxquels nous essayons d'échapper. Les ministres du Roi sont obligés de vous dire que cette décision du conseil de guerre devient un triomphe pour les factieux. Il importe que leur joie soit courte, pour qu'elle ne leur soit pas funeste. Nous vous conjurons donc, et, au nom du Roi, nous vous requérons de procéder immédiatement au jugement du maréchal Ney, en suivant pour cette procédure, les formes que vous observez pour la délibération des lois, sauf les modifications portées par l'ordonnance de Sa Majesté, dont il va vous être donné lecture.

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D'après cette ordonnance, vos fonctions judiciaires commencent dès cet instant. Vous vous devez à vousmêmes, Messieurs, de ne faire entendre aucun discours qui puisse découvrir votre sentiment pour ou contre l'accusé. Il comparaîtra devant vous aux jour et heure que la chambre fixera. »

Le procureur-général commissaire du Roi, donne ensuite lecture à la chambre, 1°. du jugement par lequel le conseil de guerre permanent de la re. division militaire, s'est déclaré incompétent pour juger le maréchal Ney; 2o. de l'ordonnance du Roi dont les motifs viennent d'être exposés.

Après avoir entendu cette lecture, l'assemblée, sur la proposition d'un de ses membres, déclare qu'elle reçoit avec respect la communication qui vient de lui être faite au nom du Roi, par les ininistres de S. M., qu'elle reconnaît les attributions qui lui ont été données par l'article 33 de la Charte constitutionnelle, et qu'elle est prête à remplir ses devoirs en se conformant à l'ordonnance du Roi.

Elle s'ajourne à lundi onze heures pour prendre connaissance des pièces de la procédure instruite contre le inaréchal Ney.

Séance du 13 novembre.

La chambre s'est réunie à 11 heures sous la présidence de M. le chancelier.

Les ministres du Roi se sont rendus à la séance. M. le duc de Richelieu, président du conseil des ministres a donné connaissance d'une ordonnance de S. M., en date d'hier, additionnelle à celle de la veille, et qui règle définitivement les formes à suivre dans l'instruction et le jugement de l'affaire du maréchal Ney.

LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE, etc.

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Par notre ordonnance du 11 de ce mois nous avons déterminé qué la chambre des pairs, dans l'exercice des fonctions judiciaires qui lui sont attribuées, conservât son organisation habituelle, et nous avons déjà prescrit les principales formes de l'instruction et du jugement.

Voulant donner à notre ordonnance tous les développenents nécessaires,

Voulant aussi donner aux débats qui doivent précéder le jugement, la publicité prescrite par l'article 64 de la charte constitutionnelle,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

Art. 1. La procédure sera instruite sur le réquisitoire de notre procureur de la cour royale de Paris, l'un de nos cominissaires délégués par notre ordonnance susdite.

2. Les témoins seront entendus et le prévenu sera interrogé par notre chancelier président de la chambre des pairs ou par celui des pairs qu'il aura commis. Procès-verbal sera dressé de tous les actes d'instruction dans les formes établies par le Code d'instruction criminelle.

3. Les fonctions attribuées par les lois aux greffiers des cours et tribunaux dans les affaires criminelles, seront exercées par le secrétaire archiviste de la chambre des pairs, lequel pourra s'adjoindre un commis asser

menté.

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4. L'instruction étant terminée, sera communiquée à nos commissaires qui dresseront l'acte d'accusation.

5. Cet acte d'accusation sera présenté à la chambre des pairs, qui décernera, s'il y a lieu, l'ordonnance de prise de corps, et fixera le jour de l'ouverture des débats.

6. L'acte d'accusation, l'ordonnance de prise de corps

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» Nous accusons devant vous le maréchal Ney de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de l'état.

» Nous osons dire que la chambre des pairs doit au monde une éclatante réparation: elle doit être prompte, car il importe de retenir l'indignation qui de toutes parts se soulève. Vous ne souffrirez pas qu'une plus longue impunité engendre de nouveaux fléaux, plus grands peutêtre que ceux auxquels nous essayons d'échapper. Les ministres du Roi sont obligés de vous dire que cette décision du conseil de guerre devient un triomphe pour les factieux. Il importe que leur joie soit courte, pour qu'elle ne leur soit pas funeste. Nous vous conjurons donc, et, au nom du Roi, nous vous requérons de procéder immédiatement au jugement du maréchal Ney, en suivant pour cette procédure, les formes que vous observez pour la délibération des lois, sauf les modifications portées par l'ordonnance de Sa Majesté, dont il va vous être donné lecture.

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D'après cette ordonnance, vos fonctions judiciaires commencent dès cet instant. Vous vous devez à vousmêines, Messieurs, de ne faire entendre aucun discours qui puisse découvrir votre sentiment pour ou contre l'accusé. Il comparaitra devant vous aux jour et heure que la chambre fixera. »>

Le procureur-général commissaire du Roi, donne ensuite lecture à la chambre, 1o. du jugement par lequel le conseil de guerre permanent de la re. division militaire, s'est déclaré incompétent pour juger le maréchal Ney; 2o. de l'ordonnance du Roi dont les motifs viennent d'ètre exposés.

Après avoir entendu cette lecture, l'assemblée, sur la proposition d'un de ses membres, déclare qu'elle reçoit avec respect la communication qui vient de lui être faite au nom du Roi, par les ministres de S. M., qu'elle reconnaît les attributions qui lui ont été données par l'article 33 de la Charte constitutionnelle, et qu'elle est prête à remplir ses devoirs en se conformant à l'ordonnance du Roi.

Elle s'ajourne à lundi onze heures pour prendre connaissance des pièces de la procédure instruite contre le inaréchal Ney.

QUESTION PREJUDICIELLE

DANS L'AFFAIRE

DE M. LE MARECHAL NEY.

Personne ne peut être POURSUIVI ni arrêté que dans les cas prévus par la loi, et DANS LA FORME QU'ELLE PRESCRIT. (Art. 4 de la Charte.)..

L.

A charte constitutionnelle est la loi fondamentale de l'état ; elle détermine tous les pouvoirs, elle assure tous les droits, elle garantit toutes les libertés. Elle n'oblige pas seulement les citoyens; elle engage aussi le Monarque, elle oblige même ses successeurs (1).

S'il est du devoir de tous de s'y conformer, il est du droit de chacun d'en invoquer les dispositions tutélaires; et il est permis de le faire avec une confiance d'autant plus entière, que le Prince qui règne sur nous, déclare lui-même, dans les actes de son gouvernement, qu'il veut conserver scrupuleusement à ses sujets les droits que cette charte leur assure (2).

Le même scrupule est dans le vœu de ses ministres ; et l'un d'eux s'est glorifié, à juste titre, de ce que S. M. en tur remettant les sceaux de l'état, y avait mis pour condition qu'il ne s'en servirait que pour sceller des lois et des actes conformes à la charte (3).

Nous ne remplissons donc pas seulement l'office de défenseurs de M. le maréchal Ney, mais aussi le devoir de bons et fidèles sujets que nous sommes (4), en réclamant l'observation scrupufense de la charte, et en soutenant que, dans aucun cas, il n'y peut être apporté de modification que d'après les formes CORStitutionnelles (5).

(1) Voyez le préambule de la charte, et son art. 74,5 2113 TI (2) Ordonnance du 6 septembre 1815, concernant le sieur Lavalette (3) Circulaire de M. Barbé-Marbois, du 2 octobre 1815.

(4) « Ceux-là seuls qui aiment la charte, aiment vraiment le Roi. » (Ordonnance du 9 mars 1815, bulletin n°. 91.)

(5) Ordonnance du 13 juillet 1815, sur la convocation des colléges

électoraux.

C'est dans cet esprit que nous avons prétendu que M. le maréchal Ney n'était pas justiciable d'un conseil de guerre, et qu'il était fondé à demander son renvoi devant la chambre des pairs, pour y être jugé conformément à la charte contitutionnelle (1). Cette exception déclinatoire a été accueillie par le conseil de guerre; la décision de ce conseil n'a donné lieu à aucun recours, soit en révision, soit en cassation; elle est aujourd'hui passée en force de chose jugée : il y a mieux, la conformité de cette décision avec la charte ayant été reconnue par les ministres (2), une ordonnance en date du 11 novembre 1815, a décidé qu'en effet la chambre des pairs était seule compétente pour connaître du crime imputé à M. le maréchal Ney.

Il restait encore à déterminer la procédure à suivre pour arriver au jugement.

Les ministres ne virent pas la nécessité de porter une loi sur cet objet; ils croyaient que les formes usitées pour les propositions de loi étaient assez solennelles et assez rassurantes pour juger un homme, quel que fút son grade ou sa dignité : ils regardaient comme inutile de suivre la méthode des magistrats qui accusent en énumérant avec détail toutes les charges qui s'élèvent contre l'accusé; enfin ils pensaient que la procédure tenue devant le conseil de guerre subsistait dans son intégrité, MALGRÉ l'incompétence et A CAUSE MÊME de l'incompétence `prononcée (3).

Cette opinion des ministres fut combattue au nom de M. le maréchal dans une première requête, dans laquelle on établissait, au contraire, que l'instruction faite devant des juges déclarés et reconnus incompétents, était nulle et devait nécessairement être recommencée que les formes mystérieuses employées dans la discussion des lois (4), ne pouvaient pas s'allier avec la publicité requise pour les débats judiciaires en matière criminelle (5); etc., etc. Les ministres sentirent la force de ces objections; et, par une seconde ordonnance servant de développement à la première, il fut réglé que l'instruction serait recommencée, que les débats

(1) Voyez 1o. la Consultation de M. Delacroix Frainville; 2o. celle de M. Dupin; 3°. le Plaidoyer de M. Berryer.

(2) «Le maréchal Ney est accusé de haute trahison: AUX TERMES DE LA CHARTE, c'est à vous qu'il appartient de juger ces sortes de caimes.» (Discours de M. de Richelieu à MM. les pairs.)

(3) Voyez le Discours des ministres, imprimé dans les journaux du 12 novembre.

Charte, art. 32.

Charte constit., art. 64.

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