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DU MARECHAL NEY.

CHAMBRE DES PAIRS.

Séance du Décembre,

PRÉSIDÉE PAR M. DAMBRAY, CHANCELIER DE FRANCE.

La séance s'ouvre à onze heures moins un quart. MM. Dubouchage, Barbé-Marbois et de Cases sont au banc des ministres.

On fait l'appel nominal. M. le comte Dambarrère, malade, est le seul de MM. les pairs qui soit absent.

Mgr. le président demande à l'accusé ses nom, prénoms, etc., et fait promettre aux défenseurs de n'employer aucun moyen réprouvé par leur conscience, et de ne jamais s'écarter de la décence que leur commande la sainteté du lieu et de leur ministère.

On lit l'acte d'accusation. (Voyez cette pièce au N°. II.) Le greffier en chef donne lecture de la liste des témoins appelés à la requête du ministère public et de l'accusé.

Témoins appelés à la requête du ministère public.

MM. le duc de Duras, Magin, Pantin, Perrache, le chevalier de Richemont, de Beausire, le duc de Reggio, le baron Clouet, le comte de Faverney, le prince de Poix, le comte de Scey, le comte de la Genetière, le comte de Grivel, le comte de Bourmont, de Balliencourt, Charmoille de Fresnoy, le chevalier Grison, Tumeril de Lecourt, Batardy, le duc de Mailhé, le baron Passinges de Préchamp, le baron Mermet, le baron Gauthier, la

marquis de Sauran, Regnault de Saint-Amour, Cayrol, le duc d'Albufera, de Lange de Bourcin, le baron de Montgenet, Boulouze, le baron Bapelle, le marquis de Vaulchier, Bessières, Guy, le chevalier Durand, le comte Heudelet, madame Maury. A la requête de l'accusé.

MM. Le prince d'Eckmulh, le comte de Bondy, Guilleminet, Bignon.

Un pair. Je demande la parole: le procès coinmence; jusqu'ici tout a été d'instruction.

-

Mgr. le président. Vous n'avez pas le droit de m'interrompre; j'ordonne qu'on procède à l'appel nominal. Le pair qui avait pris la parole n'a pas jugé à propos de la réclamer; et après l'appel nominal, Mr. Bellart, commissaire du Roi, s'est levé. Au lieu de faire, suivant l'usage, un exposé du procès, il s'est contenté de dire: la lecture de l'acte d'accusation renferme tout ce qui constitue le crime reproché à M. le maréchal Ney. Vous retracer les faits, ce serait perpétuer des répétitions douloureuses dont je dois faire le sacrifice à la rapidité de la marche de ce procès.

M. le duc d'Albufera nous écrit de son lit de douleur, une lettre à laquelle il a joint une déposition absolument semblable à celle qu'il a faite devant M. le maréchal-de-camp Grundler. Il déclare n'avoir rien à y ajouter. Nous ne nous opposons pas à ce que l'accusé en tire le parti qu'il croira convenable.

Me. Berryer. Cette déposition ne concerne qu'un seul fait, et nous la trouvons satisfaisante.

Mgr. le président à l'accusé. - Que faisiez-vous dans les prémiers jours de mars?

Le maréchal Ney. Je vais répondre à toutes les questions; mais je déclare auparavant que je me réserve de faire valoir les droits qui résultent, en ma faveur, de la capitulation du trois juillet, et du traité du 20 novembre.

L'accusé dit ensuite que, dans les premiers jours de mars dernier, il habitait sa terre des Coudreaux, qu'il n'a quittée qu'en exécution des ordres du ministre de la guerre. Il ne se rappelle pas le nom de l'officier que le ministre a chargé de les lui apporter. Cet officier ne lui a donné verbalement aucun détail. Il a dîné à sa table sans lui

parler du débarquement de Buonaparte. Personne, dans le pays, ne connaissait encore cet événement; il en atteste M. de Montmorency, qui a des propriétés dans son voisinage.

Il est arrivé à Paris, à ce qu'il croit, le 7 au soir, et c'est le 8 seulement qu'il a su par M. Batardy, son notaire, la nouvelle de l'invasion de Buonaparte. Il a vu le ministre de la guerre, qui n'a pas voulu s'expliquer sur la mission qu'il lui donnait, et s'est contenté de lui dire vous trouverez des ordres à Besançon, le général Bourmont les a déjà reçus. Il a vu le Roi en sortant de chez le ministre, qui lui avait dit: Ne vous présentez pas chez S. M.; elle est souffrante, et ne reçoit pas.

Il demanda au Roi s'il avait quelque instruction particulière à lui donner.

« Je sais, dit le maréchal, qu'on a répandu le bruit que j'avais promis à S. M. de lui amener Buonaparte dans une cage de fer. Dussé-je être fusillé, lacéré en mille morceaux, j'affirme que je crois avoir dit que son entreprise me paraissait si extravagante, qu'il mériterait, s'il était pris, d'être enfermé dans une cage de fer. Au surplus, si j'ai dit que je l'amènerais ainsi, j'ai dit une sottise, une grande sottise, qui ne prouverait en définitif que le désir ardent et sincère dont mon coeur était animé pour le service et la défense du Roi. >>

On lit la copie des instructions envoyées au maréchal par le ministre de la guerre. Elles se bornent à lui ordonner de réunir le plus de troupes qu'il pourra. Le ministre lui donne l'état des forces qu'il trouvera dans son gouvernement, et lui prescrit quelques dispositions assez yagues.

L'accusé prétend que ces instructions étaient si insignifiantes, qu'en les observant il n'avait rien à faire qu'à se promener dans Besançon les bras croisés.

Après avoir retracé les mesures que lui dicta le zèle le plus vrai, c'est, dit-il, dans la nuit du 13 au 14 que des envoyés de Buonaparte in'ont circonvenu.

A quelle heure, lui demande-t-on, ces envoyés sont-ils parvenus jusqu'à vous? A une heure, deux heures, trois heures, je ne me rappelle pas précisément; la lettre de Bertrand me fut apportée par plusieurs officiers. Un d'eux était blessé à la main. M. le ministre de la police a écrit,

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dans l'interrogatoire qu'il m'a fait subir, que je l'avais désigné comme manchot ; c'est une erreur. Ce n'est pas la seule; il rapporte encore que j'ai hésité pour déclarer que j'avais baisé la main du Roi. Je n'ai point hésité.

M. le président.Cominent n'avez-vous pas conservé la lettre du général Bertrand?

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Le inaréchal.- Je n'en ai pas été maître. Je suis arrivé à Paris le jour où Labédoyère a été fusillé. Ma femme a éprouvẻ la crainte bien naturelle qu'il n'y eût chez moi des papiers faits pour me compromettre. Elle a tout fait brûler. Je regrette beaucoup certaines lettres qui auraient éclairé la religion de la chainbre.

On présente à l'accusé la proclamation imprimée, et publiée avec sa signature, en date du 15 mars.

Il déclare que la date et la signature sont fausses. Je crois bien, ajoute-t-il, que c'est une proclamation dans ce genre là que j'ai lue à la troupe, mais elle était connue et répandue en Suisse. Elle n'a jamais été imprimée à Lons le Saulnier, à moins que ce soit depuis le 14.

A cette époque on savait que partout où l'usurpateur se présentait c'était une rage de courir après lui.

Mr. Bellart demande à l'accusé si les agents de Buonaparte ne lui ont pas remis quelque décoration : il répond négativement. Il est vrai que des aigles avaient été apportées par des émissaires inconnus, qu'elles ont été arborées; mais personne ne peut dire que le drapeau blanc ait été outragé, et le inaréchal affirine qu'il a toujours porté la décoration du Roi, mème lorsqu'il se réunit à Buonaparte.

Le reste de l'interrogatoire roule sur des circonstances qui se représentent dans la confrontation de l'accusé avec les témoins (1).

Le premier est M. le duc Durfort de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chainbre du Roi.

Il déclare que le inardi, 7 mars, à onze heures un quart du matin, le maréchal Ney fut introduit dans le cabinet du Roi. Il s'avança d'un pas ferme vers S. M., et après des remerciments de la confiance dont il recevait la preuve et des protestations d'une inviolable fidélité, il dit que s'il

(1) Voir, pour le texte de ces dépositions, à la fin de ce Numéro et an Numero Ier.

prenait Buonaparte vivant, il l'amènerait dans une cage de fer.

L'accusé-Je croyais avoir dit que l'extravagante entreprise de Buonaparte méritait cette punition; mais je m'en rapporte à ce que dit M. le duc de Duras.

M. le prince de Poix fait une déclaration absolument conforme à celle du premier témoin, et contre laquelle l'accusé n'élève aucune objection.

Le troisième témoin est M. Pierre Georges, comte de Scey, préfet de Besançon. Il dit qu'à l'arrivée du maréchal Ney dans cette ville, il lui demanda ses instructions et ses ordres, qui se bornèrent à l'invitation de lui procurer beaucoup de chevaux de réquisition, et à réunir les fonds des caisses publiques. Le maréchal se répandit en propos véhéments contre Buonaparte.

M. le préfet s'informa pourquoi l'on désarmait les reinparts de Besançon le commandant d'arines lui répondit que cela ne le regardait point. Il demanda des armes pour les volontaires royaux, on lui dit qu'il n'y en avait pas. M. de Possinges, chef d'état-major du maréchal, vint à son tour lui demander de l'argent, et M. le préfet lui répondit qu'il ne pouvait démunir les caisses dans, un inoment ou Besançon allait probablement recevoir une forte garnison, et où l'on organisait des volontaires royaux.

Le inaréchal Ney-Jamais je ne vous ai parlé d'ar-gent. Je vous ai ordonné de réunir diligeminent des clevaux, vous n'en avez rien fait, On n'a point donné d'ordres pour désarmer Besançon; au contraire, on y a fait rentrer les pièces du polygone. Si des munitions ont été tirées de cette place, c'est qu'on avait oublié de distribuer des cartouches aux régiments qui partaient. Je n'avais reçu du iuinistre qu'un bon de 15,000 fr. qui m'a été payé à Lille à la fin de mars.

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que

M. le maréchal m'ait

Le témoin. Je n'ai dit pas demandé de l'argent pour son propre usage, mais qu'il in'avait ordonné d'en réunir pour le service public, l'ordre signé de lui doit exister aux pièces.

L'accusé.

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et

Vous souvenez-vous que vous n'avez écrit à Lons-le-Saulnier, que vous aviez 700,000 fr. à ma disposition, et que je vous ai répondu que ni moi ni mes soldats n'avions besoin d'argent?

Le témoin. Je ne me le rappelle paş : il est vrai que

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