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<<< Il est bien entendu que cette communication, dont les Puissances `contractantes constatent la haute valeur, ne saurait, en aucun cas, donner le droit auxdites Puissances de s'immiscer, soit collectivement, soit séparément, dans les rapports de Sa Majesté le Sultan avec ses sujets, ni dans l'administration intérieure de son Empire. »> MM. les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la Grande-Bretagne et de la Turquie appuient cette proposition, comme répondant pleinement à l'objet qu'on se propose. Aali-Pacha ajoute qu'il ne lui serait pas possible de se rallier à toute autre rédaction, si elle tendait à conférer aux Puissances un droit de nature à limiter l'autorité souveraine de la Sublime-Porte.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie répondent que ce point mérite une attention particulière, et qu'ils ne sauraient exprimer leur opinion avant d'avoir examiné avec soin la rédaction mise en délibération: ils en demandent le renvoi à une Commission.

MM. les Plénipotentiaires de la France et de la Grande-Bretagne combattent la proposition de MM. les Plénipotentiaires de la Russie, en se fondant, à leur tour, sur l'importance même de la question, qui demande à être délibérée in pleno.

Il est décidé que la discussion aura lieu en Congrès, dans la pro

chaine séance.

M.le premier Plénipotentiaire de France communique les articles relatifs à la Servie, et qui ont été rédigés par la commission des Principautés.

Sur la proposition de M. le comte de Clarendon, le congrès arrête que ces articles seront insérés au protocole, et en remet l'examen à la réunion suivante.

Ces articles sont ainsi conçus :

ART..

<< La principauté de Servie continuera à relever de la Sublime-Porte, conformément aux Hats impériaux qui fixent et déterminent les droits dont elle jouit.

<< En conséquence, ladite Principauté conservèra son administration indépendante et nationale, ainsi que la pleine liberté de culte, de législation, de commerce et de navigation.

<< Les améliorations qu'il pourrait devenir nécessaire d'introduire dans les institutions actuelles de la Principauté de Servie ne devront être que le résultat d'un concert entre la Sublime-Porte et les autres parties contractantes.

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« Le droit de garnison de la Porte, tel qu'il se trouve stipulé par les réglements antérieurs, est maintenu.

Art.

« La Servie se trouvant désormais placée sous la garantie collective de toutes les Puissances, aucune intervention armée exclusive ne pourra avoir lieu sur son territoire de la part de l'une ou de l'autre des Puissances contractantes. >>

(Suivent les signatures.)

PROTOCOLE No XIV

Séance du 25 mars 1856.

Présents: les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie.

Le protocole de la précédente séance est lu et approuvé.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie sont invités à faire part au Congrès des observations qu'ils se sont réservé de présenter sur la rédaction insérée au protocole n° XIII, et relative au quatrième point.

M. le baron de Brunnow expose qu'en assurant aux chrétiens de l'Empire Ottoman l'entière jouissance de leurs priviléges, on a donné à la paix une garantie de plus, et qui ne sera pas la moins précieuse; qu'à ce titre on ne saurait trop apprécier l'importance du Hatti-schérif récemment émané de la volonté souveraine du Sultan; que les Plénipotentiaires de la Russie n'hésitent pas à reconnaître et sont en outre heureux de déclarer que cet acte, dont chaque paragraphe atteste hautement les intentions bienveillantes du souverain qui l'a rendu, réalise et dépasse même toutes leurs espérances; que ce sera rendre hommage à la haute sagesse du Sultan, et témoigner de la sollicitude qui anime également tous les gouvernements de l'Europe, que d'en faire mention dans le Traité de paix; qu'on est d'accord sur ce point, et qu'il ne s'agit plus que de s'entendre sur les termes. M. de Brunnow ajoute que l'intérêt particulier que la Russie porte aux chrétiens de la Turquie l'avait déterminée à donner son entier assentiment à une première rédaction, qui semble cependant avoir soulevé certaines objections, bien que cette rédaction, conformément à l'avis unanime du Congrès, fit remonter exclusivement à la volonté souveraine et spontanée du Sultan l'acte qu'on veut rappeler dans le Traité, et stipulât qu'il ne pouvait en résulter un droit quelconque d'ingérence pour aucune puissance.

Par égard, dit-il encore, pour des susceptibilités que nous respec

tons, nous y renonçons donc, et nous proposons au Congrès une rédaction qui nous semble satisfaire à toutes les nécessités, en restant dans les limites qui nous sont tracées. M. le baron de Brunnow donne lecture de cette rédaction, qui est ainsi conçue :

«S. M. le Sultan, dans sa constante sollicitude pour le bien-être de tous ses sujets, sans distinction de religion ni de race, ayant octroyé un Firman qui consacre ses généreuses intentions envers les populations chrétiennes de son Empire, a résolu de porter ledit Firman à la connaissance des Puissances contractantes.

<< Leurs Majestés l'Empereur des Français, etc., constatent la haute valeur de cet acte spontané de la volonté souveraine de S. M. le Sultan. Leursdites Majestés acceptent cette communication comme un nouveau gage de l'amélioration du sort des chrétiens en Orient, objet commun de leurs vœux, dans un intérêt général d'humanité, de civilisation et de piété.

<< En manifestant, à cet égard, l'unanimité de leurs intentions, les Hautes parties contractantes déclarent d'un commun accord que la communication de l'acte ci-dessus mentionné ne saurait donner lieu à aucune ingérence collective ou isolée dans les affaires d'administration intérieure de l'Empire Ottoman, au préjudice de l'indépendance et de la dignité de l'autorité souveraine dans ses rapports avec ses sujets. >>

M. le premier Plénipotentiaire de la France, et après lui M. le comte de Clarendon, font remarquer que le projet présenté par MM. les Plénipotentiaires de la Russie ne diffère pas essentiellement de celui auquel ils demandent à le substituer, et qu'en insistant ils placeraient MM. les Plénipotentiaires de la Turquie dans l'obligation d'en référer de nouveau à Constantinople, et provoqueraient ainsi de nouveaux ajournements; que si les différences qu'on remarque entre les deux textes ont une portée digne d'occuper le Congrès, MM. les Plénipotentiaires de la Russie devraient en préciser le caractère et la nature; que si, au contraire, ces différences sont insignifiantes, comme on peut le croire à première vue, il conviendrait de s'en tenir à la rédaction qui a déjà obtenu l'agrément du Gouvernement Ottoman, principal intéressé dans la question.

M. le comte Orloff répond que, d'accord avec M. le baron de Brun. now, et prenant en considération les motifs énoncés par MM. les Plénipotentiaires de la France et de la Grande-Bretagne, il renonce à faire agréer le projet présenté par M. le second Plénipotentiaire de la Russie, et qu'il se rallie à celui qui a été présenté par M. le comte Walewski, en demandant toutefois un léger changement, et réservant l'approbation de sa Cour.

Lord Cowley dit qu'il ne peut laisser passer les expressions dont s'est servi le baron de Brunnow en parlant de l'intérêt particulier que la Russie porte aux sujets chrétiens du Sultan, et que l'intérêt que les autres Puissances chrétiennes n'ont cessé de leur témoigner n'est ni moins grand ni moins particulier.

M. le baron de Brunnow répond qu'en rappelant les dispositions dont sa Cour a toujours été animée, il n'a pas entendu révoquer en doute ou contester celles des autres Puissances pour leurs coreligionnaires.

Après avoir déclaré que ses instructions ne lui permettent d'adhérer à aucune modification sans prendre les ordres de son gouvernement, Aali-Pacha, reconnaissant que le dernier changement demandé par M. le comte Orloff consiste dans une simple transposition de mots, y donne son assentiment, et le Congrès adopte la rédaction suivante, devenue définitive, sauf la réserve faite plus haut par M. le premier Plénipotentiaire de la Russie :

S. M. I. le Sultan, dans sa constante sollicitude pour le bien-être de ses sujets, sans distinction de religion ni de race, ayant octroyé un Firman qui, en améliorant leur sort, consacre également ses généreuses intentions envers les populations chrétiennes de son Empire, et voulant donner un nouveau témoignage de ses sentiments à cet égard, a résolu de communiquer aux Puissances contractantes ledit Firman, spontanément émané de sa volonté souveraine.

« Les Puissances contractantes constatent la haute valeur de cette communication.

« Il est bien entendu qu'elle ne saurait, en aucun cas, donner le droit auxdites Puissances de s'immiscer, soit collectivement, soit séparément, dans les rapports de S. M. le Sultan avec ses sujets, ni dans l'administration intérieure de son Empire. >>

M. le comte Walewski dit que l'état de guerre ayant invalidé les traités et conventions qui existaient entre la Russie et les autres Puissances belligérantes, il y a lieu de convenir d'une stipulation transitoire qui fixe les rapports commerciaux de leurs sujets respectifs, à dater de la conclusion de la paix.

M. le comte de Clarendon émet l'avis qu'il conviendrait de stipuler mutuellement, pour le commerce et pour la navigation, le traitement de la nation la plus favorisée, en attendant que chaque puissance alliée puisse renouveler avec la Russie ses anciens traítés, ou bien en négocier de nouveaux.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie répondent qu'ils sont sans instructions à cet égard, et qu'il ne leur serait pas permis de prendre des engagements propres à créer un état de choses différent de celui

qui existait avant la guerre, et qu'avant de se prêter à la combinaison proposée par M. le comte de Clarendon, ils devraient en référer à leur Cour; que la Russie a conclu d'ailleurs avec des États limitrophes des traités qui accordent aux sujets respectifs des avantages qu'il ne lui conviendrait pas peut-être de concéder, même temporairement, aux sujets d'autres Puissances, attendu qu'il pourrait ne pas en résulter une juste réciprocité; et, par ces motifs, ils proposent de convenir que les traités et conventions existant avant la guerre seront remis en vigueur pendant un délai déterminé et suffisant pour permettre aux parties de se concerter sur de nouvelles stipulations.

La question étant réservée, M. le comte de Clarendon dit qu'en appelant la Turquie à faire partie du système politique de l'Europe, les Puissances contractantes donneraient un témoignage éclatant des dispositions qui les unissent et de leur sollicitude pour les intérêts généraux de leurs sujets respectifs, si elles cherchaient à s'entendre dans le but de mettre les rapports de leur commerce et de leur navigation en harmonie avec la position nouvelle qui sera faite à l'Empire Ottoman.

M. le comte Walewski appuie cet avis, en se fondant sur les principes nouveaux qui vont sortir des délibérations du Congrès, et sur les garanties que les récentes mesures prises par le gouvernement du Sultan donnent à l'Europe.

M. le comte de Cavour fait remarquer qu'aucune Puissance ne possède une législation commerciale d'un caractère plus libéral que celle de la Turquie, et que l'anarchie qui règne dans les transactions, ou plutôt dans les rapports personnels des étrangers résidant dans l'Empire Ottoman, tient à des stipulations nées d'une situation exceptionnelle.

M. le baron de Manteuffel dit que la Prusse ayant eu à négocier un traité de commerce avec la Porte, il a eu occasion de constater les difficultés de toute nature auxquelles donne lieu la multiplicité des Conventions conclues avec la Turquie, et stipulant pour chaque Puissance le traitement de la nation la plus favorisée.

M. le comte de Buol reconnaît qu'il résulterait certains avantages du réglement des relations commerciales de la Turquie avec les autres puissances; mais, les intérêts différant avec les situations respectives, il ne peut être procédé qu'avec une extrême cironspection à un remaniement qui toucherait à des positions acquises, et remontant aux premiers temps de l'Empire Ottoman.

Aali-Pacha attribue toutes les difficultés qui entravent les relations commerciales de la Turquie et l'action du Gouvernement Ottoman à des stipulations qui ont fait leur temps. Il entre dans des détails ten

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