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les plus sincères pour la prospérité de ce royaume, et elle désire également, comme la France, que tous les pays de l'Europe jouissent, sous la protection du droit public, de leur indépendance politique et d'une complète prospérité. Il ne doute pas qu'une des conditions essentielles d'un état de choses aussi désirable ne réside dans la sagesse d'une législation combinée de manière à prévenir ou à réprimer les excès de la presse, que M. le comte Walewski a blâmés avec tant de raison, en parlant d'un État voisin, et dont la répression doit être considérée comme un besoin européen. Il espère que dans tous les États continentaux où la presse offre les mêmes dangers, les gouvernements sauront trouver dans leur législation les moyens de la contenir dans de justes limites, et qu'ils parviendront ainsi à mettre la paix à l'abri de nouvelles complications internationales.

En ce qui concerne les principes de droit maritime, dont M. le premier Plénipotentiaire de la France a proposé l'adoption, M. le comte de Buol déclare qu'il en apprécie l'esprit et la portée, mais que, n'étant pas autorisé par ses instructions à donner un avis sur une matière aussi importante, il doit se borner, pour le moment, à annoncer au Congrès qu'il est prêt à solliciter les ordres de son souverain.

Mais ici, dit-il, sa tâche doit finir. Il lui serait impossible, en effet, de s'entretenir de la situation intérieure d'États indépendants qui ne se trouvent pas représentés au Congrès. Les Plénipotentiaires n'ont reçu d'autre mission que celle de s'occuper des affaires du Levant, et n'ont pas été convoqués pour faire connaître à des souverains indépendants des vœux relatifs à l'organisation intérieure de leur pays : les pleins pouvoirs déposés aux actes du Congrès en font foi. Les instructions des Plénipotentiaires autrichiens, dans tous les cas, ayant défini l'objet de la mission qui leur a été confiée, il ne leur serait pas permis de prendre part à une discussion qu'elles n'ont pas prévue.

Pour le même motif, M. le comte de Buol croit devoir s'abtenir d'entrer dans l'ordre d'idées abordé par M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne et de donner des explications sur la durée de l'occupation des États romains par les troupes autrichiennes, tout en s'associant cependant et complétement aux paroles prononcées par le premier Plénipotentiaire de la France à ce sujet. M. le comte Walewski fait remarquer qu'il ne s'agit ni d'arrêter des résolutions définitives, ni de prendre des engagements, encore moins de s'immiscer directement dans les affaires intérieures des gouvernements représentés ou non représentés au Congrès, mais uniquement de consolider, de compléter l'œuvre de la paix en se préoc cupant d'avance des nouvelles complications qui pourraient surgir,

soit de la prolongation indéfinie ou non justifiée de certaines occupations étrangères, soit d'un système de rigueur inoportun et impolitique, soit d'une licence perturbatrice, contraire aux devoirs internationaux.

M. le baron de Hübner répond que les Plénipotentiaires de l'Autriche ne sont autorisés ni à donner une assurance, ni à exprimer des vœux. La réduction de l'armée autrichienne dans les Légations dit assez, selon lui, que le cabinet impérial a l'intention de rappeler ses troupes dès qu'une semblable mesure sera jugée opportune.

M. le baron de Manteuffel déclare connaitre assez les intentions du Roi, son auguste maître, pour ne pas hésiter à exprimer son opinion, quoiqu'il n'ait pas d'instructions à ce sujet, sur les questions dont le Congrès est saisi.

Les principes maritimes, dit M. le premier Plénipotentiaire de la Prusse, que le Congrès est invité à s'approprier, ont toujours été professés par la Prusse, qui s'est constamment appliquée à les faire prévaloir, et il se considère comme autorisé à prendre part à la signature de tout acte ayant pour objet de les faire admettre définitivement dans le droit public européen. Il exprime la conviction que son souverain ne refuserait pas son approbation à l'accord qui s'établirait dans ce sens entre les Plénipotentiaires.

M. le baron de Manteuffel ne méconnaît nullement la haute importance des autres questions qui ont été débattues; mais il fait observer qu'on a passé sous silence une affaire d'un intérêt majeur pour sa cour et pour l'Europe: il veut parler de la situation actuelle de Neufchâtel. Il fait remarquer que cette Principauté est peut-être le seul point de l'Europe où, contrairement aux traités et à ce qui a été formellement reconnu par toutes les grandes Puissances, domine un pouvoir révolutionnaire qui méconnaît les droits du souverain. M. le baron de Manteuffel demande que cette question soit comprise au nombre de celles qui devraient être examinées. Il ajoute que le Roi, son souverain, appelle de tous ses voeux la prospérité du royaume de Grèce, et qu'il désire ardemment voir disparaître les causes qui ont amené la situation anormale créée par la présence des troupes étrangères; il admet toutefois qu'il pourrait y avoir lieu d'examiner des faits de nature à présenter cette affaire sous son véritable jour,

Quant aux démarches qu'on jugerait utile de faire en ce qui concerne l'état des choses dans le royaume des Deux-Siciles, M. le baron de Manteuffel fait observer que ces démarches pourraient offrir des inconvénients divers. Il dit qu'il serait bon de se demander si des avis de la nature de ceux qui ont été proposés ne susciteraient pas dans le pays un esprit d'opposition et des mouvements révolution

naires, au lieu de répondre aux idées qu'on aurait en vue de réaliser dans une intention certainement bienveillante. Il ne croit pas devoir entrer dans l'examen de la situation actuelle des États pontificaux. Il se borne à exprimer le désir qu'il soit possible de placer ce gouvernement dans des conditions qui rendraient désormais superflue l'occupation par des troupes étrangères. M. le baron de Manteuffel termine en déclarant que le cabinet prussien reconnaît parfaitement la funeste influence qu'exerce la presse subversive de tout ordre régulier, et les dangers qu'elle sème en prêchant le régicide et la révolte; il ajoute que la Prusse participerait volontiers à l'examen des mesures qu'on jugerait convenables pour mettre un terme à ces menées.

M. le comte de Cavour n'entend pas contester le droit qu'à tout plénipotentiaire de ne pas prendre part à la discussion d'une question qui n'est pas prévue par ses instructions; il est cependant, croitil, de la plus haute importance que l'opinion manifestée par certaines puissances sur l'occupation des États romains soit constatée au protocole.

M. le premier Plénipotentiaire de la Sardaigne expose que l'occupation des États romains par les troupes autrichiennes prend tous les jours davantage un caractère permanent; qu'elle dure depuis sept ans, et que cependant on n'aperçoit aucun indice qui puisse faire supposer qu'elle cessera dans un avenir plus ou moins prochain; que les causes qui y ont donné lieu subsistent toujours; que l'état du pays qu'elles occupent ne s'est certes pas amélioré, et que, pour s'en convaincre, il suffit de remarquer que l'Autriche se croit dans la nécessité de maintenir dans toute sa rigueur l'état de siége à Bologne, bien qu'il date de l'occupation elle-même. Il fait remarquer que la présence des troupes autrichiennes dans les Légations et dans le duché de Parme détruit l'équilibre politique en Italie, et constitue pour la Sardaigne un véritable danger. Les Plénipotentiaires de la Sardaigne, dit-il, croient donc devoir signaler à l'attention de l'Europe un état de choses aussi anormal que celui qui résulte de l'occupation indéfinie d'une grande partie de l'Italie par les troupes autrichiennes.

Quant à la question de Naples, M. de Cavour partage entièrement les opinions énoncées par M. le comte Walewski et par M. le comte de Clarendon, et il pense qu'il importe au plus haut degré de suggé rer des tempéraments qui, en apaisant les passions, rendraient moins difficile la marche régulière des choses dans les autres États de la péninsule,

M. le baron de Hübner dit de son côté que M. le premier Plénipo

tentiaire de la Sardaigne a parlé seulement de l'occupation autrichienne et gardé le silence sur celle de la France; que les deux occupations ont cependant eu lieu à la même époque et dans le même but; qu'on ne saurait admettre l'argument que M. le comte de Cavour a tiré de la permanence de l'état de siége à Bologne; que, si un état exceptionnel est encore nécessaire dans cette ville, tandis qu'il a cessé depuis longtemps à Rome et à Ancône, cela semble tout au plus prouver que les dispositions des populations de Rome et d'Ancône sont plus satisfaisantes que celles de la ville de Bologne. Il rappelle qu'il n'y a pas seulement que les États romains, en Italie, qui soient occupés par des troupes étrangères; que les communes de Menton et de Roquebrune, faisant partie de la principauté de Monaco, sont depuis huit ans occupées par la Sardaigne, et que la seule différence qu'il y a entre les deux occupations, c'est que les Autrichiens et les Français ont été appelés par le souverain du pays, tandis que les troupes sardes ont pénétré sur le territoire du Prince de Monaco contrairement à ses vœux, et qu'elles s'y maintiennent malgré les réclamations du souverain du pays.

Répondant à M. le baron de Hübner, M. le comte de Cavour dit qu'il désire voir cesser l'occupation française aussi bien que l'occupation autrichienne, mais qu'il ne peut s'empêcher de considérer l'une comme bien autrement dangereuse que l'autre pour les États indépendants de l'Italie. Il ajoute qu'un faible corps d'armée, à une grande distance de la France, n'est menaçant pour personne, tandis qu'il est fort inquiétant de voir l'Autriche, appuyée sur Ferrare et sur Plaisance, dont elle étend les fortifications, contrairement à l'esprit, sinon à la lettre, des traités de Vienne, s'étendre le long de l'Adriatique jusqu'à Ancône.

Quant à Monaco, M. le comte de Cavour déclare que la Sardaigne est prête à faire retirer les cinquante hommes qui occupent Menton, si le Prince est en état de rentrer dans ce pays sans s'exposer aux plus graves dangers. Au reste, il ne croit pas qu'on puisse accuser la Sardaigne d'avoir contribué au renversement de l'ancien gouvernement afin d'occuper ces États, puisque le Prince n'a pu conserver son autorité que dans la seule ville de Monaco que la Sardaigne occupait, en 1848, en vertu des traités.

M. le baron de Brunnow croit devoir signaler une circonstance particulière c'est que l'occupation de la Grèce par les troupes alliées a eu lieu pendant la guerre, et les relations se trouvent heureusement rétablies entre les trois Cours protectrices, le moment est venu de se concerter sur les moyens de revenir à une situation conforme à l'intérêt commun. Il assure que les Plénipotentiaires de Russie ont

recueilli avec satisfaction et qu'ils transmettront avec empressement les dispositions qui ont été manifestées à cet égard par MM. les Plénipotentiaires de la France et de la Grande-Bretagne, et que la Russie s'associera volontiers, dans un but de conservation et en vue d'améliorer l'état des choses existant en Grèce, à toutes les mesures qui sembleraient propres à réaliser l'objet qu'on s'est proposé en fondant le royaume hellénique.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie ajoutent qu'ils prendront les ordres de leur cour sur la proposition soumise au Congrès relativement au droit maritime.

M. le comte Walewski se félicite d'avoir engagé les Plénipotentiaires à échanger leurs idées sur les questions qui ont été discutées. Il avait pensé qu'on aurait pu, utilement peut-être, se prononcer d'une manière plus complète sur quelques-uns des sujets qui ont fixé l'attention du Congrès. Mais tel quel, dit-il, l'échange d'idées qui a eu lieu n'est pas sans utilité.

M. le premier Plénipotentiaire de la France établit qu'il en ressort,

en effet :

1° Que personne n'a contesté la nécessité de se préoccuper mûrement d'améliorer la situation de la Grèce, et que les trois Cours protectrices ont reconnu l'importance de s'entendre entre elles à cet égard; 2° Que les Plénipotentiaires de l'Autriche se sont associés au vou exprimé par les Plénipotentiaires de la France de voir les États pontificaux évacués par les troupes françaises et autrichiennes, aussitôt que faire se pourra sans inconvénient pour la tranquillité du pays et la consolidation de l'autorité du Saint-Siége;

3o Que la plupart des Plénipotentiaires n'ont pas contesté l'efficacité qu'auraient des mesures de clémence, prises d'une manière opportune par les gouvernements de la péninsule italienne et surtout par celui des Deux-Siciles;

4° Que tous les Plénipotentiaires, et même ceux qui ont cru devoir réserver le principe de la liberté de la presse, n'ont pas hésité à flétrir hautement les excès auxquels les journaux belges se livrent impunément, en reconnaissant la nécessité de rémédier aux inconvénients réels qui résultent de la licence effrénée dont il est fait un si grand abus en Belgique;

5° Qu'enfin l'accueil fait par tous les Plénipotentiaires à l'idée de clore leurs travaux par une déclaration de principes en matière de droit maritime doit faire espérer qu'à la prochaine séance ils auront reçu de leurs gouvernements respectifs l'autorisation d'adhérer à un acte qui, en couronnant l'œuvre du Congrès de Paris, réaliserait un progrès digne de notre époque. (Suivent les signatures.)

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