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faire exécuter les travaux nécessaires sur tout le parcours du fleuve; 4o veiller, après la dissolution de la commission européenne, au maintien de la navigation des embouchures du Danube et des parties de la mer y avoisinantes.

Vous voyez, Monsieur, que le projet austro-hongrois ne s'accorde en aucun point avec le traité de Paris. Aux termes de ce traité, d'une part, la commission européenne ne saurait être permanente; de l'autre, l'Autriche-Hongrie ne saurait être appelée isolément à faire les travaux nécessaires pour détruire les obstacles qui gênent la navigation du Danube.

Il n'appartient pas davantage à une Conférence européenne, comme celle qui est réunie en ce moment à Londres, de prendre une décision à cet égard, attendu que le soin d'exécuter ces travaux a été dévolu par l'article 17, alinéas 2 et 3, du traité de Paris, à la commission riveraine, c'est-à-dire à toutes les puissances riveraines, la Bavière, le Wurtemberg, l'Autriche-Hongrie, la Turquie, la Serbie et la Roumanie.

Sur quoi pourrait donc se fonder la prétention de l'Autriche-Hongrie ? Elle est en contradiction formelle avec le traité de Paris, et nous ne pensons pas qu'elle puisse se baser davantage sur le droit public européen. L'Europe a institué la commission européenne, parce que les intérêts sur lesquels cette commission était appelée à veiller aux embouchures du Danube étaient communs à toute l'Europe.

Mais le dégagement des Portes de Fer intéresse avant tout les Etats riverains, et plus particulièrement l'Autriche-Hongrie, la Turquie, la Serbie et la Roumanie.

Il semble, d'après cela, que la commission riveraine elle-même ne puisse rien décider définitivement sans l'assentiment de tous ces Etats. Encore moins légalement une décision de ce genre pourrait-elle émaner des puissances qui ne sont intéressées dans la question qu'au point de vue général européen. Ainsi, la Conférence elle-même devrait être compétente pour conférer à l'Autriche-Hongrie le droit qu'elle réclame, et nous doutons, à vrai dire, de cette compétence. Tout ce que les puissances seraient en droit de décider à la Conférence serait la question de savoir si elles consentent à l'imposition d'une taxe sur les navires. dans le cas où les Etats riverains se mettraient d'accord pour dégager les Portes de Fer.

Par les considérations qui précèdent, le gouvernement princier estime que, sur ce point, l'intérêt de notre pays se trouve en parfait accord avec les stipulations du traité de Paris. C'est pourquoi je vous ai télégraphié le 16/28 de ce mois d'agir dans le sens dudit traité, en vous attachant surtout à provoquer une nouvelle réunion de la com

mission riveraine, en vue de régler la libre navigation du Danube et de résoudre en même temps la question des Portes de Fer, question qui est de sa compétence exclusive.

J'ai développé ces considérations dans une lettre en date du 19/31 courant, adressée à nos représentants à Constantinople et à Bukharest, et dont je joins ici copie (1).

Je leur avais, vu l'urgence, télégraphié précédemment, en leur recommandant de communiquer notre manière de voir aux gouvernements près desquels ils sont accrédités, et de les inviter à agir de concert avec nous. Je suis heureux, Monsieur, de pouvoir vous annoncer que notre point de vue a entièrement prévalu à Constantinople et à Bukharest. Vous avez vu, par mon télégramme du 22 courant (2) comment Aali-Pacha a répondu à notre représentant que la Porte consentait à la prorogation de la commission européenne pendant deux ans au plus, et que la question des Portes de Fer serait retirée de l'ordre du jour des séances de la Conférence pour être réservée par la commission riveraine. Le ministre des affaires étrangères à Bukharest, de son côté, nous fait savoir qu'il partage entièrement nos idées, et qu'il a transmis des instructions dans ce sens à l'envoyé roumain à Londres.

Ainsi, nous avons la satisfaction de constater que, à l'exception de l'Autriche-Hongrie, une entente parfaite règne entre tous les Etats qui sont le plus directement intéressés dans la question des Portes de Fer.

Nous sommes donc fondés à croire que la Conférence qui s'est réunie pour donner une nouvelle consécration au traité de Paris ne 'voudra pas l'affaiblir au détriment de tant d'Etats riverains et au profit d'un seul. Les représentants de l'Autriche-Hongrie à la Conférence vous ont, il est vrai, assuré que leur gouvernement s'entendrait avec nous sur les opérations techniques et financières, comme aussi sur la fixation des tarifs. Mais vous comprenez, Monsieur, que ce serait là un si faible dédommagement que la Serbie consentirait difficilement à profiter de l'offre du gouvernement austro-hongrois si, par malheur, la question venait à être résolue en faveur du plus fort au mépris des droits d'après le droit du plus faible.

Ce qui précède me dispense de répondre aux questions de détail que vous m'avez posées dans une de vos lettres, comme, par exemple, celles qui ont été soulevées par le chevalier de Cadorna, et d'autres encore que vous m'avez exposées dans votre lettre n° 4. Les mêmes considérations, qui font que nous ne pouvons pas consentir à ce que la

(1) No 5.

(2) No 9.

question soit résolue en principe en dehors de la commission riveraine, nous interdisent d'entrer dans aucun détail relativement à l'application, ailleurs que dans le sein de cette commission.

Ayant ainsi une entière connaissance des idées du gouvernement princier, vous voudrez bien, Monsieur, vous en inspirer constamment, de manière à les faire valoir, d'accord avec les délégués des Etats dont les intérêts sont identiques aux nôtres, et me tenir constamment au courant de la marche de l'affaire, de manière à ce que je puisse vous transmettre des instructions ultérieures, s'il y a lieu.

Agréez, etc.

N° 11

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES A M. ZUKITCH, A BUKHAREST

Télégramme.

Belgrade, le 23 janvier/4 février 1871.

Il lui accuse réception de son télégramme du 22 courant.

Il lui communique la déclaration que le grand-vizir a faite au chargé d'affaires à Constantinople, relativement à la question du Danube (1).

La Porte désirait que la question des Portes de Fer restât en dehors des délibérations de la Conférence pour être renvoyée à la commission riveraine ses vues sur ce point ne diffèrent pas de celles du gouvernement serbe.

No 12

M. MIJATOVITCH AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Télégramme.

Londres, le 23 janvier/4 février 1871.

La Conférence a tenu hier sa troisième séance (2).

Il a été résolu en principe que la durée de la commission européenne serait prolongée.

(1) Voir le u° 7,

(2) La première séance avait eu lieu le 17.

La question des Portes de Fer a été posée. Le délégué ottoman a déclaré qu'il n'avait point reçu d'instructions à ce sujet.

Dans la prochaine séance, Musurus-Pacha proposera une rédaction dans ce sens : Dans le cas où la commission déciderait le dégagement des Portes de Fer les puissances consentent à ce qu'une taxe soit perçue sur les navires à leur passage jusqu'à l'entier remboursement du capital.

No 13

M. ZUKITCH AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Télégramme.

Bukharest, le 25 janvier/6 février 1871.

Il lui annonce qu'il a communiqué au ministre des affaires étrangères de Roumanie le contenu de la dépêche du 23 courant (1).

Le ministre des affaires étrangères de Roumanie a déclaré qu'il adhèrait pleinement aux manières de voir du gouvernement serbe dans la question, et qu'il envoyait des instructions en conséquence à l'agent de Roumanie à Londres.

No 14

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES A M. MIJATOVITCH

A LONDRES

Télégramme.

Belgrade, le 25 janvier/6 février 1871,

Nous avons reçu votre télégramme d'avant-hier (2).

Le gouvernement adhère à la rédaction d'après laquelle les puissances consentent à ce qu'une taxe soit perçue sur les navires, aux Portes de Fer, au cas où la commission riveraine en déciderait le dégagement.

La Roumanie partage notre manière de voir.

(1) Voir le n° 10. (2) Voir le n° 12.

No 15

M. MIJATOVITCH AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Télégramme.

Londres, le 27 janvier/8 février 1871.

Rien n'a encore été résolu touchant la question des Portes de Fer.

Le délégué ottoman est seul à défendre notre point de vue.

Il m'a déclaré qu'il refuserait sa signature à toute rédaction conçue dans un sens opposé à ce point de vue.

No 16

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES A M. CRISTITCH

A CONSTANTINOPLE

Télégramme.

Belgrade, le 28 janvier/9 février 1871.

Notre envoyé à Londres nous mande que le délégué ottoman est seul dans la Conférence à défendre notre point de vue.

Il déclare à M. Mijatovitch qu'il refuserait la signature à toute rédaction conçue dans un sens opposé à ce point de vue.

Exprimez au grand-vizir nos remerciments pour cette attitude du délégué impérial.

Agissez pour qu'on se maintienne dans cette voie; car le contraire produirait ici une fâcheuse impression et nous obligerait à chercher ailleurs un soutien pour notre cause.

No 17

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES A M. MIJATOVITCH

Télégramme.

A LONDRES

Belgrade, 28 janvier/9 février 1871.

Comme nous ne sommes pas assurés que la Porte ne finira pas par céder aux instances de l'Autriche-Hongrie, laquelle déploie une grande

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