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No 48

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Télégramme.

Paris, le 27 mars 1866.

Le comte de Goltz me demande si l'on avait envoyé à Berlin instructions et pleins pouvoirs pour signer le traité générique. Je lui a dit que vous m'avez écrit que l'Italie n'avait pas de difficulté à signer ce traité.

Signé: NIGRA.

No 49

M. ARESE AU GÉNERAL DE LA MARMORA

Paris, le 30 mars 1866.

J'ai été très-bien reçu par l'Empereur.

Il m'a dit que le prince Napoléon (qui partait pour l'Italie) n'a ni instruction ni commission de sa part. Il trouve utile signature du traité avec Prusse, mais il déclare donner ce conseil comme ami et sans aucune responsabilité.

Il ne croit pas, pour le moment, à la probabilité d'un arrangement entre l'Italie et l'Autriche.

Il m'a autorisé à vous télégraphier tout cela.

Le roi de Prusse se prononce chaque jour plus pour la guerre, d'après des nouvelles reçues de Berlin par l'Empereur.

Signé : ARESE.

N° 50

M. ARESE AU GÉRÉBAL DE LA MARMORA

Paris. le 31 mars 1866.

Je vous confirme le télégramme d'hier.

L'Empereur ne veut prendre aucun engagement.

Cependant, dans un long entretien que j'ai eu aujourd'hui, il a tenu un langage plus belliqueux.

Signé : ARESE.

No 51

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Télégramme.

Paris, le 31 mars 1866.

Vous recevrez ce soir ma lettre du 29, qui résume la situation et qui rend compte du caractère des conseils que l'Empereur nous donne. L'Empereur a dit à Arese, aussi bien qu'au prince Napoléon et à moi, que ses conseils n'impliquaient aucun engagement de sa part. Aujourd'hui a eu lieu la réunion de la Conférence pour les Principautés. Aucune décision n'a été prise.

Signé : NIGRA.

No 52

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 29 mars 1866.

La situation est donc celle-ci : Si l'Italie prend l'initiative, elle le fera

à ses risques et périls, et l'Empereur ne nous le conseille pas.

Quant à nous unir à la Prusse pour une action commune et simultanée, l'Empereur nous conseille de le faire; mais ce conseil n'implique pas un engagement positif.

Si l'Autriche nous attaque la première, la France ne pourra pas faire moins que de venir à notre secours.

L'Empereur a dit encore au prince Napoléon que la même chose aurait lieu dans le cas où la Prusse, manquant aux engagements, ferait la paix séparément, et que l'Autriche fondrait avec toutes ses forces sur nous, restés seuls.

Dans tous les cas, l'Empereur, sans cesser d'être bienveillant à notre égard, gardera de toute façon sa liberté d'action entière, et s'engagera ou ne s'engagera pas, suivant les événements.

Signé NIGRA.

N° 53

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 1er avril 1866.

Traité d'alliance offensive et défensive sera signé aussitôt que pleins pouvoirs seront arrivés.

Le ministre d'Autriche a écrit hier une note officielle au comte de Bismarck pour donner l'assurance que l'Autriche n'avait aucune intention agressive, et qu'elle espérait recevoir la même assurance de la part de la Prusse.

Les Etats secondaires ont répondu à la mise en demeure posée par la Prusse de se prononcer entre elle et l'Autriche, en déclarant que c'est à la Diète germanique seule qu'il appartient de prendre une décision. M. de Bismarck est de plus en plus embarrassé pour trouver un casus belli.

L'ensemble de la situation, en ce moment, est contre la probabilité d'une guerre.

Nous ne devrions faire aucune dépense pour préparatifs de guerre, avant ordonnance positive de mobilisation de l'arinée prussienne qui devient plus douteuse.

Signé: BARRAL.

N 54

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 2 avril 1866.

Le comte de Bismarck peut-être cru un moment que l'Autriche voulait prendre l'initiative d'une rupture; et, bien que la crise ainsi imprévue eût été grave, probablement il en eût éprouvé du plaisir. Mais l'illusion de l'initiative autrichienne a` duré peu. On n'a pas tardé à savoir que les mesures militaires de l'Autriche étaient peu importantes et tout à fait défensives et de précaution. Le comte de Bismarck en veut cependant tirer parti, et il les a fait, pendant quelques jours, exagérer dans ses journaux. Tout a été à la guerre; on a parlé de provocations autrichiennes et de légitimes armements prussiens..... Ils sont peu considérables, et peuvent être ou une mesure de précaution ou une manière d'amener l'Autriche à armer elle-même, et d'arriver par là à cette situation compliquée d'où l'on puisse faire sortir la guerre.

Le comte de Bismarck, engagé comme il l'est dans la question des duchés, ne pouvant la résoudre par des démarches, irait jusqu'à la guerre; mais les plus vieux diplomates de Berlin croient que jamais le Roi ne le suivrait jusque-là, et qu'à un jour donné l'envoi d'un général à Vienne pourra mettre fin au litige. On dit que le général Münster a été déjà appelé pour une mission à Vienne. M. W..... m'a dit que le comte Münster était parti pour Vienne. Le comte de Bismarck nie, il est vrai, l'intention d'une semblable mission et assure que Florence était la destination du général.

Le comte de Bismarck rencontre une autre difficulté dans le pays. Non-seulement les classes élevées, mais encore les classes moyennes sont opposées ou peu favorables à la guerre. Cette aversion se fait jour dans les journaux populaires. Le sentiment public s'inspire encore ici des rancunes et de la défiance contre la France, tandis qu'il n'y a pas de haine contre l'Autriche. De plus, la lutte dans la Chambre fournit aussi des adversaires au comte de Bismarck, quoique la Chambre n'ait ni beaucoup de prestige ni une grande popularité. On en parle à Berlin avec peu de considération, et on la traite de réunion d'intrigants ne tenant à rien. On dit que la Constitution est trop avancée pour l'état de l'esprit public en Prusse. Il y a des choses qui nous étonnent, mais qui doivent avoir un germe de vérité, vu la conduite du ministère envers la Chambre.

Reste l'armée. D'après tout ce que nous avons appris par les officiers, elle n'est pas enthousiaste de la guerre contre l'Autriche. Il y a plutôt de la sympathie pour l'armée autrichienne. Je sais qu'une fois. la guerre déclarée, l'armée s'électriserait et ferait bravement son devoir; mais elle n'est ni un stimulant ni un appui pour la politique que veut faire prévaloir le comte de Bismarck.

Il se trouve donc presque isolé ou du moins peu appuyé, et il a à lutter contre toutes les difficultés que j'ai exposées plus haut; c'est pourquoi on va quelquefois jusqu'à supposer que, vaincu par de telles difficultés, il pense à abandonner la partie. Cependant c'est indubitablement un homme d'une haute portée, de grandes ressources et d'une volonté de fer, et il mérite de réussir Mais dire qu'il se risque soit à triompher pacifiquement dans la question des duchés, soit à pousser les choses à la guerre, ce serait s'avancer beaucoup, à moins qu'il ne trouve des encouragements ou des secours au dehors...

Signé: GOVONE.

No 55

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AU GÉNÉRAL. GOVONE, A BERLIN

Télégramme.

Turin, le 2 avril 1866.

Au point où nous en sommes, je ne crois pas utile de proposer, nous, une convention militaire. Si la Prusse la propose, nous l'examinerons.

Signé LA MARMORA.

No 56

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AU GÉNÉRAL GOVONE, A BERLIN

Télégramme.

Turin, le 3 avril 1866.

La clause que vous proposez sur mobilisation ne convient pas; car, ou la Prusse est de bonne foi, et ce n'est pas nécessaire, ou elle est de mauvaise foi et cherchera d'autres prétextes. Il en est de même de la convention militaire sur laquelle je vous ai télégraphié hier.

Signé LA MARMORA.

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