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No 57

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA ·

Télégramme.

Berlin, le 5 avrii 1866.

de Bismarck a reçu avec joie la nouvelle de l'arrivée des pleins pouvoirs et de l'autorisation de signer le traité; il en informera de suite le Roi,

Il m'a fait voir une note de la Russie qui, sollicitée par l'Autriche, intervient très-amicalement auprès du Roi pour faciliter un arrangement.

Tous les princes allemands ne cessent de presser Sa Majesté prussienne. Si la Bavière arme, ce que je saurai bientôt, m'a-t-il dit, nous allons mobiliser les deux corps d'armée du Rhin, et, les armements d'un côté appelant des armements de l'autre, nous pouvons même espérer arriver à la guerre pour le commencement de mai.

En tout cas, Bismarck espère que la guerre éclatera avant l'expiration du terme du traité.

Signé GOVONE.

N° 58

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 6 avril 1866.

Le comte de Bismarck m'a dit... que si même la guerre ne devait pas surgir des complications actuelles, ce qu'il tenait pour assez improbable, les relations qui s'établissaient entre la Prusse et l'Italie auraient marqué un point historique important dans la vie des deux peuples, gros d'une nouvelle politique pour l'avenir, utile pour les deux pays.

Il ne m'a pas exprimé le désir de conclure aucune convention militaire.

Je lui ai demandé s'il croyait à l'existence d'un traité d'alliance ARCH. DIPL. 1873.

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IV.

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entre la Bavière et l'Autriche; il m'a dit qu'il n'y avait pas de traité. J'ai demandé aussi à Son Excellence si les armements de la Bavière annoncés par les journaux se confirmaient. Il a répondu qu'il avait eu à temps les premières informations, et qu'il attendait à temps la confirmation de la nouvelle que la Bavière armait. Si cela se réalisait, la Prusse aurait sans retard étendu aux deux corps d'armée des provinces rhénanes, les mesures de préparation à la guerre déjà adoptées pour d'autres corps d'armée et qui sont en pleine voie d'exécution. Il prévoyait qu'en pareil cas et de cette manière, les armements d'une partie requérant des contre-armements par l'autre partie, on serait arrivé inévitablement à la guerre dans un temps assez rapproché, et qu'il calculait pour le commencement de mai.

Ici, le comte de Bismarck a porté les yeux sur un mémoire militaire et m'a exposé quelques vues sur la direction que la Prusse donnerait à la guerre, si la Bavière était dans le camp opposé.

Il a calculé que la Prusse pourrait tirer plus de 100,000 hommes des provinces rhénanes... Ces 100,000 hommes et plus traverseraient la Bavière, et, après l'avoir balayée, feraient une diversion sur Lintz dans la direction de Vienne, et donneraient la main à l'armée italienne. Il a ajouté ensuite que, dans le cas où la Bavière s'unirait à la Prusse, une masse de 150,000 hommes serait disponible pour cette diversion, qu'il regardait comme plus profitable aux opérations de la grande armée qui opérerait vers la Bohême ou en Saxe, que de réunir les deux corps du Rhin à cette grande armée.

Relativement à la Bavière, le comte de Bismarck m'a dit encore qu'elle aurait pu être le noyau d'un second royaume allemand. L'Allemagne méridionale ne convient pas à la Prusse à cause de la différence de religion, et parce que de Berlin on pourrait mal gouverner les provinces du Sud, qui seraient les Calabres de la Prusse.....

Toutefois, quand j'ai pris congé de lui, le comte de Bismarck a ajouté : Tout cela, bien entendu, si la France veut; que si elle montrait de la mauvaise volonté, rien ne pourrait se faire.

Signé GOVONE.

No 59

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 6 avril 1866.

Hier, après une visite au comte de Bismarck, j'ai vu M. Benedetti... Il m'a dit qu'il aurait cru qu'il valait mieux pour nous de ne signer aucun traité, mais seulement d'avoir un projet discuté et prêt à être signé lorsque la mobilisation de l'armée prussienne serait achevée...

En me parlant du comte de Bismarck, il dit que c'est, pour ainsi dire, un diplomate maniaque; depuis quinze ans qu'il le connaît et le suit, il l'a toujours vu d'une façon invariable, fixe et irrévocable, travailler au même but réduire l'Autriche à l'état de puissance de second ordre pour donner la suprématie à la Prusse. Pour en arriver à ses fins, il travaille depuis trois ans avec une persévérance et une adresse admirables à se rendre indispensable au Roi dans la politique intérieure... Une fois cette position acquise, M. de Bismarck commença à travailler contre l'Autriche, en espérant entraîner le Roi derrière lui.

M. Benedetti ne doute donc nullement que le comte de Bismarck ne soit sincère dans ses désirs de guerre contre l'Autriche. Mais réussira-t-il ?

M. Benedetti doute et croit que la paix est plus probable que la

guerre.

Une demi-heure après, j'ai rencontré le général de Moltke, qui m'a dit que les dernières nouvelles arrivées de la Bavière étaient qu'elle n'armait pas. Cela enlèverait au comte de Bismarck une de ses espé

rances.

Signé GOVONE.

No 60

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 7 avril 1866.

Télégramme. Bismarck présentera aujourd'hui pleins pouvoirs à la signature du Roi, et après-demain probablement nous pourrons signer le traité. Il est entendu que le général Govone ne partira pas avant l'ordre de Votre Excellence.

Signé: BARRAL.

No 61

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Télégramme.

Berlin, le 7 avail 1866.

M. de Bismarck m'a dit hier avec une extrême irritation que toute la diplomatie prussienne travaille contre ses projets belliqueux.

A Londres le ministre de Prusse s'est laissé complétement dominer par le parti de....

Le ministre est allé jusqu'à écrire dans l'une de ses dernières dépêches que, si l'Italie s'alliait à la Prusse, elle serait désavouée par l'empereur Napoléon.

A Paris le comte Goltz fait de tels efforts et insiste tellement pour la paix que.....

De Florence, M. d'Usedom écrit que tout récemment encore le gouvernement du Roi aurait fait des démarches secrètes auprès de l'Autriche qui les aurait repoussées pour obtenir la cession de la Vénétie.

Il a également écrit que, dans son récent voyage à Florence, le prince Napoléon se serait autorisé du nom de l'Empereur pour déconseiller une alliance avec la Prusse.

M. de Bismarck est très-irrité contre le comte d'Usedom, et il ne parle rien moins que de le remplacer.

Signé BARRAL. .

N° 62

LE COMTE BENEDETTI A M. DROUYN DE LHUYS

Turin, le 3 evril 1866.

Hier, M. de Bismarck m'ayant fait prier d'aller le trouver, m'a communiqué un télégramme de M. d'Usedom, annonçant que le prince Napoléon, après avoir vu le roi Victor-Emmanuel à Turin, était arrivé à Florence, et que la plupart des ministres italiens, après avoir été reçus par Son Altesse Impériale, étaient soudainement partis pour aller eux-mêmes à Turin assister à un conseil sous la présidence du Roi; que de ces incidents on concluait que le Prince était chargé d'une mission dont l'objet serait la solution de la question vénitienne au moyen d'un accord direct avec l'Italie et l'Autriche. En me faisant part de ces informations, M. de Bismarck m'a fait remarquer qu'il ne s'y serait pas arrêté, si l'attitude du gouvernement italien et de ses agents ne lui inspirait une certaine défiance. Il m'a rappelé que le général Govone a été envoyé à Berlin sans qu'on en ait exprimé le désir à Florence; qu'il s'est annoncé comme étant autorisé à négocier et qu'il s'est borné à écouter les ouvertures qui lui ont été faites, déclarant, après coup, qu'il n'avait pas été muni des pouvoirs nécessaires pour signer un acte quelconque. M. de Bismarck a noté que le comte Barral, se substituant en quelque sorte à cet envoyé dans le cours des négociations, a accepté un projet de traité dont il a soumis depuis plusieurs jours le texte à son gouvernement, qui s'est borné, jusqu'à présent, à faire savoir qu'il en acceptait les clauses en principe. Ces circonstances lui donnant lieu de penser que le cabinet de Florence poursuit plus d'un dessein à la fois, M. de Bismarck m'a demandé ce qu'il devait penser des conjectures de M. d'Usedom.

Signé BENEDETTI.

No 63

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Télégramme.

Berlin, le 8 avril 1866.

Nous venons de signer avec Bismarck traité d'alliance offensive et défensive.

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