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revêtus de la forme exécutoire, on ne peut supposer un autre objet à la remise que lui fait la partie, d'un acte ou d'un jugement.

Mais la présomption de la loi doit cesser avec les circonstances qui y donnent lieu. Un titre de créance peut se trouver entre les mains de l'huissier, à l'insu de celui au profit de qui il a été souscrit; quelquefois même c'est par l'effet d'une manœuvre frauduleuse qu'un officier ministériel peut s'en trouver porteur; et dans ce dernier cas surtout, on sent combien il serait peu favorable à invoquer la disposition de l'art. 556; on sent avec quel avantage on lui opposerait les termes mêmes de cet article qui, en parlant de la remise de l'acte, suppose une relation directe entre l'huissier et la partie au nom de laquelle il dirige ses actes d'exécution.

Ces considérations générales, qui suffiraient pour motiver la solution affirmative des deux questions posées, devenaient bien plus pressantes encore, dans l'espèce particulière qui a donné lieu à leur examen. (COFF.)

Le sieur Le François remit à l'huissier Coquelard un billet à ordre souscrit à son profit par le sieur Puissant, et le chargea d'en obtenir le paiement, par les voies judiciaires.

De son côté, le sieur Coquelard, qui n'habitait pas la commune où le débiteur était domicilié, adressa ce billet à l'huissier G....; et celui-ci, après avoir obtenu un jugement de condamnation, fit saisir-exécuter les meubles du sieur Puissant, procéda bientôt après à la vente de ces meubles, et obtint ainsi une somme supérieure au montant du billet.

Le sieur Puissant se libéra de sa dette en capital, intérêts et frais entre les mains de l'huissier Coquelard, qui remit les fonds au sieur Le François; mais il negligea de retirer les pièces qui restèrent entre les mains de l'huissier G.....

Après un intervalle de six ans, celui-ci fit un nouveau

commandement au sieur Puissant, à la requête du sieur Le François, fit procéder immédiatement à une nouvelle saisie, sur laquelle s'éleva une contestation, dans laquelle il représenta, ou fit représenter le sieur Le François; et le résultat de cette procédure fut un jugement de condamnation en dommages-intérêts contre le sieur Le François, qui n'en eut connaissance que par la signification qui lui en fut faite.

Alors il mit au greffe du tribunal un acte de désaveu, et fit assigner l'huissier G....., pour le voir déclarer bon et valable.

Celui-ci lui opposa une fin de non-recevoir résultante de l'art. 556 du Code de procédure.

Un jugement, sous la date du 10 juin 1814, déclara le désaveu non recevable et injurieux, attendu que l'huissier étant porteur des pièces, était légalement autorisé à poursuivre.

Appel devant la Cour de Paris; et, le 31 janvier 1815, arrêt rendu en ces termes : - LA COUR....., faisant droit sur l'appel interjeté par Le François, du jugement rendu au tribunal civil de....., le 10 juin 1814, ensemble sur les autres demandes des parties;-Attendu qu'il est reconnu, en fait, que G....., huissier, ne tenait pas de Le François directement et personnellement les titres de créance dont il s'agit; que le jugement de condamnation est resté plus de six ans entre ses mains sans actes d'exécution mobilière; - Attendu que la première exécution a produit un recouvrement excédant le capital de la créance dont G..... n'a pas encore rendu compte, et que l'art. 556 du Code de procédure ne peut être appliqué dans les circonstances de la cause, à la seconde saisie-exécution faite évidemment sans autorisation de Le François, a mis et met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge Le François des condamnations contre lui prononcées; au principal, déclare bon et valable le désa

veu mis au greffe du tribunal de....., par Le François, le 28 février 1814, de la saisie faite en son uom par G.... sur Louis Puissant; en conséquence, déclare nulle et de nul effet ladite saisie, en date du 1er mai 1813, ensemble tout ce qui l'a suivi; condamne G....., partie de Conflans, à garantir et indemniser Le François, partie de Delavigne, de toutes les condamnations prononcées contre lui, en principal, intérêts, frais et accessoires; à lui restituer la somme de 469 fr. 3 cent. qu'il a payée comme contraint, avec les intérêts, à compter du jour du paiement; ordonne la restitution de l'amende; condamne G...., en to fr. de dommages-intérêts et en tous les dépens ; donne acte au procureur-général de ses réserves, de provoquer contre G....., huissier, telle peine de discipline qu'il appartiendra. »

Nota. La section du tribunat ayant dit de la manière la plus formelle que les règles du titre du désaveu, étaient communes aux avoués et aux huissiers (LOCRÉ, t. 2, p. 16), il n'est plus permis d'élever à cet égard la moindre difficulté ; c'est aussi l'opinion de tous les auteurs, qu'il est inutile de citer; nous indiquerons seulement M. CARR., t. 1er, p. 824, au texte, et note 2. — La question décidée par l'arrêt qu'on vient de lire 'se rattache nécessairement à celle que nous avons traitée infrà, no 44. Voyez nos observations à ce numéro, ou nous développons les principes de cette importante matière.

28. Une partie ne peut désavouer l'avoué institué dans un exploit qu'elle a fait dresser elle-même (1).

C'est ce qui a été jugé par arrêt de la Cour de Rennes, le 21 juillet 1816, en ces termes : « LA Cová, considérant qu'il est de jurisprudence constante que l'avoué saisi de l'exploit dans lequel il est institué pour occuper au nom d'une partie,a,par cela seul, pouvoirde la représenter; (1) Voy. infrà, no 30, l'arrêt du 9 mars 1818.

qu'il est de fait que M. Fleuriais a été institué avoué de Lebreton fils, dans l'exploit introductif de la demande formée en son nom contre Jean Geffroy, dont Fleuriais n'est point le rédacteur. »

29. La réformation d'un jugement sur désaveu ne peut être demandée contre les parties avec lesquelles il a été rendu, qu'autant que l'appel en a été dirigé contre l'officier ministériel désavoué.

Un jugement du 22 décembre 1814, entre la veuve d'Antras et les sieur d'Antras et dame de Vendomais, avait ordonné l'estimation de biens, par experts convenus entre les parties. La veuve d'Antras interjeta appel de ce jugement, et désavoua le sieur P...,son avoué, relativement à la nomination des experts; le désaveu fut signifié à l'avoué du sieur d'Antras et de la dame Vendomais; un jugement du 7 août 1817 rejeta la demande en désaveu, Alors la veuve d'Antras appela de ce jugement vis-à-vis du sieur d'Antras, assigna la dame de Vendomais en intervention, et Me P... pour intervenir dans l'instance déjà existante, y déduire ses intérêts, et voir adjuger à la veuve d'Antras les conclusions par elle prises en première instance. Mais M. l'avocat-général Lebé pensa que,pour obtenir la réformation du jugement du 7 août, la dame d'Antras devait appeler directement Me Pascau; 1o parce que le désavoué est toujours partie essentielle et principale de l'instance en désaveu; 2o parce que celui qui, sans appeler contre le désavoué, appelle contre d'autres parties, enlève à ce lle-ci le droit de réclamer contre le désavoué des dommages-intérêts, le cas y échéant, puisque le désavoué, en supposant même qu'il fût mis en cause, n'y serait alors que partie présente, et devrait conserver toute l'utilité d'un jugement qui n'aurait pas été attaqué vis-à-vis de lui. Cela posé, on voit que la dame Kearney a fait signifier à Me P.. une requête déclarative de l'appel qu'elle avait interjeté, le 9 août 1817,

vis-à-vis du sieur Sixte d'Antras, avec assignation pour intervenir dans cette instance d'appel, y déduire ses intérêts, et voir adjuger à ladite dame Kearney les conclusions par elle prises en première instance.

Ce n'est là, on peut le dire, qu'une assignation en intervention; et il ne paraît pas qu'elle puisse être considérée comme renfermant un appel régulier dirigé personnellement contre Me P...; d'où il suit que le jugement du 7 août 1817 n'est pas encore entrepris vis-à-vis ce dernier. — Il n'a donc été appelé que vis-à-vis du sieur Sixte d'Antras. Mais l'équité s'oppose à ce que la condition d'une partie soit empirée par le fait de la partie qui l'assigne: non potest alteri per alterum iniqua conditio inferri.

Or, ici la dame Kearney, en appelant contre M. P.., a ravi au sieur Sixte d'Antras la faculté de conclure contre cet officier ministériel à des dommages-intérêts, le cas y échéant, puisque le jugement conserve sa force, quant à lui. - C'est donc par l'effet de l'appelante que les choses ne sont plus entières par rapport à l'intimé, qui ne pouvait pas, lui, appeler contre Me P..., dès qu'il avait gagné son procès en première instance. La dame Kearney ne peut attribuer qu'à elle seule cette lacune dans l'instruction de la procédure, elle doit seule en supporter la peine. - D'après ces considérations, il parut à M. l'avocat-général que, forcée de statuer dans l'état où la cause se présentait, la Cour devait rejeter l'appel. Le 21 novembre 1817, , arrêt de la Cour d'Agen, ainsi conçu.—« LA COUR, attendu que la demande en désaveu avait été et avait dû être formée contre P..., avoué, et que le jugement de première instance détruit cette demande ; Que l'appel remettant en question avec les mêmes personnes ce qui avait été jugé, il fallait diriger l'appel contre ce même avoué, partie principale;-Que,cependant,il ne l'a pas été contre lui; qu'il a seulement été appelé en intervention, ce qui fait qu'il se met à couvert de toute poursuite, à l'aide

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