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fins de non-recevoir où la question étoit résolue » (1). La suite de la discussion fut donc ajournée. On la reprit au titre Du Divorce.

Il contenoit, en effet, une disposition sur les suites de la séparation, quant à l'état des enfans nés postérieurement; elle étoit ainsi conçue: Quoique l'adultère soit prouvé et le divorce prononcé, l'enfant appartiendra au mari, si les deux époux habitoient ensemble à l'époque de la conception; mais s'ils étoient déjà séparés d'habitation, l'enfant n'appartiendra pas au mariage, à moins que le marine le reconnoisse (2).

C'étoit de cet article qu'on avoit voulu parler, lorsqu'on avoit observé que le chapitre Des Fins de nonrecevoir, au titre Du Divorce, résolvoit la difficulté.

A la vérité, l'article ne prenoit pas exactement la question dans les mêmes termes qu'elle avoit été présentée, puisque ce n'étoit pas la séparation de corps proprement dite qu'il avoit en vue, c'étoit la séparation d'épreuve, qui précède le divorce; mais il la préjugeoit néanmoins implicitement, car si l'on admet. toit

que même une séparation momentanée autorisât le père à désavouer l'enfant conçu depuis, à plus forte raison,en devoit-il être ainsi d'une séparation perpétuelle.

Cependant, si cet article étoit admis, la question

(1) M. Tronchet, ibid. - (2)Projet de Code civil, liv. I.er, tit. VI, art. 49, page 51;-2. Réclamation, art. 45, procès-verbal du 6 nivôse an 10.

ne se trouvoit décidée affirmativement que pour le cas particulier de l'adultère, le seul dont il s'occupât, et l'inconvénient de laisser la femme, séparée pour toute autre cause, donner des enfans étrangers à son mari, continuoit de subsister.

Si au contraire l'article étoit rejeté, la question étoit décidée négativement sous tous les rapports; car on ne pouvoit se refuser à prononcer que la séparation de corps ne nuiroit pas à la légitimité de l'enfant, même quand la séparation auroit pour cause l'adultère de la femme, c'est-à-dire, dans les circonstances où la légitimité est la plus suspecte, sans se refuser, à plus forte raison, à donner à la séparation de corps l'effet de détruire la présomption légale dans les autres cas où les soupçons sont bien moins fondés.

Ceci posé, analysons la discussion.

Dans la séance du 14 nivôse an 10, la Section expliqua sa proposition, et dit «< qu'elle avoit cru devoir faire une distinction: dans le cas où il y auroit eu cohabitation entre les époux, elle faisoit prévaloir la règle pater is est; mais cette règle ne devoit plus recevoir son application lorsque, d'une part, les époux auroient cessé d'habiter ensemble, et que, de l'autre, la femme seroit déjà signalée comme adultère» (1). On lui objecta que«la sévérité de l'article retomboit sur l'enfant » (2); qu'au surplus, « en législation,

(1) M. Emmery, Procès-verbal du 14 nivôse an 10. — Premier Consul, ibid.

- (2) Le

c'est par le seul calcul des distances qu'on juge de l'impossibilité du rapprochement entre les époux. Cet te expression habitation commune est d'ailleurs indéfinie, et il est difficile d'y attacher une idée précise »(1).

La Section observa que « la disposition de l'article étoit bornée au cas de l'adultère; il suppose que la femme est déjà jugée, et que la conception est postérieure à la séparation de fait judiciairement ordonnée«(2). Il ne pouvoit y avoir d'équivoque sur l'expression habitation commune, attendu que la femme, après la demande formée contre elle, se retire dans une maison que le juge indique: c'est l'enfant conçu depuis cette séparation qui ne doit plus appartenir au mariage (3).

Mais bientôt on fit une proposition qui rendoit la disposition absolument étrangère à la question de savoir quels seroient les effets de la séparation sur la légitimité de l'enfant: on dit que «< la réconciliation des époux faisant tomber la demande en divorce, la loi ne pouvoit plus permettre qu'il y fût donné suite, si elle admettoit que l'enfant survenu depuis appartient au mari; dès-lors, pour donner à l'enfant le caractère de fils légitime, et cependant laisser un libre cours à la demande en divorce, on seroit obligé de supposer que l'enfant étoit conçu auparavant. Ainsi, au lieu de dire que l'enfant n'appartiendra pas au ma

(1) Le Premier Consul Ibid. —(2) M. Boulay, ibid. — Emmery, Procès-verbal du 14 nivôse an 19.

(3) M.

riage s'il a été conçu après la séparation des époux, il conviendroit d'expliquer qu'il en sera ainsi de l'enfant conçu depuis la demande en divorce pour cause d'adultère. Il résulteroit de la séparation, la présomp tion que l'enfant n'est pas légitime: ce seroit à la fem. me à la détruire, en alléguant et en prouvant que son mari l'a fréquentée» (1).

L'article fut adopté avec cet amendement (2).

Cependant, dans la séance du 22 fructidor an 10, la Section le reproduisit sans aucun changement, et absolument dans les mêmes termes qu'il avoit été présenté dans la séance du 6 nivôse précédent* (3).

La discussion se renouvela alors sur le fond.

Trois avis furent ouverts; l'un d'admettre l'article, l'autre de n'en adopter que la première disposition le troisième de le retrancher en entier.

Pour le faire admettre, on soutint « qu'il étoit juste, parce qu'il ne portoit que sur l'enfant conçu depuis que l'adultère a été prouvé et le divorce prononcé; qu'il n'est nullement probable que cet enfant appartienne au mari, et qu'il seroit cruel de forcer ce dernier à l'adopter sur une fiction légale, dont toutes les circonstances annoncent la fausseté, et au préjudice des enfans légitimes» (4).

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 14 nivôse an 10. — (2) Décision, ibid. — (3) Voyez la Rédaction communiquée au Tribunat, article 45, Procès-verbal du 22 fructidor an 10, tomeII, page 20 , (4) M. Maleville, ibid. page 21

* Voyez page 19.

Pour faire adopter la disposition qui attribuoit l'enfant au mari lorsque les époux habitoient ensemble au moment de la conception, on dit «< qu'on pouvoit supprimer la seconde partie de l'article, mais que la première partie devoit être maintenue. Le Législateur ne peut pas laisser d'incertitude sur le cas auquel cette partie se rapporte; et la faveur due à l'enfant veut qu'il soit réglé commeil l'est par l'article» (1).

Enfin, pour faire rejeter l'article dans sa totalité, on réfuta d'abord les considérations qui venoient d'être proposées.

Aux motifs qui avoient été allégués pour l'admet tre en entier, on opposa« que l'article seroit juste si ses effets se réduisoient à l'enfant conçu depuis que l'adultère a été prouvé et le divorce prononcé; mais. que, rédigé comme il l'étoit, il s'étendoit également au cas où la conception de l'enfant auroit précédé la preuve de l'adultère et la dissolution du mariage»(2).

Les motifs de conserver la première disposition fu rent repoussés par les considérations suivantes: on dit «qu'on ne croyoit pas que la situation de l'enfant d'une femme convaincue d'adultère, et dont le mariage a été dissous pour cette raison, fût plus favorable que celle de l'enfant né pendant le mariage, de l'enfant qui peut réclamer l'application de la règle pater is est

(1) M. Berlier, Procès-verbal du 22 fructidor an 10, tome II, page 21. (2) M. Tronchet, ibid.

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