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Cette exception étoit trop favorable pour n'être pas accueillie.

En effet, «tel homme souvent sexagénaire aura recueilli un enfant de six ans, à qui il aura, pendant huit ou dix ans, prodigué les soins les plus tendres.

» Celui-ci y aura répondu par de justes égards et par un naïf attachement, orné de tout ce que l'en

fance a d'aimable.

» Le vieillard sent sa fin approcher, et voudroit consommer son ouvrage : le pupille est parvenu à son adolescence; mais il n'est point majeur encore.

>> Placés l'un et l'autre dans le vestibule du temple, ils n'avoient plus que quelques mois, quelques jours peut être à passer pour qu'il s'ouvrît entièrement à leurs vœux.

» Qu'un testament puisse, en ce cas, effacer les obstacles de la nature, et remplacer l'acte bienfaisant qui alloit s'accomplir » (1).

Dans le principe, on avoit été beaucoup plus loin. On vouloit établir, « pour le cas du décès de l'adoptant, la présomption que l'adoption auroit été consommée s'il eût vécu » (2) : « son vœu testamentaire n'auroit agi sur l'adoption que négativement et pour l'exclure, et non positivement; c'est-à-dire, en ce sens, qu'elle auroit existé de plein droit toutes les

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(1) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, tome II, page 599; M. Perreau, Tribun, tome II, pages 43 et 44;

M. Gary, Tribun, ibid.

, page 3.

(2) M. Tronchet, Procès-verbal. du 11 frimaire an 11, tome II,

page 199.

fois

que le testateur n'auroit pas déclaré qu'il meurt dans l'intention de ne pas la consommer » (1).

Mais c'eût été dénaturer la tutelle officieuse : on en eût fait, en quelque sorte, une adoption sous condition résolutoire, tandis que, dans l'esprit de cette institution, << pendant la minorité de l'enfant, il n'y a ni adoption, ni adoptant, ni adopté; il n'y a qu'une tutelle, un tuteur, un pupille » (2).

On s'est donc borné à décider que «< celui qui auroit été tuteur officieux pendant cinq ans, pourroit adopter l'enfant par une disposition testamentaire » (3).

Cependant, afin qu'on ne crût pas que, dans ce cas, le tuteur officieux est dispensé de la condition qui ne permet l'adoption qu'aux personnes privées d'une descendance légitime, la loi a eu soin de s'en expliquer.

Cette addition a été faite sur la demande du Tribunat (4).

II. DIVISION.

Des Effets de la Tutelle officieuse par rapport au Pupille. (Articles 367, 369 et 370.)

199.

EN expliquant les obligations du tuteur, il a été

(1) M. Réal, Proès-verbal du 11 frimaire an 11, tome II, page Nota. Il y a ici faute d'impression dans le Procès-verbal C'est ainsi que le texte doit être rétabli. (2) LePermier Consul Procès-verbal. du 11, frimaire an 11 tome II, page 200. page 205. (4) Observations du Tribunal.

rbid.

(3)

impossible de ne pas indiqner indirectement les droits que la tutelle officieuse donne au pupille tant qu'elle subsiste: on va s'occuper, d'une manière directe, des droits qui lui survivent.

On peut les réduire à trois, qui seront le sujet des subdivisions suivantes.

Ire SUBDIVISION.

Du Droit à des alimens, en cas de décès du Tuteur officieux pendant la durée de la tutelle.

ARTICLE 367.

DANS le cas où le tuteur officieux mourroit, soit ayant les cinq ans, soit après ce temps, sans avoir adopté son pupille, il sera fourni à celui-ci, durant sa minorité, des moyens de subsister, dont la quotité et l'espèce, s'il n'y a été antérieurement pourvu par une convention formelle, seront réglées soit amiablement entre les représentans respectifs du tuteur et du pupille, soit judiciairement en cas de contestation.

Au Conseil d'état, on a demandé « quel seroit le sort de l'enfant adoptif, si le tuteur mourroit avant l'époque où l'adoption peut-être consommée » (1).

Il est certain que « la loi ne doit pas livrer un enfant à la misère, parce que celui qui en a pris soin meurt avant le temps où il auroit pu l'adopter » (2). Cependant qu'avoit-elle à faire ?

Devoit-elle s'en reposer sur les stipulations qui

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 11 frimaire an 11, tome II, page 198. — (2) Le Consul Gambacérés,Ibid., page 204.

pourroient être faites entre le tuteur officieux et la famille de pupille ?

Mais «< que deviendra l'enfant, si le ́tuteur officieux s'en est chargé sans soumission ultérieure? Sa charge cessera avec lui, et ne passera point à ses héritiers; car, dans un contrat qui ne seroit relatif qu'à des soins personnels, toute obligation cessera naturellement avec la personne qui a promis de les donner >> (1).

Devoit-on se contenter d'avoir donné au tuteur la faculté d'adopter le pupille par testament après un certain nombre d'années ↓ (2)?

C'étoit se livrer à trop de sécurité: en effet « qu'arrivera-t-il si le tuteur officieux meurt avant ce laps de temps? Et d'ailleurs la difficulté n'existe pas pour le cas où l'on voudra supposer une disposition testamentaire; car, abstraction faite de toute idée d'a doption, le tuteur officieux pourra instituer son pupille dans la quotité généralement disponible: la difficulté reste donc toute entière pour le cas où le tuteur officieux mourroit sans avoir disposé durant la minorité de l'adopté » (3).

S'en rapporteroit-on aux Tribunaux, qui, « si l'on s'autorisoit du silence de la loi pour contester à l'enfant les alimens qu'il avoit droit d'espérer, les lui

(1) M. Berlier, Procès-verbal du 11 frimaire an 11, tome II, page 201.(2) Ibid. (3) M. Berlier, Ibid.

adjugeroient, en admettant pour principe que les soins qu'on a pris de lui ont produit l'obligation de le nourrir jusqu'à un certain âge » (1) ?

<< Il étoit fort douteux que les Tribunaux condamnassent un citoyen à fournir des alimens à un enfant jusqu'à sa majorité, par cela seul qu'il l'auroit déjà fait pendant quelque temps, mais sans aucune obli gation préalable de sa part; l'essence même du bienfait est qu'il soit absolument libre, et son étendue dépend uniquement de la volonté de son auteur; ik faudroit des circonstances bien extraordinaires pour obliger les Tribunaux à s'écarter de ce premier principe » (2).

Le regardoit-on comme adopté?

Nous avons vu que cette présomption ne peut se concilier avec les caractères de la tutelle officieuse*. Il ne restoit donc qu'à assurer le sort de l'enfant par une disposition législative.

Cependant, comment le régler ?

Parmi les diverses propositions qui ont été faites, on s'est arrêté à celle qui repose sur l'idée la plus na turelle; ¶ le tuteur étoit obligé de nourrir et d'élever l'enfant jusqu'à sa majorité; cette obligation doit continuer de subsister, après sa mort, dans la personne de ses héritiers, et devenir la mesure de l'indemnité qui est due au pupille (3).

(1) M. Bigot-Préameneu, Procès-verbal du 11, frmaire an 11, tome II, page 201.- (2) M. Maleville, Ibid. (3) M. Cretet Ibid., pages 202 et 203.

* Voyez pages 455 et 456,

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