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il s'acquitte envers eux, c'est un culte qu'il leur rend toute sa vie; et le sentiment qui l'attache à eux ne peut plus être exprimé par les mots de respect, de reconnoissance ou d'amour, c'est désormais la piété filiale adorant la piété paternelle.

» Voilà les vérités que la nature a gravées dans nos cœurs; voilà son Code sur la puissance paternelle » (1).

Ce qu'étoit la Puissance paternelle chez les Romains.

CE Code, «< il faut l'avouer, n'est pas entièrement semblable à celui que nous trouvons dans nos livres >> (2). « L'homme a substitué l'intérêt au sentiment; il a méconnu, étouffé la voix de la nature, et au lieu de reconnoître la puissance, il a créé le despotisme paternel » (3).

<< La législation des Romains, si conforme en beaucoup de points à la nature, si fidèle interprète de la raison, s'écarte de l'une et de l'autre d'une manière bien étrange, lorsqu'elle s'occupe de la puissance paternelle elle méconnoît alors le droit naturel et prend pour règle unique ses institutions civiles.

»Aussi Justinien reconnoît-il que la puissance paternelle, telle qu'elle étoit exercée chez les Romains, étoit toute particulière à ce peuple (4).

>> Sous l'empire de cette législation, et par l'ancien

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11 tome II, pages 604, 605 et 606. — (2) Ibid. page 606.(3) Ibid. — (4) Ibid.

,

droit des Romains, le père de famille avoit une puissance égale à celle du maître sur l'esclave. Relative

mais comme

ment au père de famille, le fils de famille n'étoit pas même considéré comme une personne, une chose dont le père de famille avoit l'absolue propriété ; il pouvoit en user, en abuser. Le père pouvoit, sous cette législation, charger de fers son fils » (1); « le condamner pour la vie aux travaux rustiques » (2). « Il avoit le droit de le vendre jusqu'à trois fois: la liberté que ces enfans pouvoient obtenir de leurs deux premiers maîtres les remettoit au pouvoir de leur père; un troisième affranchissement pouvoit seul la leur rendre entière et les soustraire au pouvoir paternel » (3). Enfin ¶ le père pouvoit impunément et de sa propre volonté, mettre son fils à mort (4).

b

Voilà pour la personne.

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Quand aux biens, le fils n'avoit rien en propre; tout appartenoit au père, pour lequel seul il acquéroit

Cette puissance s'étendoit même sur les enfans du fils s'ils étoient nés avant l'émancipation de leur père. Ainsi, « liberté, propriété, sûreté, ces droits imprescriptibles de l'homme social, étoient nuls pour les enfans en puissance, et pour leur entière descen

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, pages 606. et 607.-2)M. Albisson, Tribun. tome II, page 115. ·(3) Ibid. pages 115 et 115. — (4) Ibid. page 115.

dance, jusqu'au dernier terme de sa durée; et comme ce terme n'étoit autre que celui de la vie du chef de la famille, il n'étoit pas rare de voir plusieurs générations gémir à-la-fois sous l'empire d'un aïenl commun, dont elles pouvoient être tentées de déplorer la longévité » (1).

« Nulle autre puissance ne contrebalançoit un si énorme pouvoir, et nulle dignité ne pouvoit en affranchir » (2).

<< Les conséquences d'un tel système, étoient, dans certains cas, fort bizarres. Pour n'en citer qu'un exemple, quoi de plus étrange que le pouvoir qu'elle laissoit au père d'enlever à son fils jusqu'à l'espérance d'avoir jamais sur ses enfans ni sur aucun de ses descendans la puissance à laquelle il le tenoit soumis lui-même! il lui suffisoit, pour cela, d'émanciper son fils déjà marié et ayant des enfans, ou d'émanciper ses petits enfans, en le retenant, lui, sous sa puissance » (3).

Au surplus, «< cette législation peint avec une rare fidélité, et le Législateur qui l'a créée et les féroces compagnons de ses brigandages, et la barbarie du siècle et des lieux auxquels elle a pu convenir » (4). << Peut-être étoit-elle nécessaire dans une peuplade originairement composée de brigands et d'esclaves

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(1) M. Albisson, Tribun. tome II, pages 116. (2) Ibid. page 115.—(3) Ibid., page 116.— (4)M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II,page 607.

fugitifs, où il falloit que des exemples de sévérité do. mestique suppléassent sans cesse au défaut de l'autorité publique » (1).

<< Mais en même temps que Romulus marquoit ainsi cette législation d'une ineffaçable empreinte, il lui conféroit ce principe de vie, ce caractère de durée, on diroit presque d'éternité que cet homme extraordinaire a imprimé à toutes ses institutions. » Elle conserva toute sa sévérité aussi long-temps les mœurs des Romains conservèrent toute leur âpreté; elle ne fléchit qu'avec elles.

que

» Ainsi Numa décida que le père ne pourroit vendre le fils qui se seroit marié de son cousentement; et par la suite, ce droit de vendre ne fut permis que dans le cas d'extrême misère des parens, pour des enfans qui viendroient de naître, et sous la condition de pouvoir toujours les racheter.

» Ainsi, mais après une longue succession de siècles, le droit de vie et de mort ful restreint à celui d'une correction modérée.

» Enfin le droit accordé au père de famille de s'emparer de tous les biens de son fils, éprouva des restrictions considérables par les lois qui enlevèrent au père de famille la jouissance de divers pécules: (2).

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(2) M.

(1) M. Maleville, Procès-verbal du 26 frimaire an 10. — Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, page 657.

Ce qu'étoit la Puissance paternelle dans notre ancienne Législation.

QUANT à la législation françoise, elle se partageoit entre deux systèmes; celui des pays de droit écrit, qui étoit emprunté des lois romaines; celui des pays coutumiers, que l'usage avoit introduit.

Système du droit écrit« Telle qu'elle existoit dans les pays régis par le droit écrit, et quoique modifiée suivant le dernier état du droit romain, la puissance paternelle rappeloit encore, par les principes sur lesquels elle reposoit, par les distinctions qu'elle établissoit, et par quelques-uns de ses résultats, sa sauvage origine et son farouche auteur.

» En effet, dans le dernier état des choses, la puissance paternelle n'étoit fondée que sur les principes du droit civil; elle étoit étrangère à toutes les affections que le droit naturel commande.

» Le père seul étoit investi de cette puissance, et malgré les droits donnés par la nature, mais, sans doute, en conséquence de cette antique législation qui plaçoit jadis l'épouse sous la puissance paternelle, la mère n'avoit aucune participation à cette puis

sance.

» Le fils de famille restoit de droit sous la puissance paternelle pendant toute la vie de son père; il y étoit maintenu quand même il auroit eu soixante ans, à moins qu'il ne plût au père de l'émanciper.

i

» Comme sous l'empire de l'ancienne législation,

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