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le fils de famille marié, non émancipé, n'avoit point sur ses enfans cette puissance que son père exerçoit sur lui, ils étoient encore sous la puissance de son père; conséquence révoltante, mais nécessaire et exacte, du principe sur lequel toute la théorie de cette législation étoit établie.

>> Relativement aux biens qui appartenoient au fils de famille, la loi conservoit toute sa première injustice.

» A l'exception des pécules, tout appartenoit au père; le père avoit la propriété des biens d'une certaine nature, et la jouissance de tous les autres pendans tout le temps que subsisteroit la puissance paternelle, c'est-à-dire, pendant toute sa vie.

» Pendant la vie de son père, le fils de famille, même majeur, ne pouvoit s'obliger pour cause de prêt.

>> Il ne pouvoit tester, même avec le consentement de son père.

» Voilà, sauf quelques exceptions de détail, les principes fondamentaux qui gouvernoient encore, avant le Code, les départemens soumis au régime du droit écrit.

>> Il suffit de les énoncer pour prouver qu'ils étoient contraires à toute idée de liberté, d'industrie, de commerce; qu'ils contrarioient, dénaturoient et anéantissoient dans son principe la puissance paternelle elle-même; qu'ils flétrissoient la vie, et nuisoient à la prospérité générale.

>> On observera peut-être que ces principes n'étoient jamais suivis à la rigueur ; que l'émancipation antérieure au mariage ou par mariage, obvioit à tous les abus: on prouvera alors qu'il est jugé depuis longtemps que cette législation est incompatible avec nos mœurs, et que son abrogation a été nécessaire» (1).

Système du droit coutumier. Parmi les coutumes, ¶celles qui régissoient des départemens voisins de ceux où le droit écrit étoit en vigueur, en avoient en partie adopté les principes (2); celles qui étoient b suivies dans des contrées plus éloignées des pays de droit écrit, avoient un système vague et qu'il étoit difficile de fixer.

Les premières étoient tout-à.la-fois divergentes et assises sur des bases vicieuses.

D'abord, ¶ différentes et opposées entre elles sür tous les autres points de la législation, elles ne l'étoient pas moins, soit dans le choix qu'elles avoient fait de diverses parties du système de la puissance paternelle, soit dans les modifications plus ou moins prononcées qu'elles avoient fait éprouver aux dispositions qu'elles empruntoient, dans ce système, au droit romain (3). « Le désordre résultant de toutes b ces législations opposées se faisoit d'autant plus sentir, lorsqu'il s'agissoit de la puissance paternelle,

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, pages 607 et 608. (2) Ibid. page 608. (3) Ibid., page 609.

que, si le statut, en tant qu'il donnoit au père la jouissance des biens du fils de famille, étoit un statut réel, qui n'avoit conséquemment de pouvoir que sur les biens de son territoire, ce même statut, en tant qu'il mettoit le fils de famille dans l'incapacité d'agir, de contracter et de tester, étoit un statut personnel, dont l'effet se régloit par la loi du lieu où le père avoit son domicile au temps de la naissance du fils de famille; et ce statut étendoit son empire sur la personne du fils de famille, en quelque lieu que le père ou le fils allassent par la suite demeurer» (1).

En second lieu, ces coutumes admettoient un système peu moral dans son principe et dans ses conséquences(2); elles participoient plus ou moins aux vices que nous signalions, il y a un moment, dans le droit écrit.

Quant aux coutumes qui n'avoient aucun trait de ressemblance avec les lois romaines, elles tomboient dans l'excès contraire : « dans leur généralité, le pouvoir paternel y avoit été assez méconnu pour autoriser Loisel à metttre en principe, dans ses Institutes coutumières, que droit de puissance paternelle

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Elles présentoient encore un autre défaut : on y trouvoit << presqu'autant de divagations et de con

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tomeII, page 609.— (2) Ibid. — (3) M. Albisson, Tribun. tome II, page 117.

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trariétés, que de coutumes différentes sur un point aussi important que celui de l'autorité des parens sur leurs enfans; et comment auroit-on obtenu, à cet égard, quelque chose de cohérent et de coordonné, du bouleversement que firent dans les droits des individus et dans la consistance des familles, ces siècles de barbarie, où la violence féodale imposoit silence aux lois et à la raison, et méconnoissant tout autre droit que celui du plus fort, asservit les corps et les esprits sous le despotisme avilissant du caprice et des volontés arbitraires du moindre châtelin qui pouvoit compter quelques centaines d'hommes sur son territoire usurpé et les ranger sous sa bannière?

« Quelles lumières attendre des débris d'un tel désordre? C'est pourtant de ces débris qui se formèrent les premières compilations de la plupart des coutumes que l'habitude rendit ensuite assez tolérables pour donner prise à la ténacité, et lui fournir les moyens de résister, à beaucoup d'égards, à la sagesse de leurs réformateurs » (1).

¶ C'est dans cet état de la législation que le titre qui nous occupe a été rédigé

(2).

« Il faut avouer qu'entre les lois civiles qui jusqu'alors avoient régi nos personnes et nos biens, il n'en étoit pas une seule qui eût besoin d'une plus prompte, d'une plus entière réforme, et qui, rame

(1) M. Albisson, Tribun. tome II, pages 116 et 117.- (2) Ibid.

page 117.

née à ce que la nature ordonne, dût recevoir une plus uniforme application.

» Ne pouvant, sur cette importante question, trouver aucun secours dans la loi romaine; ne trouvant dans les coutumes que des vues imparfaites; marchant entre l'exagération et la foiblesse, le Légis lateur a dû consulter la nature et la raison » (1). Voici ce qu'elles lui disoient:

De ce qu'est la Puissance paternelle par le Code Napoléon.

« L'AUTORITÉ des pères et des mères sur leurs enfans, n'ayant directement d'autre cause ni d'autre but que l'intérêt de ceux-ci, n'est pas, à proprement parler, un droit, mais un moyen de remplir dans toute son étendue et sans obstacle un devoir indispensable et sacré. Il est seulement vrai que ce devoir, une fois rempli, donne aux pères et mères un véritable droit, le droit légal d'exiger de leurs enfans, pendant tout le temps de leur vie, du respect et des secours (2).

C'est sur ces principes que le Code Napoléon s'est réglé.

On a pris également soin d'écarter les dispositions des deux systèmes qui s'éloignoient de ces idées premières; de recueillir celles qui s'en rapprochoient,

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, page, page 609. ·(2) M. Albisson, Tribun. tome II, pages 114 et 115.

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