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et d'y rapporter les modifications convenables. On les a coordonnées. On s'est attaché enfin à remplir les lacunes qu'on rencontroit à chaque pas dans la législation alors existante.

L'un des principaux changemens que le Code Napoléon y ait apportés, est l'abolition du droit d'exhérédation.

Il faut d'abord en parler.

J'indiquerai ensuite les bases nouvelles sur lesquelles la puissance paternelle a été assise.

I. Abolition du Droit d'exhérédation.

L'USAGE de l'exhérédation étoit admis dans les pays de droit écrit; mais la jurisprudence l'avoit intro; duit aussi dans les pays coutumiers dans les uns et dans les autres, l'exhérédation avoit lieu absolument pour les mêmes causes (1).

:

La Commission l'avoit formellement exclue: l'article 15 de son Projet portoit: Les pères et mères ne peuvent exhéréder leurs enfans (2).

Elle avoit admis, par le même article, la disposition officieuse, qui n'est pas, comme l'exhérédation, une peine et un acte de rigueur, mais une mesure de précaution pour conserver aux enfans d'un fils dissipa-. teur la portion héréditaire de leur père, en leur en transmettant dès-à-présent la propriété et en ne lui en laissant que l'usufruit.

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 26 frimaire an 10. Projet de Code civil, livre I.er, titre VIII, article 15, page 18.

(2).

La Cour d'appel de Paris observa, avec raison, que la disposition officieuse seroit mieux placée au titre Des Testamens (1).

Elle y a été renvoyée *.

Quant à l'exhérédation, elle fut réclamée, d'abord par la Cour de cassation (2), ainsi que par les Cours d'appel d'Aix et de Montpellier (3), puis au Conseil d'état.

Ces réclamations étoient fondées sur la nécessité de donner de la force à la puissance paternelle.

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¶ Elle est dans la famille, disoit-on, ce que le Gouvernement est dans la société (4) ; « elle en est la providence, comme le Gouvernement est la providence de l'État. Eh! quel ressort, quelle tension ne faudroit-il pas dans un Gouvernement qui seroit obligé de surveiller tout par lui-même, et qui ne pourroit pas se reposer sur l'autorité des pères de famille pour suppléer les lois, corriger les mœurs et préparer l'obéissance » (5)? « Pourquoi donc la majorité des enfans ou leur émancipation anéantiroientelles jusqu'au plus petit effet de cette puissance salu. taire » (6)? Il faut,au contraire, maintenir les enfans

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(1) Observations de la Cour d'appel de Paris, page 77. (2) Observations de la Cour de cassation, page 134. — (3) Obet 8, de la Cour d'apservations de la Cour d'appel d'Aix, 7 pel de Montpellier, page 17.-(4) Observations de la Cour d'appel de Montpellier page 73. -(5) M. Maleville, Procès-verbal du 26 frimaire an 10; (6) Observations de la Cour d'appel de Montpellier, page 73.

* Voyez au titre Des Donations entre-vifs et des Testamens, chap. VI

dans la dépendance respectueuse de leur père,même après qu'ils ont cessé d'être dans la dépendance réelle; et << le moyen le plus efficace pour y parvenir, seroit de mettre entre les mains du père la foudre de l'exhérédation » (1).

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« Les récompenses et les peines sont le ressort le plus puissant des actions des hommes, et le Législateur ne seroit pas sage, qui croiroit pouvoir les diriger uniquement par l'amour de leurs devoirs : l'enfant qui craindra l'exhérédation, ne secouera pas le joug de l'obéissance, ou il y sera ramené, et il contractera les heureuses habitudes qui forment les mœurs publiques et privées » (2).

Si, de ces considérations, qui sont pour tous les temps, on passe à l'état actuel des mœurs, on reconnoîtra que ¶ peut-être il ne fut jamais plus nécessaire de conserver au père le droit d'exhéréder ↓ (3).

Au surplus, en lui-même ce droit n'est pas injuste « pourquoi la loi assureroit -elle les mêmes droits à l'enfant dont la mauvaise conduite a abrégé les jours de son père, qu'à l'enfant qui ne lui a donné que des consolations » (4) ? « Non, l'enfant qui a fait couler les larmes du père, ne doit pas partager ses faveurs

(1) Observations de la Cour d'appel de Montpellier, pages, 73 et 74 — (2) M. Maleville, Procès-verbal du 26 frimaire an 10; · Observations de la our d'appel de Montpellier, page 72. (3) Observations de la Cour de cassation, page 134.—(4) M. Maleville, Procès-verbal du 26 frimaire an 10.

Tome V.

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avec l'enfant qui les a essuyées; et celui qui a dévoré le patrimoine de ses pères, cesse d'y avoir un droit égal à celui qui a travaillé à l'augmenter » ( 1). « Quand un enfant s'est, par des méfaits envers l'auteur de ses jours, retranché lui-même de la famille, il faut permettre au père de l'en retrancher absolument, et ne pas l'obliger à laisser un enfant dénaturé partager son patrimoine avec des enfans soumis et reconnoissans » (2).

<< Ce n'est que l'abus que le père peut faire de l'exhérédation qui a fait illusion à la philosophie, et lui a fait proscrire mal-à-propos ce remède. Prévenons donc l'abus, et que le remède subsiste '» (3); 9 ¶ que les causes d'exhérédation soient tellement précises que la loi ne laisse rien à l'arbitraire; qu'on exige la preuve des faits sur lesquels l'exhérédation est fondée ¶ (4).

« Les causes d'exhérédation étoient fixées, par la novelle 115,au nombre de quatorze, qu'il seroit inutile d'expliquer, parce qu'il y en a plusieurs qui ne conviennent plus à nos moeurs » (5). Mais en voici quatre qu'on peut encore admettre. On peut autoriser les pères et mères à exhéréder leurs enfans:

1.° « Si ceux-ci ont commis contre celui qui les

(1) Observations de la Cour d'appel de Montpellier, pages 3 et 74. — (2) Observations de la Cour d'appel d'Aix, page 7. (3) Obssrvations de la Cour d'appel de Montpellier, page 74. – (4) Observations de la Cour d'appel d'Aix, page 8. — (5) M Maleville, Procès-verbal du 26 frimaire an 10.

exhérède quelque acte, soit de violence, soit d'ou trages;

2.° « S'ils ont intenté contre lui une action criminelle ou correctionnelle;

3.o» S'ils ont contracté mariage sans son consen tement depuis l'âge de vingt-un ans jusqu'à celui de vingt-cinq, soit que ces mariage aient été annullés

ou non

4. S'il est intervenu contre les enfans une condamnation à peine afflictive ou infamante » (1).

Telles sont les raisons qu'on a fait valoir pour déterminer le Législateur à maintenir l'exhérédation.

Il est certain qu'un des motifs pour l'exclure étoit l'abus que le père pouvoit en faire; car, comme on 1 a observé dans une autre occasion, « il ne faut pas croire toujours à la vertu des pères et à la dépravation des enfans »; mais il est certain aussi que cet abus devenoit impossible si l'exhérédation n'étoit permise que pour des causes déterminées, et si ces causes étoient bien chosies: la question portoit donc sur ce choix.

Mais, en outre, la question se généralisoit; car, quand on seroit parvenu à prévenir l'abus de l'exhérédation, il importoit encore d'examiner si elle n'avoit pas des inconvéniens inhérens à son essence, et assez graves pour la faire rejeter dans tous les cas. J'envisagerai la question sous ces deux rapports.

(1) Observations de la Cour de cassation, page

134.

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