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SECTION II.

DE LA DURÉE DE LA PUISSANCE PATERNELLE.
( Article 372*.)

L'ARTICLE 372 fixe aussi la durée de la puissance paternelle.

Elle cesse, ou par le changement survenu dans l'état du père, ou par celui qui survient dans l'état du fils.

Si le père se trouve frappé de mort civile, il perd la puissance paternelle, puisqu'il perd tous les droits civils quelconques.

La Cour de cassation demandoit que l'individu ¶ condamné à une peine afflictive ou infamante, fût aussi privé de la puissance paternelle comme indigne de l'exercer (1).

Cette proposition n'a pas été admise : elle contrarioit le principe général qui conserve aux condamnés leurs droits civils, toutes les fois que la condamnation n'est pas de nature à emporter la mort civile.

Il faut avouer cependant qu'il répugne de voir l'éducation et les mœurs d'enfans encore jeunes, confiées à un père dégradé par le crime: mais la jurisprudence y peut apporter remède **

Le changement d'état qui, de la part du fils, met

* Voyez le texte, 511.
,page ** Voyez page 526.
(1) Observations de la Cour de cassation, page 131.

fin à la puissance paternelle, est sa majorité ou son émancipation.

<<< Le Législateur a écouté la voix de la nature et de la raison, lorsqu'il a prononcé que l'enfant ne reste sous l'autorité paternelle que jusqu'à ces époques » (1).

En effet, 'si cette autorité n'est, par sa nature, qu'un secours de protection, de défense, d'administration domestique ou de direction, institué pour l'intérêt de l'enfant, elle doit cesser aussitôt que l'enfant n'en a plus besoin; c'est-à-dire, « lorsqu'il devient capable de se conduire par lui-même et d'administrer ses biens » (2) : « la majorité est l'âge où l'on est présumé par la loi avoir acquis la maturité d'esprit suffisante pour bien gouverner ses affaires » (3).

«

Cependant, << si l'âge de vingt-un ans pouvoit paroître trop long, eu égard à la maturité d'esprit de quelques enfans, le remède est dans la loi même : l'émancipation qui peut avoir lieu dans ces cas, obvie à tous les inconvéniens, et laisse le principe entier » (4).

Ainsi, l'époque de la maturité de la raison du fils, celle où il importe à la société qu'il puisse se conduire lui-même et pourvoir à ses intérêts, est ré

(1) M. Réal, Exposé, des motifs, Procès-verbal du 26 vontôse an 11, II, p. 610. (2) M. Vesin, Tribun. tome II, page 100. -(3)Ibid., page 101 --- - (4) Ibid., pages 102 et 163

* Voyez pages 482 et suiv

glée ou par l'autorité de la loi, ou déclarée par jugement du père ↓ (1).

le

La Commission, ¶ distinguant entre l'émancipation de la puissance paternelle et l'émancipation de la tutelle (2), vouloit que la première ne pût s'opérer que par le mariage, et jamais par acte particulier (3). Elle rejetoit aussi, pour la puissance ¶ paternelle, l'émancipation légale à l'âge de dix-huit ans, qu'elle admettoit pour la tutelle (4).

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Les Cours d'appel d'Amiens, de Douai et de Lyon demandèrent que ¶ l'émancipation fût admise (5). La Section néanmoins, adoptant le système de la Commission, n'admettoit que l'émancipation par mariage (4).

Au Conseil d'état, on combattit aussi cette limi tation (7).

Alors la question s'engagea.

J'omettrai ce qui a été dit pour faire appliquer au fils de famille l'émancipation légale à l'âge de dixhuit ans, qu'on proposoit d'établir en faveur du pupille; car cette sorte d'émancipation a été entièrement rejetée.

(3)

(4) M.

(1) M. Albisson, Tribun. tome II, page 119.~(2) M. Tronchet, Procès verbal du 8 vendémiaire an 11, tome II, page 47. Projet de Code civil, I., tit. VIII, art. 1.er, page 57. Tronchet, Procès-verbal du 8 vendémiaire an 11, tome II, page 46. — (5) Observations de la Cour d'appel d'Amiens, page 6 de Douai, page 9- de Lyon, page 41. — (6) 2o Rédaction art. 2, Procès-verbal du 8 vendémiaire an 11 tome II, page 43. —(7) M. Teilhard, ibid.,page 44;-Le Consul Cambacérés, Ibid

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A l'égard de l'émancipation par acte, voici les motifs qui avoient déterminé la Commission et la Section à ne pas l'admettre.

-par

Elles avoient considéré que, « dans les pays régis

le droit coutumier, on ne connoissoit pas cette sorte d'émancipation; là, la puissance paternelle n'étoit qu'une autorité de protection, qui duroit jusqu'au mariage ou jusqu'à la majorité. Si l'on admettoit, en pays de droit écrit, l'émancipation par acte, c'étoit parce que la puissance des pères y étoit tout. à-la-fois absolue et perpétuelle sur la personne et sur les biens. Or, la puissance paternelle que le Code établit, étant, par rapport aux biens, celle des pays coutumiers, la Section en concluoit qu'il n'y avoit pas lieu d'admettre l'émancipation par acte » (1).

Indépendamment de ces motifs, la Commission et la Section regardoient cette émancipation comme inutile ou comme dangereuse.

Inutile, parce que « les pères peuvent laisser aux enfans la jouissance des biens sans les émanciper » (2). Il est vrai que par-là ¶ les pères ne donneront pas à ces enfans la capacité de contracter. Mais estil avantageux d'accorder au père le droit de communiquer au fils cette capacité trois ans avant le terme où la minorité expire? Elle ne devient nécessaire au mineur que dans un seul cas, dans celui où il fait le

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 8 vendémiaire an 11, tome I page. 45—(2) Ibid.

commerce; et alors il l'a sans émancipation, car le mineur marchand est capable de contracter pour les affaires de son négoce (1).

On ajoutoit que l'émancipation par acte donneroit au fils mineur la jouissance des biens maternels, et que, sous ce rapport, elle seroit dangereuse en ce qu'elle lui accorderoit trop de latitude↓ (2).

Il fut répondu que le simple abandon que le père pourroit faire au fils mineur de la jouissance des biens de ce fils, seroit illusoire, attendu que, pour jouir par soi-même, il faut être capable des actes d'administration; qu'ainsi elle ne pouvoit s'effectuer d'une manière réelle que par l'émancipation (3); que « l'émancipation qui rendroit au fils de famille la disposition de ses revenus, seroit utile même à celui qui est engagé dans le commerce; elle augmenteroit nécessairement son crédit, en augmentant ses moyens » (4).

On dit enfin que «< toujours l'émancipation a été considérée comme favorable à l'intérêt du mineur et à la tranquillité des familles. L'émancipation de la puissance paternelle, a-t-on continué, ne sera pas, il est vrai, aussi nécessaire dans le droit nouveau qu'elle l'étoit dans l'ancien droit écrit ; cependant elle ne sera pas sans effet, puisqu'elle fera cessér l'appli

(1) M.Tronchet, Procès-verbal du 8 vendémiaire an 11, tome II, page 46. —(2) Ibid. (3) M. Berlier, Ibid., page 45. — (4) M Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), ibid., page 46.

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