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» gélique, ne devoit point paroître assez familiarisé » avec les belles-lettres, dont l'étude ailoit occuper les » premières années de l'éducation de monseigneur le » Dauphin ; et d'après toutes ces considérations, il étoit » d'autant plus vraisemblable que le Roi laisseroit tom>> ber son choix sur M. Huet, que Sa Majesté avoit paru » désirer elle-même, peu de mois auparavant, de le » voir associé à l'éducation de monseigneur le Dauphin.

>> Mais les choses tournèrent tout autrement; le roi » étoit accoutumé à entendre prêcher M. l'évêque de » Condom, il lui étoit agréable, il étoit frappé de son » mérite, les murs mêmes de son palais (ce sont les ex» pressions de M. Huet) retentissoient encore de son élo»quence, et il nomma M. de Condom précepteur, mais » il nomma en même temps M. Huet sous-précepteur. »

VIII. De Pellisson.

Beaucoup de personnes parloient aussi de Pellisson, dit l'abbé Ledieu; il ne se mit point sur les rangs, mais ses amis agirent avec chaleur pour lui. La résolution d'abjurer le calvinisme étoit décidément arrêtée dans son esprit, lorsque le président de Périgny vint à mourir. Pellisson, par un sentiment de délicatesse, suspendit pendant un mois entier son abjuration, pour convaincre le public et ses amis mêmes qu'il n'avoit aucune prétention à la place de précepteur de monseigneur le Dauphin, personne ne pouvant avoir l'idée de proposer au roi un protestant pour précepteur de son fils. Ce ne fut donc qu'environ un mois après la nomination de Bossuet, que Pellisson fit son abjuration à Chartres, le 8 octobre 1670, entre les mains de M. de Choiseul, alors évêque de Comminges, et depuis évêque de Tournai. Immédiatement après il se retira à la Trappe, pour s'y recueillir dans les sentiments religieux qui avoient dicté une conduite si respectable. De retour à Paris, il s'attacha aussitôt à Bossuet, et resta son ami intime jusqu'à sa mort.

Madame de Caylus nous apprend que madame de

Montespan voulut s'honorer elle-même, en appuyant d'un suffrage qui étoit agréable à Louis XIV, la résolution que ce prince avoit déjà prise de nommer Bossuet précepteur de monseigneur le Dauphin.

A travers les différences légères que l'on croit apercevoir entre les versions que nous venons de rapporter sur quelques circonstances de la nomination de Bossuet, on voit que le mérite d'un tel choix appartient tout entier à Louis XIV.

IX. Bossuet sacré évêque de Condom, 21 septembre 1670.

Au moment où Bossuet fut nommé précepteur de monseigneur le Dauphin, ses dispositions étoient prises pour son sacre, et son sacre devoit être immédiatement suivi de son départ pour Condom. Cet événement imprévu exigeoit de sa part les plus mûres réflexions. Il paroît qu'il hésita entre ce nouveau ministère et celui auquel il se croyoit plus immédiatement appelé par une première disposition de la Providence. Il jugeoit avec raison que l'une de ces deux places étoit incompatible avec l'autre, et en présentant l'hommage de sa reconnoissance à Louis XIV, il ne put se dispenser de lui rappeler « que récemment chargé du gouver»> nement d'une église par la bonté de Sa Majesté, il » ne pouvoit prendre d'autre engagement, ni recevoir » la nouvelle marque de confiance dont elle l'hono» roit. Je veux un évéque, lui répondit le Roi; faites» vous sacrer; suivez après cela le mouvement de votre » conscience, je vous laisse toute liberté sur votre évéché. »

Cette décision du Roi, quelque obligeante qu'elle fût pour Bossuet, n'étoit point de nature à calmer les justes scrupules d'un évêque instruit des règles et des maximes de la discipline ecclésiastique. Dans cette perplexité, Bossuet «< crut devoir consulter le curé de Saint-Nico>> las-du-Chardonnet de Paris 1, pour lui demander >> son avis, et s'il s'engageroit à la cour en quittant son » évêché, ou s'il suivroit sa première vocation, qui

'M. Féret.

>> étoit d'aller gouverner son église, en remerciant le » Roi de l'honneur qu'il lui offroit en l'appelant auprès >> de Monseigneur. Le curé de Saint-Nicolas le pria de >> trouver bon qu'il en conférât avec le curé de Saint>> Sulpice 1, qu'il se faisoit un devoir de consulter dans » toutes les circonstances difficiles et délicates. Cepen»dant M. de Condom s'étoit à peu près décidé à se faire >> sacrer suivant l'ordonnance du concile de Trente, >> parce qu'il avoit ses bulles, et que tous les arran>> gements étoient déjà pris pour être sacré en présence » de l'assemblée du clergé qui se tenoit alors à Pon>>toise. Il annonça donc à la cour, dès le moment où il >> entra en fonction, qu'il seroit obligé de garder quel» que temps son évèché, jusqu'à ce qu'il pût être as>> suré qu'on s'accommoderoit de lui à Versailles, et » que lui-même s'accommoderoit d'un genre de vie si »> nouveau pour lui. Sept ou huit mois après, le curé » de Saint-Nicolas-du-Chardonnet déclara à l'évêque » de Condom que le bien qu'il faisoit à la cour étoit si >> grand, qu'il y pouvoit demeurer en conscience, et ser>> vir l'Eglise même avec l'autorité de l'épiscopat, plu>> tôt que de quitter une place si importante pour al>>ler gouverner une église particulière dans un coin » du royaume ; il se rendit à cet avis, qui étoit le plus »sage. »

Charles-Maurice le Tellier, coadjuteur de Reims, étoit membre de l'assemblée du clergé qui se tenoit à Pontoise. On a vu qu'il étoit intimement lié avec Bossuet, et il voulut avoir la gloire d'être le consécrateur d'un tel évêque. Il choisit pour assistants les évêques d'Autun et de Verdun **. Toute l'assemblée du clergé fut

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1 M. Raguier de Poussey.

* Gabriel de Roquette, nommé à l'évêché d'Autun le 1er mai 4666. Il s'en démit le 15 août 1702, et mourut le 23 février 1707, àgé de quatre-vingt-quatre ans.

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Armand de Monchy-d'Hocquincourt, nommé à l'évèché de Verdun en 1667. Il fut le premier évêque de Verdun nommé par le roi de France, en vertu d'un indult personnel que le pape Alexandre VII accorda à Louis XIV, et que le pape Clément IX étendit à tous les

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présente à la cérémonie, qui eut lieu dans l'église des cordeliers de Pontoise, le 21 septembre 1670, avec toute la solennité, dit l'abbé Ledieu, des anciens sacres, et comme en plein concile. M. de Fromentières depuis évêque d'Aire, prédicateur estimé, fit le sermon du sacre. Le lendemain 22 septembre, Bossuet prêta serment entre les mains du Roi pour l'évêché de Condom; et le surlendemain 23, en qualité de précepteur de monseigneur le Dauphin.

X.- Il se démet de l'évêché de Condom. 1671.

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Cependant Bossuet étoit toujours tourmenté de l'idée de ne pouvoir concilier les nouvelles fonctions qui l'attachoient à la cour, avec les devoirs d'un ordre supérieur que lui imposoit sa qualité d'évêque. Plusieurs considérations raisonnables ne lui permirent pas d'abord de se démettre de l'évêché de Condom, mais il ne le garda qu'un an *; il s'en démit le 31 octobre 1671. L'abbé de Matignon *** fut nommé pour lui succéder; il remit entre les mains du Roi son prieuré du PlessisGrimaux, près de Caen, que ce prince donna à Bossuet. En renonçant à l'évêché de Condom, il perdoit quarante mille livres de rente, et le prieuré du PlessisGrimaux n'en valoit que huit ou neuf. A peine avoit - il retiré de l'évêché de Condom les frais de ses bulles et de son premier établissement. Dès le moment où il

rois ses successeurs. M. d'Hocquincourt mourut le 29 octobre 1679, ágé de quarante-deux ans.

Jean Louis de Fromentières, nommé à l'évêché d'Aire le 14 janvier 1673, mort en 1684.

**Il envoya à Condom l'abbé de Janon, son parent, pour gouverner le diocèse. C'étoit un ecclésiastique d'un grand mérite. Il avoit été procureur général de la cour des aides de Dauphiné avant d'entrer dans l'état ecclésiastique.

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Jacques Goyon de Matignon se démit de l'évêché de Condom en 1693, et fut nommé en 1703 à l'abbaye de Saint-Victor de Marseille. Il fonda des bourses dans le collége de cette ville, et nous avons été témoins des biens infinis que cette fondation avoit produits jusqu'à ces derniers temps. Ces bourses étoient distribuées au concours avec un discernement et une équité remarquables.

avoit été nommé, il s'étoit démis des bénéfices qu'il possédoit dans l'église de Metz sans se réserver aucune pension. Ainsi Bossuet se trouvoit dans une des premières places de la cour avec le modique revenu du prieuré du Plessis-Grimaux, et du doyenné de Gassicourt, qui pouvoit rapporter cinq ou six mille livres de rente, et la foible pension attachée au titre de précepteur de monseigneur le Dauphin. Mais des calculs d'intérêt n'entrèrent jamais dans l'âme de Bossuet *.

XI et XII. Il est nommé à l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais. Lettre de Bossuet à ce sujet.

Louis XIV, qui avoit le sentiment de toutes les convenances, crut avec raison qu'il ne pouvoit laisser le précepteur de son fils, et un évèque tel que Bossuet, dans un état de gêne et d'embarras. En 1672, à son retour de la belle campagne du Rhin, il s'occupa des moyens de lui procurer l'existence et la dignité convenables à l'emploi qu'il lui avoit confié. Le cardinal Mancini étoit mort à Rome le 28 juin 1672. Il laissoit trois abbayes vacantes, celle de la Chaise-Dieu, celle de Saint-Lucien de Beauvais, et celle de Saint-Martin de Laon. Louis XIV mit de la délicatesse à offrir à Bossuet le choix de celle des trois qui pourroit lui être la

On trouve dans les Lettres de madame de Sévigné une preuve de la légèreté avec laquelle les personnes les plus estimables se pressent quelquefois de juger et de censurer les grands hommes. Elle écrivoit des Rochers à sa fille, le 22 juillet 1674: « Vous savez qu'on a donné » à M. de Condom l'abbaye de Rebais qu'avoit l'abbé de Foix: LE

» PAUVRE HOMME! »>

C'est pour madame de Sévigné elle-même qu'il faut s'affliger de ce qu'une pareille allusion, en parlant d'un homme tel que Bossuet, a pu se présenter à une femme d'autant d'esprit et de goût que madame de Sévigné.

Dans la lettre suivante du 26 juillet de la même année, paroissant se repentir elle-même de sa légèreté et de sa précipitation, elle mande : « Je ne savois pas que M. de Condom eùt rendu son évèché. Madame de Chaulnes m'a assuré que cela a été fait. »

La vérité est que Bossuet n'a jamais eu l'abbaye de Rebais, et qu'il ne se démit de l'évèché de Condom que plus de trois mois après la date de ces lettres.

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