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tées. Ces promenades et ces lectures, continuées pendant une longue suite d'années, produisirent les notes et les commentaires de Bossuet sur les différentes parties de la Bible.

La cour ne tarda pas à être instruite de l'objet de ces savantes réunions. Elle étoit alors dans tout son éclat et toute sa splendeur, et c'étoit sans doute un spectacle assez extraordinaire que de voir, au milieu des fêtes et des plaisirs qui se succédoient dans ces lieux enchantés, Bossuet, la Bible à la main, méditant sur des vérités qui ne passent point, à l'ombre de ces belles forêts qui avoient vu tant d'âges et de choses, et qui devoient voir encore tant de vicissitudes et de catastrophes.

Mais tel étoit l'esprit du siècle où Bossuet vivoit, qu'un contraste qui n'auroit paru que singulier et bizarre un siècle plus tard, offrit à la cour de Louis XIV un spectacle auguste et imposant. Comme le cortège qui accompagnoit Bossuet dans ses promenades, étoit en grande partie composé d'ecclésiastiques, une voix s'éleva pour donner le nom de concile à cette respectable société, et cette dénomination lui resta pendant toute la vie de Bossuet**. Pour être plus sûr de se trouver réunis, et ne pas perdre un temps précieux à s'attendre, tous les membres qui la composoient étoient invités à diner chez lui les jours de la semaine consacrés à ce travail ***

***.

Cet exemplaire de la Bible de Vitré, qui appartenoit à Bossuet, et sur lequel sont inscrites les notes de l'abbé Fleury, et quelques notes de la main de Bossuet, appartient aujourd'hui à un libraire de Paris nommé Delestre-Boulage.

1 Depuis 1672 jusqu'à 1679.

**Cette espèce de concile, pour se servir du nom qu'on lui avoit donné, se réunit sous la même forme pendant douze années consécutives, et subsista jusqu'en 1685. Depuis cette époque, la résidence ordinaire de Bossuet étant à Meaux, il ne parut plus à Versailles et à Fontainebleau que pendant de courts intervalles, pour remplir ses fonctions de premier aumònier de madame la Dauphine, et ensuite de madame la uchesse de Bourgogne.

*** L'abbé de Longuerue,qui assistoit quelquefois à ces conférences, disoit que Bossuet faisoit fort mauvaise chère. Cela est très-possible.

Pellisson sollicita l'honneur d'être admis à ce concile, et n'eut pas de peine à l'obtenir. Quoiqu'il ne fût pas ecclésiastique, peu d'ecclésiastiques étoient plus instruits que lui dans la science de la religion, et avoient rendu autant de services à l'Eglise romaine par l'éclat de sa conversion et le mérite de quelques ouvrages écrits sur les controverses des catholiques et des protestants. Sa modestie l'avoit d'abord porté à demander d'assister à ces assemblées uniquement pour y écouter, et il en fut un des membres les plus utiles et les plus éclairés.

Ce fut aussi pendant le cours de ces conférences, que Fénélon, jeune encore, fut présenté à Bossuet par le marquis de Fénélon son oncle, et que se forma entre ces deux grands hommes une liaison qui subsista pendant bien des années. Fénélon introduisit ensuite l'abbé de Langeron dans la société de Bossuet; la marquise de Langeron, dame d'honneur de madame la princesse, avoit vivement demandé à Bossuet d'honorer son fils de sa bienveillance et de ses conseils paternels.

Telle étoit l'existence de Bossuet à la cour: sans crédit réel, sans aucune influence sur les ministres, sans aucun pouvoir sur les dispensateurs des grâces ecclésiastiques, Bossuet avoit déjà, par la seule considération de son génie et de sa vertu, une telle puissance d'opinion, que tous ceux qui aspiroient à l'estime publique, ambitionnoient la distinction d'être admis dans sa société, et attachoient plus de prix à un tel honneur qu'aux honneurs les plus éclatants.

III. Notes et Commentaires de Bossuet sur l'Ecriture

sainte.

Bossuet ne commença à publier qu'on 1681 ses dissertations et ses notes sur plusieurs parties de la Bible. Les grandes affaires dans lesquelles il avoit été obligé d'intervenir, et des travaux plus pressants encore ne lui avoient pas permis de mettre en ordre le recueil des notes qui étoient résultées de tant de conférences.

Il crut devoir publier d'abord ses notes sur les psaumes, comme pouvant être d'une utilité plus générale. Ces chants sacrés, qui depuis trois mille ans ont été répétés par tant de générations dans tant de langues différentes, et qui se répètent encore chaque jour dans toutes les parties de la terre, seront toujours la plus sublime expression de la reconnoissance des créatures pour leur auteur, et ils semblent avoir reçu une durée éternelle du nom même de l'Eternel, à qui ils sont consacrés. Ils forment la partie de la Bible dont l'Eglise nourrit chaque jour la piété des fidèles, et avec laquelle ils sont le plus familiarisés. Bossuet dédia ce travail au chapitre et au clergé du diocèse de Meaux; cette épître dédicatoire, datée du 8 juin 1690, respire l'onction la plus douce et la plus pieuse; il y rappelle avec reconnoissance le zèle et les lumières des vertueux coopérateurs qui avoient concouru avec lui à cet utile travail. C'est dans cette même épître dédicatoire qu'il exprime avec le plus touchant abandon le vœu qu'il a formé de vieillir et de mourir sur les livres sacrés : In His CONSENESCERE, HIS IMMORI, SUMMA VOTORUM EST.

Cette épître dédicatoire est suivie d'une dissertation sur les psaumes, où tout ce qu'il importe à la plupart des chrétiens de savoir sur cette partie si importante de la Bible, est exposé avec autant de précision que d'ordre et d'exactitude. Arnauld trouvoit cette dissertation admirable, et surtout le dernier chapitre, qui traite de l'usage que l'on peut faire des psaumes dans tous les états de la vie.

Bossuet distingue différentes sortes de psaumes; les psaumes moraux, qui contiennent des exhortations, des reproches, des préceptes, des conseils. Les déprécatifs, qui ont pour objet d'implorer la miséricorde et les grâces de la bonté divine; les historiques et les prophé tiques.

Les prophétiques sont de deux genres; les uns, purement prophétiques, doivent s'entendre immédiatement de Jésus-Christ; les autres ne se rapportent que média

tement au Messie, et ce sont ceux où le prophète dit lui-même des choses qui ne peuvent avoir leur juste application et un sens parfait qu'en remontant à JésusChrist, figuré dans le psaume.

Quoique les différentes versions reçues dans l'Eglise varient beaucoup entre elles, elles s'accordent parfaitement avec le texte original sur le fond du dogme et de la morale. Le concile de Trente, en déclarant la Vulgate authentique, n'a point interdit aux commentateurs la liberté de consulter le texte original. Lorsqu'ils ont recours à l'hébreu, ce n'est pas pour y chercher des articles de foi inconnus, mais pour éclaircir et confirmer la vérité déjà professée, ou pour découvrir des sens plus relevés, plus propres, plus analogues à la lettre. Bossuet établit en principe que les titres des psaumes, destinés à nous en apprendre l'occasion et le sujet, ont été inspirés par le même esprit qui a inspiré les psaumes, qu'ils en sont comme la clef, et il a appuyé son opinion sur les témoignages de toute la tradition.

Quant aux auteurs des psaumes, il juge plus raisonnable de dire qu'ils n'ont pas tous été composés par David, quoiqu'il en soit le principal auteur. Mais il croit qu'il est assez indifférent qu'on les attribue tous à David, ou qu'on soutienne qu'ils sont de différents auteurs, puisque leur autorité ne vient ni de David, ni de tout autre, mais de l'Esprit saint qui les a inspirés.

Les notes que Bossuet a ajoutées aux psaumes pour en faciliter l'intelligence sont courtes, mais judicieuses et exactes. Il y a surtout évité un vain étalage d'érudition, l'ambition d'y trouver des sens éloignés et cachés, et la manie de hasarder des interprétations vaines ou imaginaires.

Il a placé à côté de la Vulgate la version des psaumes que saint Jérôme a travaillée avec tant de soin, et que l'Eglise latine auroit adoptée, comme elle a adopté la version que ce Père a faite des autres parties de l'Ecriture, si les peuples des églises d'Occident n'eussent pas déjà été accoutumés à l'ancienne version italique.

L'abbé de Longuerue, qui, avec tout l'orgueil d'une vaste érudition, avoit un caractère tranchant, s'exprime avec assez de légèreté sur ce travail de Bossuet. Mais Arnauld, juge plus compétent dans une pareille matière, en avoit une opinion bien différente. Après avoir fait l'éloge de la dissertation préliminaire, il ajoute : « Ce 1 qui m'en a plu davantage, est le moyen qu'a » trouvé M. de Meaux d'expliquer les psaumes selon >> l'hébreu, sans dire qu'il le faisoit... Ç'a été en met>> tant vis-à-vis de la Vulgate, non une nouvelle version >> selon l'hébreu, mais celle de saint Jérôme, à qui » l'Eglise a rendu ce témoignage, qu'il avoit reçu de >> Dieu une vocation particulière pour traduire les Ecri>>tures divines. Il n'y a plus guère d'endroits dans les » psaumes, qu'on n'entende très-bien, et on a dans >> un même livre la traduction de l'hébreu de saint » Jérôme et la Vulgate. »

Bossuet avoit publié, en 1691, sa préface et ses notes sur les psaumes. Deux ans après, en 1693, il publia ses préfaces et ses notes sur les livres de Salomon. Il mit à la fin de cet ouvrage un supplément à son commentaire sur les psaumes. L'objet de ce supplément étoit de réfuter quelques commentateurs, et entre autres Grotius, qui s'efforçoient d'affoiblir l'autorité des prophéties en général, et surtout celles qui sont annoncées dans les psaumes.

Ces commentateurs prétendoient que lorsque les apôtres ont fait usage des oracles des prophètes pour prouver que Jésus-Christ étoit le Messie, ils n'ont point présenté ces oracles comme des preuves d'une vérité déjà suffisamment attestée par les miracles et la résurrection de Jésus-Christ, mais qu'ils se proposoient uniquement d'éclaircir et de confirmer ce qui étoit déjà connu et démontré.

Bossuet s'élève avec chaleur contre cette opinion. Il convient à la vérité que les témoignages employés par les apôtres ne sont pas tous de la même évidence ni de 1 Lettre du 5 juin 1691.

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