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» saints Pères; » c'est ainsi qu'il se disposoit à s'engager irrévocablement au ministère de l'Eglise.

XVII.- Bossuet reçoit le sous-diaconat. 1648.

Ce fut au mois de septembre 1648, que Bossuet reçut le sous-diaconat des mains de l'évêque de Langres, son évêque diocésain *; et il revint à Paris vers la fin de la même année **.

Il falloit qu'il eût dès sa jeunesse des qualités faites pour lui mériter la confiance et l'amitié de ses condisciples. Les bacheliers de Navarre le choisirent, en 1649, pour le procureur et l'économe de leur communauté : fonctions pour lesquelles il n'a jamais montré ni beaucoup de goût ni beaucoup d'aptitude. Les papiers que nous avons sous les yeux nous font voir Bossuet pendant toute sa vie beaucoup plus occupé de ses livres et de ses études, que de ses affaires domestiques, qu'on lui reprocha même d'avoir trop négligées. Mais il est vraisemblable que ce témoignage de confiance de ses condisciples fut déterminé par l'opinion qu'ils avoient de la fermeté connue de son caractère qualité qui pouvoit n'être pas indifférente au milieu des troubles dont Paris étoit alors menacé. Dans son élévation à Versailles, Bossuet rappeloit quelquefois cette circonstance de sa jeunesse, parce qu'elle se rattachoit à un événement remarquable de l'histoire de son temps. Ce fut en effet dans les premiers jours de 1649 que commença la guerre de la Fronde, et que le grand Condé tenta de réduire Paris par la famine. Bossuet racontoit

* Dijon n'étoit point alors érigé en évêché, et faisoit partie du diocèse de Langres.

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Nous croirions dégrader le nom de Bossuet, si nous mêlions à l'histoire d'une vie remplie de tant de gloire et de vertu la fable de son prétendu mariage. Il doit suffire à la curiosité qu'inspire le désir de savoir tout ce qu'on a pu dire d'un tel homme, de montrer l'origine et l'auteur de cette ridicule fiction. On trouvera aux Pièces justificatives du livre er, no 4, tous les éclaircissements que nous avons recherchés avec une attention minutieuse. Nous avons cru devoir les rapporter à la date incontestable où Bossuct s'engage dans les ordres sacrés.

que, pendant ce blocus, il avoit gardé dans la ruelle de son lit quatre sacs de farine, pour assurer la subsistance de ses camarades.

Dans un second voyage que Bossuet fit à Metz en 1649, il y reçut le diaconat. Ce fut à cette époque que son père le présenta, pour la première fois, au maréchal et à la maréchale de Schomberg, qui passoient une grande partie de l'année à Metz.

XVIII. Du maréchal et de la maréchale de Schomberg.

Le maréchal de Schomberg, après avoir commandé avec succès les armées en Languedoc, avoit cédé le gouvernement de cette province à Gaston de France, pendant la minorité de Louis XIV, et avoit reçu en échange celui des Trois Evèchés *.

La maréchale de Schomberg étoit cette même demoiselle de Hautefort, dame d'atours de la reine Anne d'Autriche, qui avoit inspiré à Louis XIII une affection aussi pure qu'elle devoit l'être entre un prince vraiment pieux et une favorite dont la vertu étoit au-dessus de tout soupçon. Sacrifiée au cardinal de Richelieu par Louis XIII, sacrifiée encore au cardinal Mazarin par Anne d'Autriche, elle vivoit dans la retraité et la disgrace, lorsque le maréchal de Schomberg, touché de sa vertu et de sa piété, lui offrit son nom, son rang et sa fortune. Leur maison à Metz étoit ouverte à tous ceux qui honoroient la religion par leur caractère et leurs talents. Bossuet, bien jeune encore, y fut accueilli comme il auroit pu l'être quelques années après. Le maréchal et la maréchale de Schomberg devinrent dès lors ses admirateurs et ses protecteurs, et ce furent eux qui contribuèrent dans la suite à le faire connoître à la cour. Bossuet conservà toute sa vie la plus tendre

* Charles de Schomberg, duc d'Hallwin, pair et maréchal de France, mort de la pierre à Paris en 1656, âgé de cinquante-six ans, étoit fils de Henri, maréchal de Schomberg, qui avoit fait prisonnier au combat de Castelnaudary le malheureux duc de Montmorency, et qui lui avoit succédé au gouvernement de Languedoc; mais il ne lui survécut que quelques semaines.

reconnoissance pour leur mémoire. Etant devenu évêque de Meaux, il ne passoit jamais à Nanteuil *, dont la seigneurie avoit appartenu au maréchal et à la maréchale de Schomberg, et où ils avoient choisi leur sé– pulture, sans aller prier sur le tombeau de ses premiers bienfaiteurs **.

***

En 1650, Bossuet, de retour à Paris, commença au collége de Navarre sa licence en théologie. Quoique le docteur Cornet ne fût plus alors grand-maître de Navarre il continuoit à habiter cette maison, et il y conservoit la plus grande influence. Depuis huit ans il n'avoit cessé de montrer à Bossuet toute l'affection d'un père pour un fils, et ce fut lui qui dirigea constamment ses études et ses travaux pendant tout le cours de sa licence.

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Ce fut également au collège de Navarre qu'il connut un homme d'un esprit et d'un caractère bien différents, mais dont les secours et les conseils ne furent pas entièrement inutiles à Bossuet. Les nombreux ouvrages du docteur Launoy attestent sa vaste érudition et sa passion pour la science. Mais il n'est point de passion qui n'ait ses excès, et il est quelquefois bien difficile de se renfermer dans cette juste mesure, qui ne permet de combattre l'erreur qu'en respectant des principes qu'on ne peut méconnoître sans danger. La critique de l'abbé de Launoy pouvoit s'exercer, sans de

⭑ Nanteuil est dans le diocèse de Meaux.

** La maréchale de Schomberg survécut longtemps à son mari, dont elle n'avoit point eu d'enfants. Elle ne mourut qu'en 1691. Louis XIV lui proposa deux fois, en 1684, la place de dame d'honneur de madame la Dauphine, qu'elle ne voulut jamais accepter. On peut voir dans les Lettres de madame de Sévigné la considération extraordinaire que lui montroit Louis XIV dans les occasions très-rares où elle paroissoit à la cour. Bossuet transmit par reconnoissance à la maison de Hautefort l'attachement qu'il avoit voué à la maréchale de Schomberg. (Mis. de Ledieu.)

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'Il s'étoit démis de cette place dès le 21 juin 1643, en faveur du docteur Pereyret ; mais il y rentra au mois d'octobre 1651.

graves inconvénients, sur des points d'histoire; elle devint hardie et téméraire lorsqu'il prétendit l'appliquer à des points qui intéressoient la doctrine de l'Eglise. Mais lorsque Bossuet se lia avec lui, aucun de ses ouvrages n'avoit encore attiré la censure des supérieurs ecclésiastiques.

Il suffisoit à ce docteur, passionné pour l'étude et les talents, d'entendre parler d'un jeune homme qui annonçoit d'heureuses dispositions, pour qu'il éprouvât le besoin de le rechercher et de l'encourager. Aussitôt qu'il connut Bossuet, il n'eut pas de peine à juger ce qu'il étoit, et à prévoir ce qu'il seroit. Il l'exhorta à se livrer avec ardeur aux études de son état; il lui offrit ses livres, ses papiers, ses manuscrits, et tout ce qu'il pouvoit attendre de sa longue et laborieuse expérience.

Bossuet conserva toujours de la reconnoissance pour un homme qui lui avoit montré un intérêt toujours flatteur pour celui qui en est l'objet. Il aimoit à lui faire honneur, dans la suite, des sages et utiles conseils qu'il en avoit reçus. Mais sa reconnoissance ne le porta jamais à approuver les idées hardies qu'on reprochoit au docteur Launoy, et ces reproches étoient malheureusement fondés. Il lui donna même, plusieurs années après, un témoignage d'égard et d'intérêt, qui concilioit sa reconnoissance avec la mesure d'un zèle sage et éclairé. Bossuet, devenu précepteur de monseigneur le Dauphin, fut informé par le docteur Arnauld, qu'au milieu même de Paris, le docteur Launoy tenoit des conférences où il hasardoit des maximes favorables au socinianisme. Sans paroître agir directement, Bossuet fit dissoudre ces conférences par l'autorité du chancelier Le Tellier; mais, satisfait d'avoir arrêté la contagion d'une doctrine dangereuse, il veilla avec attention à ce que l'on n'inquiétât en aucune manière le docteur Launoy, et qu'il ne fût exposé à aucun désagrément personnel.

XX. Une thèse de Bossuet donne lieu à un procès.

Une thèse que soutint Bossuet pendant sa licence donna lieu à un incident assez singulier pour qu'on s'en soit ressouvenu longtemps dans la faculté de théologie de Paris, mais dont les détails seroient aujourd'hui sans intérêt pour nos lecteurs.

Il suffira de dire que les règlements de la faculté obligeoient chaque licencié à soutenir une thèse, connue sous le nom de sorbonique, parce qu'elle avoit toujours lieu en Sorbonne : des règlements positifs donnoient également le droit au prieur de Sorbonne d'exiger du soutenant les preuves par écrit des assertions de sa thèse, mais il faisoit rarement usage de son droit; cependant le prieur de Sorbonne en exercice (le sieur Chamillart) voulut user de son droit à toute rigueur

envers Bossuet.

Les docteurs de la maison de Navarre se trouvèrent offensés de ce qu'un jeune bachelier, tel que le prieur de Sorbonne, osât affecter cette espèce d'autorité sur celui que l'opinion publique plaçoit déjà au premier rang parmi tous ses concurrents. Ils étoient présents le 9 novembre 1650 à la sorbonique de Bossuet, et ils exigèrent de lui qu'il refusât au prieur de Sorbonne un titre honorifique que l'usage et les règlements lui accordoient. Le prieur, blessé à son tour, rompit l'acte. Les docteurs de Navarre enjoignirent alors à Bossuet de se transporter aux Jacobins, suivi d'une nombreuse partie de l'auditoire : il y porta sa thèse, et acheva son acte dans la même salle où saint Thomas d'Aquin avoit donné ses leçons plusieurs siècles auparavant. Il en résulta un procès dont la grand'chambre fut saisie. Les deux plus fameux avocats du parlement de Paris y portèrent la parole. Montholon plaida pour le prieur de Sorbonne, et Martinet pour la maison de Navarre. Le droit du prieur de Sorbonne étoit incontestable; Bossuet le sentoit bien lui-même. Il avoit conjecturé, d'après l'impression que les plaidoyers des avocats pa

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