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» absurdes, qu'il vaudroit mieux pour lui n'en faire

>>> aucune.

» 2o Je me charge de démontrer dès à présent que, » mème en me tenant à son récit, il avoue forcément >> tout ce dont il ne veut pas convenir.

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» 3o Enfin, de peur qu'on ne dise que M. Claude aura » peut-être pris un mauvais tour, par lequel il se sera engagé dans des inconvénients, je soutiens que cet avantage appartient tellement à la cause que je dé» fends, que tout ministre, tout docteur, tout homme » vivant succombera de la sorte à de pareils argu

>>

»ments.

» Ceux qui voudront faire cette épreuve, verront que » ma promesse n'est pas vaine. »

Il ne tint pas à Bossuet que le défi qu'il adressoit au ministre Claude avec tant de solennité, ne fût accepté. Il lui fit proposer une nouvelle conférence avec des instances réitérées. Le ministre s'y refusa, et donna pour motif la défense que le Roi avoit faite de tenir ces sortes d'assemblées. Bossuet se chargea de lever cet obstacle, et il obtint en effet de Louis XIV toutes les autorisations nécessaires pour la sûreté et la tranquillité de M. Claude. Il s'empressa de l'en informer par le marquis de Ruvigny, protestant très-accrédité à la cour, et très-zélé pour sa religion. Mais le ministre Claude persista dans son refus, et ne voulut jamais consentir à s'engager dans un second combat avec Bossuet.

Il se vit alors obligé de donner la plus grande publicité à la relation de cette conférence. Il y joignit des réflexions sur celle du ministre Claude. Ces réflexions lui offrirent la facilité de prendre les questions qui avoient été traitées; il les présenta sous un nouveau jour, leur prêta une nouvelle force, et établit invinciblement l'autorité infaillible de l'Eglise comme le point fondamental autour duquel roulent toutes les controverses qui ont séparé de l'Eglise romaine les sectes qu'elle a frappées d'une juste et nécessaire condamnation.

Cette relation et ces réflexions furent imprimées en

1682, peu de temps après la clôture de l'assemblée du clergé.

Mademoiselle de Duras survécut assez longtemps à son abjuration, pour se confirmer de plus en plus dans les principes et dans les sentiments qui l'avoient déterminée. Elle mourut en 1689.

Aussitôt qu'elle se vit frappée, elle fit prier Bossuet de se rendre auprès d'elle à Saint-Cloud, où la fixoient ses fonctions de dame d'atours de Madame. Elle reçut les derniers secours et les dernières consolations de la religion de celui à qui elle avoit dû son retour à l'Eglise.

En présence et à la voix de Bossuet, la mort sembloit perdre une partie de ses horreurs; elle ne paroissoit plus qu'un passage à un bonheur pur et durable. On avoit vu, en 1680, le duc de la Rochefoucauld, l'auteur des Maximes, réclamer pendant sa dernière maladie les soins et les consolations de Bossuet. Il voulut expirer entre ses bras, et être soutenu, dans ce grand combat de la vie et de la mort, par cet homme qui savoit si bien parler de l'éternité à ceux à qui le temps est prêt à échapper. On peut regretter de ne trouver ni dans les lettres particulières, ni dans les mémoires du temps, aucuns détails particuliers sur les derniers entretiens du duc de la Rochefoucauld avec Bossuet. Madame de Sévigné nous dit seulement qu'il mourut avec beaucoup de calme et de courage. Il conserva toutes les facultés de son âme jusqu'au dernier moment, et il eût été intéressant d'entendre ces deux hommes parler de ces grandes vérités qu'on néglige trop souvent de méditer pendant la vie, mais sur lesquelles il paroît impossible de rester indifférent aux approches de la mort.

V.- Retraite de madame de La Vallière.

Pendant l'éducation même de monseigneur le Dauphin, Bossuet fut mêlé à deux événements dont l'un a laissé un souvenir doux et touchant à la postérité, et

l'autre emprunte tout son intérêt du nom de Louis XIV et de Bossuet.

Personne n'ignore les fautes, les remords et la pénitence de madame de La Vallière. La cour avoit vu pour la première fois une femme indifférente à l'éclat et à la jouissance du trône, n'aimer dans un roi que les qualités et les sentiments qui avoient touché son cœur; fidèle encore à la pudeur au moment où elle avoit oublié la vertu, se refusant à des honneurs qui étoient le prix de sa foiblesse, et uniquement occupée à nourrir dans la solitude de son cœur un sentiment dont la douceur passagère étoit déjà expiée par les plus cruels tourments.

Il étoit dans l'ordre d'une Providence miséricordieuse, que madame de La Vallière trouvât dans l'excès de sa passion l'excès de son malheur. Mais plus son cœur avoit été foible, plus son âme devint forte pour briser ses chaînes. Au milieu même de ses erreurs, elle étoit restée fidèle aux principes qu'elle avoit reçus dans son enfance; et la voix de la religion avoit souvent parlé à son cœur déchiré par l'amour et les remords. Pendant sa faveur, elle avoit constamment dédaigné les hommages d'une cour empressée à lui plaire; et elle avoit toujours préféré la société des hommes vertueux, qui avoient entrevu de bonne heure qu'une âme telle que la sienne n'étoit pas perdue sans retour pour la vertu.

Le maréchal de Bellefonds étoit un de ces hommes dont le caractère et la vertu avoient inspiré le plus d'estime et de respect à madame de La Vallière. Madame de Bellefonds, sa sœur, étoit prieure des carmélites de Paris, et elle devint la confidente de ses peines et de ses pensées *.

Dès 1673, le maréchal avoit mis madame de La Vallière en relation avec Bossuet; et l'on voit par une lettre de celui-ci, en date du 25 décembre 1673, qu'il

* Madame de La Vallière avoit d'abord eu l'intention d'entrer aux capucines; ses relations avec madame de Bellefonds la décidèrent pour les carmélites.

n'avoit pas eu besoin de toute sa pénétration pour démêler les incertitudes et les agitations de cette âme foible et sensible.

« J'ai vu plusieurs fois madame la duchesse de La » Vallière, écrit Bossuet; je la trouve dans de très>> bonnes dispositions, qui, à ce que j'espère, auront » leur effet. Un naturel un peu plus fort que le sien au» roit déjà fait un peu plus de pas. Mais il ne faut point » l'engager à plus qu'elle ne pourroit soutenir. C'est » pourquoi ayant vu qu'on souhaitoit avec ardeur du >> retardement à l'exécution de son dessein jusqu'au » départ de la cour, et que peut-être on pourroit em» ployer l'autorité à quelque chose de plus, si on rom>> poit subitement, j'ai été assez d'avis qu'on assurât le » principal, et qu'on rompit peu à peu des liens qu'une » main plus forte que la sienne auroit brisés tout-à-coup. >> Ce qui me paroît très-bon en elle, c'est qu'elle n'est >> effrayée d'aucune des circonstances de la condition » qu'elle a résolu d'embrasser, et que son dessein s'af>> fermit de jour en jour. Je fais ce que je puis pour en>> tretenir de si saintes dispositions; et si je trouve quel» que occasion d'avancer les choses, je ne la manquerai >> point. >>

Bossuet craignoit qu'on n'employât l'autorité pour arrêter l'exécution des desseins de madame de La Vallière; Louis XIV ne pouvoit consentir à une résolution aussi extraordinaire. Quoiqu'il se fût entièrement détaché d'elle, il souffroit lui-même, en voyant une femme qu'il avoit tendrement aimée, se punir si cruellement du malheur d'avoir partagé sa passion. Peut-être aussi · craignoit-il qu'une expiation si éclatante ne parût une censure amère de la liaison bien plus coupable encore, dont il étaloit alors le scandale aux yeux de toute la

cour.

Mais Bossuet ajoute une circonstance singulière. Madame de La Vallière se vit obligée d'avoir recours à sa rivale même pour obtenir la permission d'aller s'ensevelir dans un cloître. Elle exigea de Bossuet qu'il vît

madame de Montespan, pour écarter tous les obstacles qu'elle paroissoit y apporter. Bossuet peint madame de Montespan en quelques lignes; on croit la voir et l'entendre.

« Madame la duchesse de La Vallière' m'a obligé de » traiter le chapitre de sa vocation avec madame de Montespan. J'ai dit ce que je devois; et j'ai, autant » que j'ai pu, fait connoître le tort qu'on auroit de la >> troubler dans ses bons desseins. On ne se soucie pas » beaucoup de la retraite; mais il semble que les carmé» lites font peur. On a couvert, autant qu'on a pu, cette » résolution d'un grand ridicule. J'espère que la suite en » fera prendre d'autres idées. Le Roi a bien su qu'on » m'avoit parlé. Sa Majesté ne m'en ayant rien dit, je » suis aussi demeuré dans le silence. Je conseille fort à >> madame la duchesse de terminer son affaire au plus » tôt. Elle a beaucoup de peine à parler au Roi, et remet » de jour en jour. M. Colbert, à qui elle s'est adressée » pour le temporel, ne la tirera d'affaire que fort len>>tement, si elle n'agit pas avec un peu plus de vigueur » qu'elle n'a accoutumé. »>

On conçoit sans peine comment Louis XIV évitoit d'entretenir Bossuet sur un pareil sujet. Il pouvoit craindre qu'en lui parlant de madame de La Vallière, Bossuet ne lui parlât de madame de Montespan, ou du moins ne lui fit entendre, par un silence encore plus expressif que des paroles, tout ce qu'il pouvoit lui dire.

On retrouve les mêmes combats de madame de La Vallière dans une autre lettre de Bossuet au maréchal de Bellefonds, en date du 8 février 1674. Ce n'étoit pas qu'elle fût incertaine, ni indécise dans ses résolutions; mais tous ses sentiments doux, foibles et timides ne lui laissoient pas le courage nécessaire pour prendre une résolution forte et hardie.

« J'ai 2 rendu vos lettres à madame la duchesse de La

1 Lettre de Bossuet au maréchal de Bellefonds, 25 décembre 4673, OEuvres de Bossuet, tom. x. Lett. xx.

2 Lettre au maréchal de Bellefonds, tom, x. Lett. XXI,

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