Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

>>

j'espérois. L'assemblée du clergé va se tenir, et non>> seulement on veut que j'en sois, mais encore que je >> fasse le sermon d'ouverture. Il ne me reste qu'un peu d'espérance je pourrai peut-être échapper douze ou quinze jours, si ce sermon se remet, comme on dit, >> au mois de novembre. Quoi qu'il en soit, si je ne puis >> aller prier avec vous, priez du moins pour moi. L'af» faire est importante et digne de vos soins... » Ici Bossuet exprime avec sincérité ses craintes et ses espérances. « Vous savez, dit-il à l'abbé de Rancé, ce que >> c'est que les assemblées, et quel esprit y domine or>> dinairement. Je vois certaines dispositions qui me >> font un peu espérer de celle-ci, mais je n'ose me fier » à mes espérances, et en vérité elles ne sont pas sans >> beaucoup de crainte. Je prie Dieu que je puisse trou» ver le temps de vous aller voir; j'en aurois une joie >> inexprimable.

» De Fontainebleau, septembre 1681. »

Mais il est facile de comprendre comment, dans une circonstance où le gouvernement et le clergé étoient occupés de la discussion la plus délicate et de l'affaire la plus importante, qui se fussent présentées depuis bien des années, on ne crut pas pouvoir permettre à Bossuet de s'éloigner de Paris, même pour peu de jours.

IV.- Tableau historique de l'Eglise gallicane.

L'assemblée de 1682 est l'époque la plus mémorable de l'histoire de l'Eglise gallicane. C'est celle où elle a

main de Bossuet. Il y exprime dans les termes les plus énergiques son profond respect pour le saint Siége.

« Beatissime Pater, en iterùm ad me pulverem et cinerem ab » alta Petri Sede paterna vox omni reverentid gratique animi » significatione prosequenda..... In partem ergo vocandus sollici» tudinis, plenitudinem potestatis omni obsequio venerabor, et » Romanæ matris affixus uberibus, lac certè hauriam parvulis » propinandum. Parisiis, 1 novembris 1681.

» Très-saint Père, une voix paternelle sortie du siége si élevé de >> Pierre, digne de tout mon respect et de toute ma reconnoissance, » se fait encore entendre à moi, qui ne suis que cendre et pous

jeté son plus grand éclat; les principes qu'elle a consacrés ont mis le sceau à cette longue suite de services que l'Eglise de France a rendus à la France. Il peut sans doute être permis à un évêque de ramener avec complaisance ses regards sur un tableau qui rappelle des titres honorables pour le corps dont il est membre *. L'Eglise gallicane, plus ancienne que la monarchie françoise elle-même, avoit adouci les malheurs de l'antique Gaule, dans un temps où, abandonnée à la plus déplorable anarchie, devenue le théâtre des combats que se livroient les compétiteurs à l'empire, exposée aux ravages de vingt nations barbares sortie des forêts de la Germanie, ne pouvant plus être ni protégée ni défendue par les empereurs de Constantinople, elle n'avoit pas même le choix des dominateurs dont elle devoit subir le joug.

Ce fut dans cette terrible crise que les évêques de la Gaule disposèrent leurs concitoyens à se soumettre à l'autorité de Clovis et de sa famille.

Ils prirent assez d'ascendant sur l'esprit de ce chef de guerriers, pour en obtenir des conditions plus supportables qu'on ne devoit peut-être en attendre.

La conversion de Clovis et des plus illustres compagnons de sa victoire fut un nouveau bienfait du clergé pour les Gaulois devenus François. Elle donna aux évêques le droit et le pouvoir de faire entendre les premiers accents de la voix de la religion à des barbares qui ne connoissoient pas même encore celle de la nature et de l'humanité.

Mais que de soins, de zèle et de patience ne leur fallut-il pas pour établir un commencement d'ordre au

» sière.... Appelé à entrer en partage de votre sainte sollicitude, je ré» vérerai très-profondément la plénitude de puissance que Dieu vous a >> confiée, et attaché aux mamelles de l'Eglise romaine, notre mère, » j'y sucerai le lait que je dois distribuer aux petits. »

Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce tableau fidèle des services de l'Eglise gallicane suspendoit peut être trop longtemps la suite du récit historique de la vie de Bossuet. C'est ce qui nous avoit d'abord déterminé à le placer parmi les Pièces justificatives.

milieu du plus épouvantable désordre! Les conquérants n'apportoient avec eux que des lois atroces, le mépris des arts, la haine de toute police, et l'habitude de ne prendre que le glaive pour juge de leurs prétentions et de leurs caprices.

De pareils dominateurs n'étoient pas même en état de comprendre et de goûter les simples maximes de la morale chrétienne, et les sentiments de cette charité fraternelle que Jésus-Christ étoit venu inspirer aux hommes. Pour empêcher ces sauvages armés de se livrer à tous les emportements de leur nature féroce, et de verser à chaque instant des flots de sang, il falloit les faire trembler eux-mêmes au récit des vengeances du ciel contre les hommes injustes et sanguinaires.

Lorsque dans des siècles plus éclairés on a reproché à ces rois de n'être que superstitieux, on a oublié que, loin de pouvoir être de véritables chrétiens, ils n'étoient pas même encore accessibles aux lumières de la raison et aux sentiments de l'humanité.

On leur a reproché les donations dont ils ont comblé les églises; et on n'a pas voulu voir que ces donations furent des bienfaits pour la nation toute entière.

Elles firent renaître les idées de propriété, qui étoient entièrement effacées depuis la conquête des Francs. Elles servirent de modèle et de titre aux propriétés particulières, qui s'établirent successivement; les propriétaires laïques invoquèrent en leur faveur les mêmes lois qui garantissoient les propriétés du clergé. Cette législation nouvelle, qui sortoit tout-à-coup des ruines de l'ancienne constitution des Gaulois, foulée aux pieds de leurs féroces vainqueurs, fut la première base sur laquelle s'éleva le nouvel ordre social.

Les biens donnés aux églises et aux monastères, n'étoient, pour la plupart dans l'origine, que des forêts sans valeur, et des terres incultes et marécageuses. Elles redevinrent, sous la main de leurs patients et économes propriétaires, des sources fécondes de richesses nationales; l'agriculture abandonnée recouvra sa pre

mière faveur par une utile émulation, et on vit la nature reprendre un aspect plus riant sur cette terre heureuse, que la température la plus douce et le ciel le plus propice n'avoient pu défendre de la désolation des Barbares.

Les monuments élevés en l'honneur de la religion offrirent les modèles d'une nouvelle architecture; et comme on l'a vu à toutes les grandes époques de l'histoire, et même à celles de la fable, interprète mensongère des traditions historiques, c'étoient les ministres de la religion qui ramenoient la civilisation et les arts dans cette nouvelle France, comme ils les avoient créés dans les premières sociétés du monde naissant.

Les conciles des évêques servirent de modèles aux assemblées nationales, où l'on commença à faire entendre le langage de la raison et de l'autorité au lieu du bruit des armes. Les règlements qui en émanèrent, donnèrent une police plus régulière à l'ordre politique, comme à l'ordre religieux. Charlemagne, entouré des évêques et des grands de son vaste empire, emprunta des conciles la plupart de ces célèbres Capitulaires qui régirent si longtemps une grande partie de l'Europe.

Ce fut le clergé qui conserva dans tout le midi de la France les principes, les formes et les vestiges du droit romain; et ce fut sur ce modèle qu'on érigea ensuite en lois, les coutumes qui gouvernoient les provinces où le droit romain n'avoit pu se maintenir.

Les formes de la jurisprudence canonique commencèrent à s'introduire dans les tribunaux civils, et en bannirent peu à peu les maximes bizarres et la jurisprudence féroce que les vainqueurs avoient apportées des peuplades de la Germanie.

La religion s'interposa au milieu de la fureur des combats, et obtint, au nom de Dieu, des trèves qu'on auroit refusées au nom de l'humanité.

Déjà la capitale de ce nouvel empire devoit à la charité de son premier pasteur un des plus grands bienfaits de la religion chrétienne; un évêque de Paris bâ

tissoit le premier hôpital que la France ait vu construire, et lui donnoit le nom le plus doux1 à tous les cœurs sensibles et religieux; cette belle institution, dont l'antiquité n'avoit pas même eu l'idée, imitée successivement dans toutes les principales villes du royaume, fut principalement l'ouvrage du zèle et de la charité des évêques.

On ne peut au moins contester que la plus grande partie des revenus des hôpitaux des villes épiscopales, ne fût le produit des legs et des successions des évêques et des membres de leur clergé.

Les maisons des évêques, les cloîtres des églises, et les monastères religieux, devinrent l'asile des sciences et des lettres, bannies du reste de la terre. On Y recueillit tous les monuments de l'esprit humain échappés au naufrage général qui avoit englouti toute la gloire des siècles passés. Ces utiles dépositaires de tant de dépouilles honorables, apprirent à obtenir quelques notions confuses, quelques idées grossières de l'histoire et de la littérature ancienne : ils ne furent pas sans doute des modèles de goût, d'élégance et d'instruction; mais ils étoient encore plus savants que tout ce qui les environnoit; ils étoient même les seuls savants, et le nom de leur profession étoit l'attribut de la science. Ce furent eux qui transmirent à des siècles plus heureux les trésors et les richesses dont l'ingratitude s'est quelquefois servie pour dénaturer leurs intentions et calomnier leurs bienfaits.

Cependant, à la voix des évêques, s'élevoient de toutes parts des établissements pour l'instruction publique. Les cloîtres des chapitres furent son berceau et sa première école. Bientôt elle sortit de ces enceintes trop étroites pour suffire aux nombreux auditeurs attirés par la célébrité des instituteurs. La partie de la ville de Paris alors la plus habitée, fut couverte de colléges; et tous ces colléges ou presque tous, furent fondés et dotés par des évêques. Leurs noms mêmes, déjà ou

'Hôtel-Dieu.

« PreviousContinue »