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» qu'une de nos églises aux droits de régale, mais en>> core lui déclare qu'il se servira de son autorité, si elle »> ne se soumet aux remontrances paternelles qu'il lui » a faites et réitérées sur ce sujet. Nous avons cru, » Sire, qu'il étoit de notre devoir de ne pas garder le si>>lence dans une occasion aussi importante, où nous » souffrons avec une peine extraordinaire que l'on me» nace le fils aîné de l'Eglise et le protecteur de l'Eglise, » comme on a fait en d'autres rencontres, les princes qui ont usurpé ces droits... Nous regardons avec dou>> leur cette procédure extraordinaire, qui bien loin de >> soutenir l'honneur de la religion et la gloire du saint » Siége, seroit capable de les diminuer, et de produire » de très-mauvais effets... Nous sommes si étroitement >> attachés à Votre Majesté, que rien n'est capable de » nous en séparer. Cette protestation pouvant servir à » éluder les vaines entreprises du saint Siége, nous la >> renouvelons à Votre Majesté avec toute la sincérité et >> toute l'affection qui nous est possible; car il est bon » que toute la terre soit informée que nous savons » comme il faut accorder l'amour que nous portons à » la discipline de l'Eglise avec la glorieuse qualité que »> nous voulons conserver à jamais, Sire, de vos très» humbles, et très-obéissants, très-fidèles et très-obli>> gés sujets. >>

Cette lettre, datée du 10 juillet 1680, étoit signée de tous les évêques et de tous les ecclésiastiques députés à l'assemblée.

Mais le 1er janvier 1681, Innocent XI adressa au chapitre de Pamiers, le Siége vacant, un bref dont les dispositions extraordinaires étoient absolument contraires aux maximes reçues en France au sujet des appellations, violoient formellement un des articles les plus importants du concordat, qui avoit été approuvé par le concile de Latran, et tendoient à jeter le trouble dans les consciences en les remplissant de scrupules et d'inquiétudes.

« Par ce bref le Pape non-seulement excommunioit

» d'une excommunication majeure, encourue par le seul » fait, sans autre déclaration, les grands vicaires de » Pamiers établis par le métropolitain, ceux qui les fa» vorisoient, et le métropolitain lui-même, mais il décla»roit encore que toutes les confessions faites ou à faire à » des prêtres qui tiendroient leur mission de ces grands vi» caires, étoient nulles; que les mariages contractés devant » les prêtres ou curés qui n'exerceroient leur ministère qu'en vertu des pouvoirs accordés par ces grands vi» caires, étoient invalides; et que ceux qui auroient con» tracté en cette manière ne seroient point véritablement » mariés, et vivroient dans le concubinage. »

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Cette infraction éclatante de toutes les règles de discipline établies en France du consentement et de l'aveu même du saint Siége, exigeoient des mesures extraordinaires de la part du clergé et de celle du gouvernement. Les agents du clergé demandèrent au Roi dans un mémoire la permission d'assembler les évêques qui se trouvoient alors à Paris.

Cette assemblée tint ses séances dans le courant du mois de mars et de mai 1681.

L'archevêque de Reims (Charles - Maurice le Tellier) y fit un rapport très-étendu sur les sujets de contestation qui venoient de s'élever entre Rome et la France. Il y donnoit les plus justes éloges à la vertu et à la piété d'Innocent XI; mais en même temps il relevoit avec force les vices et les irrégularités des procédures et des jugements du Pape dans l'affaire de Pamiers.

Il fit observer ensuite à l'assemblée 1, « qu'elle pour>> roit peut-être se borner à écrire au Pape, comme » on l'avoit fait en d'autres occasions, une lettre dans >> laquelle on prendroit la liberté de lui représenter que » la matière de la régale ne méritoit pas qu'on portât » les choses si avant; que la chaleur qui paroissoit dans >> ses brefs et l'éclat qu'ils avoient fait, étoient capables » de faire naître des divisions dangereuses, et de com» mettre l'autorité du saint Siége dans une affaire qui 1 Procès-verbal de l'assemblée de 1681.

» par elle-mème n'étoit pas d'une grande conséquence » pour l'Eglise.....

» Mais qu'il étoit à craindre que ces remontrances, » quoique très-justes et très-fondées, ne fussent pas » écoutées comme la voix de toute l'Eglise de France...

>> Qu'en conséquence, il proposoit de demander au >> Roi qu'il lui plût de permettre aux évêques de s'as>> sembler en concile national, ou du moins de convo» quer une assemblée générale de tout le clergé du >> royaume.">>

Les rapports et les conclusions de l'archevêque de Reims furent adoptés, et le procès-verbal de cette assemblée fut signé le 7 mai 1681. Elle étoit composée de quarante-deux évêques parmi lesquels on remarque la signature de Bossuet nommé à l'évêché de Meaux cinq jours auparavant.

Louis XIV se rendit au vou du clergé, mais il ne crut pas devoir adopter la forme d'un concile national, et il préféra de convoquer l'Eglise de France dans une assemblée générale composée de deux évêques et de deux députés du second ordre pour chaque métropole. Il voulut même que les métropolitains des provinces réunies plus récemment à la France, et qui ne faisoient point partie de l'ancien clergé du royaume, eussent leurs représentants dans cette assemblée. Les lettres de convocation, en date du 16 juin 1681, recommandoient expressément aux assemblées métropolitaines de choisir pour députés du second ordre les ecclésiastiques les plus distingués par leur piété, leur savoir, leur expérience, et dont le mérite fût le plus connu dans les provinces. Ce vœu fut parfaitement rempli; et jamais aucune assemblée n'offrit un plus grand nombre d'évêques et d'ecclésiastiques recommandables par leurs vertus et leurs lumières.

Rien n'est peut-être plus propre à donner une juste idée de la sagesse et de la fermeté de Louis XIV, que la conduite qu'il tint dans cette mémorable circonstance, sans s'écarter par une seule fausse démarche

de l'ordre régulier et invariable qu'il s'étoit prescrit. II sut concilier sa dignité, sa puissance et ses justes droits avec le respect le plus inviolable pour la religion, I'Eglise et le saint Siége.

On remarque même avec une espèce d'étonnement, qu'au milieu de la chaleur et de la fermentation des esprits, Louis XIV avoit su imprimer à toutes les parties de son gouvernement une telle habitude d'égards et de bienséance, que les mesures fortes et rigoureuses que les circonstances exigeoient étoient toujours tempérées par les formes et les expressions les plus respectueuses pour le saint Siége, et par les plus grands éloges des vertus et de la piété d'Innocent XI. Le Roi ne voulut même permettre à ces magistrats et à ces tribunaux que ces simples mesures de précaution, dont le seul objet étoit de prévenir tout ce qui auroit pu porter atteinte à la tranquillité de ses états. Jamais peut-être Louis XIV ne se montra ni plus grand, ni plus fort, que lorsqu'il se borna à opposer les maximes de l'Eglise de France à toutes les menaces d'Innocent XI. Ce fut dans son clergé qu'il chercha et qu'il trouva les défenseurs les plus utiles et les plus éclairés des prérogatives de sa

couronne.

VI.- Etat de l'Eglise de France en 1682.

Par un bonheur remarquable, l'Eglise de France réunissoit alors au plus haut degré les vertus, les lumières, les talents, la régularité des mœurs, et cet esprit d'ordre et de soumission qui assurent les succès de la religion, et la paix des empires.

On voyoit au premier rang des évêques dont les noms sont consacrés depuis longtemps par le respect et l'admiration de la postérité, ou dont les vertus moins éclatantes peut-être, mais non moins utiles, ont rendu la mémoire chère et précieuse aux diocèses qu'ils ont gouvernés.

Dans un rang inférieur, on comptoit une multitude d'ecclésiastiques répandus sur toute la France, dont les

uns par leurs écrits, leurs exemples et l'autorité de l'instruction, entretenoient dans toutes les classes de la société l'amour de la religion, le goût de la vertu, le respect des mœurs; et les autres fondoient ou dirigeoient tous les genres d'établissements, que la charité chrétienne a préparés à l'indigence, au malheur et aux infirmités humaines.

Des ordres religieux, des congrégations séculières et régulières se livroient avec autant de zèle que de désintéressement à toutes les parties de l'instruction publique, ou se consacroient à ces recherches profondes et savantes dont les monuments encore subsistants enrichissent toutes les bibliothèques de l'Europe.

Tel étoit le beau spectacle qu'offroit l'Eglise de France à l'époque où s'ouvrit l'assemblée de 1682.

La disposition générale des esprits en France n'étoit pas moins favorable à Louis XIV, que n'étoit fondée la juste confiance que lui inspiroient l'attachement et la fidélité de son clergé.

Malgré des apparences aussi rassurantes, Bossuet n'étoit pas entièrement exempt d'inquiétude; et sa lettre à l'abbé de Rancé le laisse assez apercevoir.

Il observoit que les esprits agités par la chaleur des discussions qui s'étoient élevées sur des discussions d'un bien plus grand intérêt que l'affaire de la régale, pouvoient s'égarer sans le vouloir, et peut-être sans le savoir, par un excès de zèle pour l'Eglise ou pour l'état. Il voyoit dans le ministère des dispositions capables de conduire à des mesures extrêmes qui prépareroient peut-être dans la suite des regrets au gouvernement lui-même. Il voyoit dans le clergé des évêques trèsrecommandables par leurs lumières et leur piété, et dont l'estime et l'amitié lui étoient chères, s'abandonner inconsidérément à des opinions qui pouvoient les conduire bien au delà du but où ils se proposoient euxmêmes de s'arrêter. Il ne se dissimuloit pas que parmi ce grand nombre d'évêques, il en étoit quelques-uns que des ressentiments personnels avoient aigris contre la

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