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duite d'un prince aussi religieux que Louis XIV, et à qui l'Eglise avoit tant d'obligations.

X.- Bref d'Innocent XI à l'assemblée de 1682, du 11 avril.

Le Pape commençoit par dire aux évêques :

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« Nous avons d'abord remarqué 1 que votre lettre >> étoit dictée par les sentiments de crainte dont vous » êtes animés, crainte qui ne permet jamais à des » prètres, lorsqu'elle les domine, d'entreprendre avec » zèle pour le bien de la religion et le maintien de la » liberté ecclésiastique, des choses difficiles et grandes, >> ou de les poursuivre avec constance... Il eût fallu vous >> rappeler les grands exemples de fermeté et de cou» rage que les anciens Pères, ces évêques si saints, vous » ont donnés dans des circonstances semblables pour » vous servir d'instruction, et que tant d'illustres per» sonnages ont imités dans chaque âge...

» Qui d'entre vous a parlé devant le Roi pour une » cause si intéressante, si juste et si sainte...? Quel est >> celui d'entre vous qui est descendu dans l'arène, >> afin de s'opposer comme un mur pour la maison » d'Israël? Qui a eu le courage de s'exposer aux traits » de l'envie? Qui a seulement proféré une parole qui >> ressentît l'ancienne liberté? Comment n'avez-vous >> seulement pas daigné parler pour les intérêts et >> l'honneur de Jésus-Christ?

>> Nous nous abstenons de rapporter ici ce que vous » nous déclarez sur les démarches que vous avez faites >> auprès des magistrats séculiers. Nous désirons que le >> souvenir d'un pareil procédé soit à jamais aboli. >> Nous voulons que vous effaciez ce récit de vos lettres, » de peur qu'il ne subsiste dans les actes du clergé de >> France pour couvrir votre nom d'un opprobre éter>> nel. >>

Le Pape finissoit sa lettre par les paroles que saint Bernard adressoit au pape Eugène III pour lui rappeler la grandeur et l'étendue des obligations que sa haute 1 OEuvres de Bossuet, tom. vi. p. 627 et suiv.

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dignité lui imposoit, et il disoit aux évêques de France : <«< Si ces paroles vous avertissent du respect et de l'o>>béissance que vous devez à ce saint Siége, où Dieu, » quoique indigne, nous fait présider, elles excitent » aussi notre sollicitude pastorale à commencer enfin » de remplir dans cette affaire le devoir de notre » charge, dont une patience peut-être trop longue, >> mais destinée à vous donner le temps de vous repentir, nous a fait jusqu'ici suspendre l'accomplissement. >> Pressés par ces considérations, en vertu de l'au»torité que le Dieu tout-puissant nous a confiée, nous » improuvons, cassons, annulons par ces présentes tout >> ce qui s'est fait dans votre assemblée sur l'affaire de » la régale, ainsi que tout ce qui s'en est ensuivi, et >> tout ce qu'on pourra attenter désormais. Nous décla>> rons qu'on doit regarder tous ces actes comme nuls >> et sans effet; quoiqu'étant par eux-mêmes manifes>>tement vicieux, nous n'eussions pas besoin d'en pro» noncer la nullité. »

Un pareil langage étoit fait pour étonner l'assemblée, mais non pas pour l'intimider. Les résolutions qu'elle avoit prises d'une voix unanime 'dans l'affaire de la régale, étoient si conformes aux principes et aux règles; elles étoient même si avantageuses à l'Eglise, si convenables aux sentiments du respect dû au Roi et à l'intérêt de la tranquillité publique, que la conscience de tant d'évêques recommandables dut se croire exempte de reproche et d'inquiétude. Il étoit bien évident que l'autorité que le Pape s'attribuoit, et le jugement qu'il prononçoit dans une affaire de cette nature, étoient incompatibles avec les maximes reçues de tout temps en France, et reconnues par le saint Siége lui-même.

Sans doute l'appel interjeté par les évêques d'Alet et de Pamiers des ordonnances de leurs métropolitains, donnoit au Pape le droit de nommer des commissaires en France pour statuer sur la validité ou sur la nullité de cet appel, mais non pas celui de juger immédiatement et de son propre mouvement.

D'ailleurs la contestation avoit entièrement changé de nature et d'objet. Il ne s'agissoit plus d'une procédure particulière, dont la marche est rigoureusement tracée par des formes de droit. Une espèce de concordat solennel entre le souverain et tout l'ordre ecclésiastique de son royaume, avoit tari pour jamais la source de toutes ces discussions interminables et sans cesse renaissantes, et ce concordat avoit, dans toute l'étendue de la France, rendu à la juridiction ecclésiastique un droit dont elle étoit privée en grande partie depuis une longue suite de siècles.

L'assemblée de 1682 avoit demandé au Pape son approbation; elle le devoit par un sentiment de respect et pour se conformer à l'esprit des canons : elle pouvoit naturellement espérer que cette approbation seroit le gage le plus sincère du retour et de l'affermissement de la paix entre le Roi et le saint Siége, mais elle n'avoit jamais prétendu faire dépendre la validité de ses délibérations du consentement du Pape.

Enfin le dispositif même du bref annonçoit clairement que le Pape ne connoissoit que très-imparfaitement les concessions importantes que la sagesse du clergé avoit obtenues de la modération de Louis XIV, concessions qui ne laissoient plus de fondement aux griefs que l'on reprochoit à l'exercice illimité du droit de régale.

Le parfait concert qui régnoit entre le gouvernement et le clergé, l'esprit de paix et de soumission qui animoit tous les ordres de l'état, ne laissoient aucune inquiétude sur les résultats du bref d'Innocent XI. L'édit de janvier 1682 sur la régale recevoit déjà paisiblement son exécution; et l'on commençoit même à s'étonner qu'on eût attaché tant d'importance, et donné tant d'éclat à des discussions, qu'un moyen de conciliation aussi simple et aussi facile avoit assoupies en un moment.

Mais l'assemblée se devoit à elle-même de justifier ses résolutions et ses procédés devant ceux de qui elle tenoit ses pouvoirs. Elle voulut montrer qu'elle n'avoit

ni abusé de leur confiance, ni trompé leurs espérances; et elle chargea Bossuet de rédiger une lettre adressée à tous les prélats et à tous les ecclésiastiques du royaume. Cette lettre devoit servir de réponse au bref du Pape, sans paroître blesser le respect qu'on lui portoit; et elle sauvoit l'embarras toujours pénible d'une discussion directe avec un pontife dont l'éminente dignité et les vertus personnelles commandoient les plus grands égards.

Il étoit impossible que Bossuet ne laissât pas percer dans cette lettre une vertueuse sensibilité, en repoussant les accusations si graves qu'un Pape avoit portées au tribunal du public contre l'Eglise d'une grande nation. C'étoit au nom de cette Eglise que Bossuet parloit; et son langage devoit avoir toute la dignité des sentiments qui avoient dirigé l'assemblée, et toute la fermeté qui laisse la conviction de n'avoir fait que ce que la sagesse et la raison donne le droit de faire.

XI.

- Bossuet rédige le projet de la lettre de l'assemblée de 1682, aux évêques de France.

« Nous attestons, écrit Bossuet, le scrutateur des >> cœurs, que nous ne sommes point mus par le res>> sentiment d'aucune injure personnelle '; car, quoi» qu'il nous ait été fort douloureux de voir un excellent >> Pape, aigri contre nous, non-seulement annuler » d'une manière très- infamante pour nous tout ce » que, pressés du désir de procurer la paix, nous avons >> fait dans l'affaire de la régale au grand bien de l'E>>> glise; mais encore nous témoigner qu'il a en horreur >> toutes nos démarches, nous reprendre, comme si la >> crainte et une indigne lâcheté nous eussent portés à >> trahir la liberté de l'Eglise, la discipline hiérarchi» que, le salut même et toute la dignité et l'autorité » de notre ordre; enfin nous accuser d'avoir mis par >> notre conduite la foi même en péril, reproche le >> plus grave qu'on puisse faire à des évêques : toutefois 1 OEuvres de Bossuet, tom. VI. p. 629 et suiv.

»> nous avons souffert d'un esprit tranquille des dis>> cours si mortifiants, parce que nous trouvons notre >> consolation dans ces paroles de l'Apôtre : Le sujet de » notre gloire, c'est le témoignage que nous rend notre >> conscience.

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>> Mais enfin quelle est cette crainte qu'on nous re» proche dès l'entrée du bref apostolique? Oui, nous craignions que la concorde entre le sacerdoce et l'empire étant détruite, la paix de l'Eglise ne fût troublée, et qu'il n'en résultât des maux que nos prédécesseurs, quoique remplis de courage, auroient appréhendés...

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» Que l'on prenne de là occasion de nous blâmer, » comme si nous nous étions laissé énerver par une >>> crainte indigne et hors de saison, et qu'après nous >> eussions tenté d'abattre le courage du pontife romain, >> ce procédé est trop éloigné du caractère d'Inno» cent XI, pour ne pas nous persuader qu'il a suivi des >> impressions étrangères; aussi convient-il de passer lé>> gèrement sur tous ces griefs, et de ne point nous arrè»ter à des propos qui répondent mal à la dignité d'un si >> grand nom, et que nous nous contentions de dé»plorer d'entendre dans un bref apostolique.

» Tout le monde voit clairement par le bref même, » que le conseil du Pape n'a rien tant appréhendé, que >> ce pontife ne vint à connoître la vérité, et ne donnât » la préférence à ceux qui lui proposeroient, dans une » affaire qui n'est pas d'une grande conséquence, des avis » plus justes et plus modérés.

» Malgré le peu d'importance de l'objet dont on dis» pute, qui ne sauroit entrer en comparaison avec ceux » qui ont rapport à la juridiction, et dont nous avons ob» tenu la restitution à l'Eglise, nous nous sommes vus >> contraints d'en examiner la valeur, afin que si l'af>> faire est poussée plus loin, toute l'Eglise comprenne » combien est léger le sujet auquel une si grande contes>>tation, cette violente émotion des esprits, et l'attente » de l'univers chrétien, doivent se rapporter...

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