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de dignité; on peut même lui reprocher de l'avoir chargé d'une érudition qui auroit pu être présentée avec plus d'art et de goût. C'est dans ce genre de mérite qu'excelloit éminemment Bossuet, dont le génie ne se montroit jamais avec plus d'éclat que dans l'emploi des textes de l'Ecriture et des Pères.

C'est ce qu'on remarque d'une manière sensible dans la Déclaration de 1682. Les quatre articles qu'elle proclame, sont presque entièrement composés des propres paroles répandues dans les écrits des Pères de l'Eglise, dans les canons des conciles, et dans les lettres mêmes des souverains pontifes. Tout y respire1 cette gravité antique qui annonce en quelque sorte la majesté des canons faits par l'Esprit de Dieu, et consacrés par le respect général de l'univers *.

Le préambule mérite une attention particulière ; il manifeste clairement l'intention et la pensée de Bossuet. On voit dans quel esprit il a conçu, rédigé et présenté cette célèbre Déclaration. Il est impossible de ne pas y reconnoître que Bossuet s'est également proposé de réprimer ceux qui dégradent l'autorité légitime du saint Siége, et ceux qui l'exagèrent à un degré incompatible avec les maximes de la religion et avec les principes de la soumission due aux puissances de la terre. Cette Déclaration est connue de tout le monde; il est peu d'actes ecclésiastiques qui aient eu autant de solennité et obtenu autant d'autorité. Mais c'est surtout dans la vie de Bossuet qu'elle doit être inscrite comme le plus beau monument de son histoire.

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1 Dans le texte latin.

Canones Spiritu Dei conditos, et totius mundi reverentiâ consecratos.

CLERI GALLICANI DECLARATIO DE ECCLESIASTICA

POTESTATE.

Die 19 martii 1682.

« Ecclesiæ Gallicana decreta et libertates à majoribus » nostris tanto studio propugnatas, earumque fundamenta » sacris canonibus et Patrum traditione nixa, multi di» ruere moliuntur; nec desunt qui earum obtentu prima» tum beati Petri, ejusque successorum Romanorum Pon»tificum à Christo institutum, iisque debitam ab omnibus >> Christianis obedientiam, Sedisque apostolicæ, in quâ » fides prædicatur, et unitas servatur Ecclesiæ, reveren» dam omnibus gentibus majestatem imminuere non ve» reantur. Hæretici quoque nihil prætermittunt, quo eam » potestatem, quá pax Ecclesiæ continetur, invidiosam et » gravem regibus et populis ostentent, iisque fraudibus » simplices animas ab Ecclesiæ matris Christique adeò » communione dissocient. Quæ ut incommoda propulsemus, » nos archiepiscopi et episcopi Parisiis mandato regio con» gregati, Ecclesiam gallicanam repræsentantes unà cum

DÉCLARATION DU CLERGÉ DE FRANCE SUR LA PUISSANCE ECCLÉSIASTIQUE.

Du 19 mars 1682.

<< Plusieurs s'efforcent de renverser les décrets de l'Eglise >> gallicane, ses libertés qu'ont soutenues avec tant de zèle nos >> ancêtres, et leurs fondements appuyés sur les saints canons >> et sur la tradition des Pères. Il en est aussi qui, sous le >> prétexte de ces libertés, ne craignent pas de porter atteinte » à la primauté de saint Pierre et des pontifes romains ses >> successeurs, instituée par Jésus-Christ, à l'obéissance qui >> leur est due par tous les chrétiens, et à la majesté si véné>> rable aux yeux de toutes les nations du Siége apostolique où » s'enseigne la foi et se conserve l'unité de l'Eglise. Les héré»tiques, d'autre part, n'omettent rien pour présenter cette >> puissance qui renferme la paix de l'Eglise, comme insuppor>> table aux rois et aux peuples, et pour séparer par cet arti>> fice les âmes simples de la communion de l'Eglise et de » Jésus-Christ. C'est dans le dessein de remédier à de tels in

» cæteris ecclesiasticis viris nobiscum deputatis, diligenti » tractatu habito, hæc sancienda et declaranda esse du» ximus.

I.

» Primum beato Petro ejusque successoribus, Christi » vicariis ipsique Ecclesiæ rerum spiritualium et ad æter»> nam salutem pertinentium, non autem civilium, ac » temporalium à Deo traditam potestatem, dicente Domino >> REGNUM MEUM NON EST DE HOC MUNDO; et iterum, RED>> DITE ERGÒ QUÆ SUNT CÆSARIS Cæsari, et quæ sunt Dei » DEO : ac proindè stare apostolicum illud: OMNIS ANIMA >> POTESTATIBUS SUBLIMIORIBUS SUBDITA SIT, NON EST ENIM >> POTESTAS NISI A DEO: QUÆ AUTEM SUNT, A DEO ORDINATA >> SUNT; ITAQUE QUI POTESTATI RESISTIT, DEI ORDINATIONI >> RESISTIT. Reges ergò et principes in temporalibus nulli

» convénients, que nous, archevêques et évêques assemblés à >> Paris par ordre du Roi, avec les autres députés, qui repré>> sentons l'Eglise gallicane, avons jugé convenable, après une >> mûre délibération, d'établir et de déclarer:

I.

>> Que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus>> Christ, et que toute l'Eglise même n'ont reçu de puissance >> de Dieu que sur les choses spirituelles, et qui concernent le >> salut; et non point sur les choses temporelles et civiles; >> Jésus-Christ nous apprenant lui-même que son royaume » n'est point de ce monde, et en un autre endroit, qu'il faut » rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à » Dieu, et qu'ainsi ce précepte de l'apôtre saint Paul ne peut » en rien être altéré ou ébranlé: que toute personne soit sou» mise aux puissances supérieures; car il n'y a point de puis» sance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui ordonne celles qui » sont sur la terre; celui donc qui s'oppose aux puissances, » résiste à l'ordre de Dieu. Nous déclarons en conséquence » que les rois et les souverains ne sont soumis à aucune puis»sance ecclésiastique par l'ordre de Dieu dans les choses >> temporelles ; qu'ils ne peuvent être déposés directement ni » indirectement par l'autorité des clefs de l'Eglise ; que leurs

» Ecclesiasticæ potestati Dei ordinatione subjici, neque auc»toritate clavium Ecclesiæ directè vel indirectè deponi, » aut illorum subditos eximi à fide atque obedientiâ, ac » præstito fidelitatis sacramento solvi posse; eamque sen» tentiam, publicæ tranquillitati necessariam, nec minus » Ecclesiæ quàm imperio utilem, ut verbo Dei, Patrum » traditioni et sanctorum exemplis consonam, omninò re»tinendam.

II.

» Sic autem inesse apostolicæ Sedi ac Petri successoribus » Christi vicariis rerum spiritualium plenam potestatem, » ut simul valeant atque immota consistant sanctœ œcu» menicæ synodi Constantiensis à Sede apostolica compro» bata, ipsoque romanorum pontificum ac totius Ecclesiæ » usu confirmata, atque ab Ecclesiá gallicanâ perpetuâ » religione custodita decreta de auctoritate conciliorum ge»neralium, quæ sessione quartâ et quintá continentur, » nec probari à gallicanâ Ecclesiá, qui eorum decretorum, » quasi dubiæ sint auctoritatis ac minùs approbata, robur

>> sujets ne peuvent être dispensés de la soumission et de l'o>>béissance qu'ils leur doivent, ou absous du serment de fidé»lité, et que cette doctrine, nécessaire pour la tranquillité >> publique et non moins avantageuse à l'Eglise qu'à l'état, doit >> être inviolablement suivie comme conforme à la parole de » Dieu, à la tradition des saints Pères et aux exemples des >> saints.

II.

» Que la plénitude de puissance que le saint Siége aposto>>lique et les successeurs de saint Pierre, vicaires de Jésus» Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle que les décrets >> du saint concile œcuménique de Constance, dans les ses»sions IV et V, approuvés par le saint Siége apostolique, con>> firmés par la pratique de toute l'Eglise et des pontifes ro>> mains, et observés religieusement dans tous les temps par >> l'Eglise gallicane, demeurent dans toute leur force et vertu, >> et que l'Eglise de France n'approuve pas l'opinion de ceux >> qui donnent atteinte à ces décrets, ou qui les affoiblissent >> en disant que leur autorité n'est pas bien établie, qu'ils ne

» infringant, aut ad solum schismatis tempus concilii dicta » detorqueant.

III.

» Hinc apostolicæ potestatis usum moderandum per » canones Spiritu Dei conditos et totius mundi reverentia >> consecratos: valere etiam regulas, mores, et instituta à » regno et Ecclesia gallicanâ recepta, Patrumque terminos » manere inconcussos; atque id pertinere ad amplitudinem apostolicæ Sedis, ut statuta et consuetudines tantæ sedis » et ecclesiarum consensione firmata, propriam stabilita» tem obtineant.

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IV.

» In fidei quoque quæstionibus, præcipuas summi Pon»tificis esse partes, ejusque decreta ad omnes et singulas » ecclesias pertinere, nec tamen irreformabile esse judi» cium, nisi Ecclesiæ consensus accesserit.

» Quæ accepta à Patribus ad omnes Ecclesias gallicanas

» sont point approuvés, ou qu'ils ne regardent que le temps >> du schisme.

III.

» Qu'ainsi l'usage de la puissance apostolique doit être réglé >> suivant les canons faits par l'Esprit de Dieu et consacré par » le respect général; que les règles, les mœurs et les consti>>tutions reçues dans le royaume doivent être maintenues, et >> les bornes posées par nos pères demeurer inébranlables; qu'il » est même de la grandeur du saint Siége apostolique que les >> lois et coutumes établies du consentement de ce Siége respec» table et des églises, subsistent invariablement.

IV.

» Que, quoique le Pape ait la principale part dans les >> questions de foi, et que ses décrets regardent toutes les églises, >> et chaque église en particulier, son jugement n'est pourtant » pas irréformable, à moins que le consentement de l'Eglise >> n'intervienne.

>> Nous avons arrêté d'envoyer à toutes les églises de France » ̧et aux évêques qui y président par l'autorité du Saint-Esprit,

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