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>> Les termes de cette lettre étoient ménagés de ma» nière qu'elle ne pouvoit être considérée que comme » un témoignage de la douleur que ces évêques avoient >> ressentie en apprenant les préventions où le Pape » étoit entré à leur égard, à l'occasion de ce qui s'étoit >> passé dans l'assemblée tenue à Paris en 1682. Ils n'a>> vouoient pas que ces préventions fussent bien fon» dées, et ils se bornoient à marquer que tout ce qui » avoit pu être censé décrété sur la puissance ecclésias»tique dans ladite assemblée, devoit être tenu pour » non décrété, et qu'ils le tenoient pour tel; que de » plus, ils tenoient pour non délibéré tout ce qui avoit >> pu être censé y avoir été délibéré au préjudice des » droits des églises, leur intention n'ayant pas été de >> faire aucun décret, ni de porter préjudice aux autres » églises.

>> Le roi avoit bien voulu, dès le commencement du » nouveau pontificat, suspendre les ordres qu'il avoit » donnés en 1682 dans toutes les écoles du royaume, >> de n'enseigner et de ne soutenir sur la puissance spi>> rituelle et temporelle des papes, que la doctrine con» tenue dans les quatre propositions établies dans l'as» semblée du clergé, Sa Majesté laissant à cet égard >> une entière liberté, de même que sur plusieurs autres >> questions qui ne touchent point à la foi, et que l'on » abandonne à la dispute des écoles.

» Dans le même temps que les évêques, qui atten>> doient des bulles, écrivirent au Pape la lettre dont on » étoit convenu, le roi lui écrivit de sa main, le 14 >> septembre 1693, la lettre suivante. »

XXII.- Lettre de Louis XIV à Innocent XII.

<< Très-saint Père, j'ai toujours beaucoup espéré de » l'exaltation de votre Sainteté au pontificat pour les >> avantages de l'Eglise, et de l'avancement de notre » sainte religion. J'en éprouve présentement les effets

» avec bien de la joie dans tout ce que sa Béatitude fait » de grand et d'avantageux pour le bien de l'un et de » l'autre. Cela redouble en moi mon respect filial en» vers votre Béatitude. Comme je cherche de lui faire >> connoître par les plus fortes preuves que j'en puis » donner, je suis bien aise aussi de faire savoir à votre >>Sainteté que j'ai donné les ordres nécessaires pour » que les choses contenues dans mon édit du 22 mars » 1682, touchant la déclaration faite par le clergé de » France, à qui les conjonctures passées m'avoient » obligé, ne soient pas observées; et que, désirant que >> non-seulement votre Sainteté soit informée de mes >> sentiments, mais encore que tout le monde con»> noisse par une marque particulière la vénération que » j'ai pour ses grandes et saintes qualités, je ne doute » pas que votre Béatitude n'y réponde par toutes les >> preuves et démonstrations envers moi de son affection >> paternelle. Je prie Dieu cependant qu'il conserve votre >> Sainteté plusieurs années au régime et gouvernement » de son Eglise. Ecrit à Versailles, le 14 septembre >> 1695. »

Quelques expressions de cette lettre pourroient faire supposer que Louis XIV consentoit à renoncer à la doctrine constante de l'Eglise de France, dont les quatre Articles n'offroient qu'une déclaration plus précise et plus solennelle *. Ce seroit bien mal juger ses principes

Il paroit que la lettre de Louis XIV et celle des évêques au pape Innocent XII avoient induit en erreur quelques ecclésiastiques, qui se persuadoient que le Roi et l'Eglise de France avoient abandonné les sentiments exposés dans la Déclaration de 1662. Ils paroissoient même se repentir d'avoir professé des opinions qu'on supposoit désavouées et rétractées par ces deux lettres.

C'est ce qu'il est facile d'observer dans une réponse de M. Tronson, supérieur général de Saint-Sulpice, à M. Balsa, directeur du séminaire de Clermont.

Nous avons assez fait connoltre, dans l'Histoire de Fénelon, l'admirable sagesse avec laquelle M. Tronson savoit unir dans toutes les circonstances et sur toutes les questions, l'exactitude des principes à la plus éminente piété. Cette réponse de M. Tronson à M. Balsa en offre un nouveau témoignage aussi honorable pour lui que pour la

et ses intentions. Il les a manifestés lui-même avec autant d'énergie que d'exactitude, dans sa lettre du 7 juillet 1713 au cardinal de la Trémoille.

« Le pape 1 Clément XI, successeur d'Innocent XII, >> avoit cru pouvoir se prévaloir de cette lettre de Louis >> XIV et de celle que les évêques nommés avoient » écrite en 1693 pour obtenir leurs bulles : et il préten>> doit la faire regarder comme une obligation de la >> part du roi, d'empêcher qu'on ne soutint dans son » royaume les propositions de l'assemblée de 1682.

» L'abbé de Saint-Aignan, que le roi venoit de nom» mer à l'évêché de Beauvais, avoit soutenu, en 1705, >> ces mêmes propositions dans une thèse publique; et >> le Pape fit entendre qu'il ne pouvoit lui donner des >> bulles, s'il ne se portoit auparavant à rétracter ces >> propositions.

» Mais Louis XIV jugea qu'il ne pouvoit faire parler >> au Pape avec trop de force pour lui faire envisager >> les suites fâcheuses qui pourroient résulter d'un pa>> reil refus, et il en écrit en ces termes, le 7 juillet » 1713, au cardinal de la Trémoille, chargé de ses af>>faires à Rome. >>

congrégation dont il étoit le chef, et dont il attestoit les sentiments et les règles de conduite.

Paris, 13 janvier 1694.

« Ce que le clergé de France, ou plutôt quelques évêques, ont té» moigné au Pape, dans la lettre qu'ils lui ont écrite, ne doit vous >> donner aucun scrupule sur ce que vous avez fait. Qu'y a-t-il de » plus juste, que des enfants qui ont déplu à leur père lui en témoi»gnent du regret? Tout ce qu'ils disent ne touche point la vérité des » propositions, et laisse les choses dans l'état où elles étoient avant la » déclaration du roi et les propositions du clergé. Vous avez eu assez » de fondement et de raison pour agir comme vous avez fait. Ainsi ne » songez plus au passé, et pour l'avenir, arrêtez-vous aux senti>>ments communs que l'on enseignoit ordinairement en Sorbonne. »

Il est assez remarquable que M. Tronson exprimoit dès 1694, et presque dans les mêmes termes, l'opinion que Bossuet a développée depuis, avec autant d'érudition que d'étendue, dans le célèbre ouvrage où il a défendu la Déclaration de 1682, comme l'expression de la doctrine constante et immémoriale de la faculté de théologie de Paris. 1 Mémoires du chancelier d'Aguesseau, tom. XIII. pag. 424.

XXIII.-Lettre de Louis XIV au cardinal de la Trémoille: 7 juillet 1713.

<< On ne trouvera pas que depuis l'accommodement » que je fis en 1693 avec le pape Innocent XII, il y ait >> eu la moindre difficulté à l'expédition des bulles d'au>> cun de ceux qui ont soutenu dans leurs thèses les >> propositions conformes aux maximes de l'Eglise de >> France.....

>> Le pape Innocent XII et son successeur, qui gou>> verne aujourd'hui si saintement l'Eglise de Jésus>> Christ, ont compris tous deux qu'il étoit de leur sa» gesse de ne pas attaquer en France des maximes que >> l'on y regarde comme fondamentales, que l'on y suit » comme celles de l'Eglise primitive, et que l'Eglise >> gallicane a conservées inviolablement sans y souffrir » aucune altération pendant le cours de tant de siècles.

>> Ils ont aussi jugé qu'il étoit de leur équité d'ob>> server exactement le concordat. Suivant sa disposi» tion, il faudroit que les sujets que je nomme aux >> bénéfices, fussent convaincus d'hérésie, pour donner >> au Pape une juste raison de leur refuser des bulles : >> et sa Sainteté est trop éclairée pour entreprendre de » déclarer hérétiques les maximes que suit l'Eglise de >> France.

» Le pape Innocent XII ne me demanda pas de les » abandonner, lorsque je terminai avec lui les diffé>> rends commencés sous le pontificat d'Innocent XI; il >> savoit que cette demande seroit inutile; et le Pape >> actuel, qui étoit alors un de ses principaux ministres, >> sait mieux que personne que l'engagement que j'ai >> pris se réduisoit à ne pas faire exécuter l'édit de 1682.

>> On lui a supposé, contre la vérité, que j'ai contre>> venu à l'engagement pris par la lettre que j'écrivis à » son prédécesseur; car je n'ai obligé personne à sou>> tenir contre sa propre opinion les propositions du » clergé de France. Mais il n'est pas juste que j'em>> pêche mes sujets de dire et de soutenir leurs senti

>>ments sur une matière qu'il est libre de soutenir de » part et d'autre, comme plusieurs autres questions de >> théologie, sans donner la moindre atteinte à aucun >> des articles de foi.

>> Sa Sainteté n'est donc pas fondée à se plaindre que >> je manque aux engagements que j'ai pris avec son >> prédécesseur; mais j'aurois moi-même de trop justes » sujets de me plaindre qu'elle ne satisferoit pas aux >> concordats faits entre le saint Siége et ma couronne, >> si elle persistoit à refuser des bulles à un sujet dont » la doctrine ne peut être reprise. Je ne puis sans peine >> envisager les suites d'un semblable refus, et je m'as>> sure qu'un Pape aussi plein de zèle et de lumière en » sera lui-même assez frappé pour se désister d'une >> prétention toute nouvelle, et sur laquelle je ne puis >> admettre aucun expédient. »

Le chancelier d'Aguesseau ajoute « que la lecture de » cette dépêche détermina le Pape à donner les bulles » de l'évêché de Beauvais à l'abbé de Saint-Aignan, » sans exiger de lui aucun désaveu, ni aucune satis>> faction des propositions de l'assemblée du clergé de >> 1682 *. »

Quoi qu'il en soit, « la lettre de Louis XIV à Inno» cent XII fut le sceau de l'accommodement entre la >> cour de Rome et le clergé de France. » Les notes manuscrites de l'abbé Fleury nous apprennent que trois projets de la lettre des évêques au Pape furent présentés et soumis à l'examen des archevêques de Paris, de Reims, du coadjuteur de Rouen (Colbert), et de Bossuet. Un de ces projets fut adopté, et ce fut, à peu de chose près, celui que Bossuet avoit approuvé et corrigé.

Ce ne fut cependant qu'au mois de septembre suivant que Clément XI accorda ces bulles. Nous avons rapporté dans l'Histoire de Fénelon une lettre très-forte, qu'il écrivit au sujet de cette affaire, et qui fut mise sous les yeux du Pape. Il paroit qu'elle ne contribua pas peu à fixer les irrésolutions de Clément XI, et à prévenir les suites fàcheuses d'un refus qu'il auroit été difficile à la cour de Rome d'ap puyer de motifs raisonnables.

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