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HARVARD
UNIVERSITY
LIBRARY

JAN 441.04

DE BOSSUET.

AVERTISSEMENT

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Je donne l'Histoire de Bossuet telle que je l'avois écrite il y a près de deux ans

Je n'y ai rien changé, je n'y ai rien ajouté, je n'en ai rien retranché.

J'avoue que j'ai eu besoin de faire effort sur moi-même pour résister à la satisfaction si douce de montrer les descendants de Louis XIV, dispersés par les orages et les tempêtes qui avoient renversé son trône, apparoissant tout-à-coup sur tous les points de la France, pour la reconquérir par la clémence et la bonté, sans faire couler d'autres larmes que celles de l'amour et de l'attendrissement.

A la vue du spectacle de tous ces trônes tombant les uns sur les autres avec un fracas effroyable, et se relevant tous en un même jour, sans la prévoyance d'aucune sagesse humaine, je me suis représenté Bossuet, les yeux fixés sur la Providence, ajoutant quelques pages à son Discours sur l'Histoire universelle, et quelques coups de pinceau à son magnifique tableau de Charles Ier et de Henriette de France.

Mais j'ai cru devoir rester fidèle à mon premier plan. Je n'ai vu, je n'ai voulu voir que Bossuet et son siècle.

Je dois rendre compte des secours que j'ai trouvés pour donner à l'Histoire de Bossuet la confiance et l'autorité que réclame un si grand nom.

Tous ses manuscrits ont été mis à ma disposition; je n'y ai rien trouvé d'important qui ne fût déjà connu par les diffé

La première édition parut au mois de novembre 1814.

rentes éditions qu'on a données de ses ouvrages. Mais on sent avec quel respect religieux un historien de Bossuet a dû porter ses regards et son intérêt sur des papiers qui ont reçu de sa main la première empreinte de ses pensées et de son génie. Les manuscrits de l'abbé Ledieu m'ont fait connoître un grand nombre de faits et de détails ignorés jusqu'à présent. L'abbé Ledieu est moins recommandable par le mérite ou l'agrément du style, que par sa profonde vénération pour Bossuet, et par la fidélité scrupuleuse, souvent même minutieuse, de ses récits. Il a été pendant vingt ans son secrétaire (depuis 1684 jusqu'en 1704); et il est à regretter qu'il ait eu si tard l'idée d'écrire jour par jour tout ce que faisoit, tout ce que disoit ce grand homme. Son Journal ne commence qu'à la fin de 1699, et conduit jusqu'à sa mort en 1704; ce qui ne comprend guère que quatre ans et demi de la vie de Bossuet. Mais comme l'abbé Ledieu rend compte de tout ce qu'il lui entendoit dire, et qu'il arrive souvent que dans la conversation on revient sur des détails et sur des faits antérieurs, ce journal offre un grand nombre d'anecdotes qui se rapportent à toutes les époques de la vie de Bossuet.

D'ailleurs l'abbé Ledieu a laissé plusieurs mémoires et beaucoup de pièces détachées, qui m'ont été extrêmement utiles pour mon travail.

Malgré les imperfections de style de ces mémoires, mêlés souvent d'expressions et de réflexions très-communes, j'ai cru devoir, aussitôt qu'il est question de quelque fait curieux ou important, rapporter ce qu'il a écrit comme il l'a écrit. J'aurois craint d'altérer la confiance due à son témoignage, en me permettant de donner une expression plus correcte à ses récits.

HISTOIRE DE BOSSUET. LIVRE PREMIER. 3

LIVRE PREMIER.

DES PREMIÈRES ANNÉES DE BOSSUET.

Le dix-septième siècle a vu un homme' « qui a fait » parler longtemps une envieuse critique, et qui l'a » fait taire; qui accable par le grand nombre et par >> l'éminence de ses talents; orateur, historien, théo>>logien, philosophe; d'une rare érudition, d'une plus >> rare éloquence......... » Un homme 2 « à qui il n'a manqué que d'être né dans les premiers temps, pour avoir » été la lumière des conciles, l'âme des Pères assem→ » blés, dicté des canons, et présidé à Nicée et à Ephèse. »> Cet homme est BOSSUET. L'admiration de ses contemporains lui décerna, de son vivant même, le titre de Père de l'Eglise; et ses contemporains ont parlé d'avance le langage de la postérité.

I. Naissance de Bossuet. 1627.

JACQUES-BENIGNE BOSSUET naquit à Dijon, dans la nuit du 27 au 28 septembre 1627, de Bénigne Bossuet et de Madeleine Mochette. Il fut baptisé le surlendemain 29, dans l'église paroissiale de Saint-Jean de la même ville.

De dix enfants qu'eut son père, dont six garçons et quatre filles, Bossuet fut le septième dans l'ordre de la naissance, et le cinquième des mâles.

Nous avons sous les yeux des Notes manuscrites du grand-père et du père de Bossuet. A l'exemple des chefs de famille de ces temps anciens, ils consignoient, avec une sorte de religion, dans un registre particulier, tous les événements domestiques qui intéressoient leurs affections les plus chères. Les Notes de l'aïeul de Bossuet sont écrites en latin depuis 1565 jusqu'en 1632.

2

1 Discours de la Bruyère à l'Académie françoise. — 2 Massillon, Oraison funèbre du premier Dauphin.

On y trouve la date de la naissance de ses enfants et de ses petits enfants. Mais ce que l'on y observe surtout, c'est le sentiment religieux qui le porte sans cesse à bénir la Providence des faveurs qu'il en recevoit, ou à se soumettre avec une pieuse résignation à sa volonté, lorsqu'elle l'affligeoit par des malheurs qui coûtoient des larmes à sa tendresse paternelle. L'époque de la naissance de chacun de ses enfants ou de ses petits enfants, est toujours accompagnée de quelques paroles de piété, qui expriment une touchante sensibilité. Quelquefois, il s'efforce de présager, au moins par ses vœux, la destinée qui les attend dans la suite de leur vie. Il en est qu'on ne peut lire sans cette espèce d'attendrissement que font toujours éprouver les sentiments les plus doux de la nature, ennoblis et épurés par la religion. Nous nous bornerons à rapporter les paroles dont il a voulu marquer le jour de la naissance du grand BOSSUET, son petit-fils, sous la date du 27 septembre 1627 : « Circumduxit eum, et docuit, et custodi– » vit quasi pupillam oculi *.

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Les registres domestiques du père de Bossuet sont écrits en françois, et respirent les mêmes sentiments de religion et de piété.

Telle fut la source pure et respectable où Bossuet puisa, avec la vie, les principes de religion héréditaires dans sa famille.

II. Origine de la famille de Bossuet.

Elle étoit originaire de la petite ville de Seurre en Bourgogne **.

«Le Seigneur a daigné lui servir de guide; il l'a conduit par di» vers chemins; il l'a instruit de sa loi; il l'a conservé comme la pru>> nelle de son œil. » Deuteronome, chap. XXXI. ỳ. 40.

Quelques écrivains ont supposé qu'elle étoit originaire d'Auxonne. Cette méprise est venue de ce qu'André Bossuet, second fils d'Antoine, se fixa à Auxonne par un mariage qu'il y contracta, et par une charge de finances qu'il recueillit de son beau-père. Mais cette branche s'éteignit dès la seconde génération, comme nous aurons occasion de le rapporter.

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