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QUOTITÉ DISPONIBLE; DROIT DE RETOUR LÉGAL.

successibles, la quotité disponible que la religieuse peut librement transmettre, soit à une autre religieuse du même ordre, soit à la congrégation elle-même ou à l'un de ses établissements. Ce texte a abrogé l'interdiction plus restrictive de l'article 10 du décret du 18 février 1809, relatif aux sœurs hospitalières. Toute disposition excédant cette quotité disponible est simplement réductible; la religieuse peut dans cette limite faire une libéralité universelle ou à titre universel à une autre religieuse (c. cass. 2 décembre 4845, S. 46, 4, 26), mais non à la congrégation, à peine de nullité (L. 1825, art. 4 3 4). Toutes ces prescriptions sont étrangères aux congrégations non autorisées (c. cass. 15 mai 1856, S. 57, 4, 497), que la loi ne reconnaît pas.

Nulle personne faisant partie d'un établissement autorisé ne pourra disposer, par actre entre vifs ou par testament, soit en faveur de cet établissement, soit au profit de l'un de ses membres, au delà du quart de ses biens, à moins que le don ou legs n'excède pas la somme de dix mille francs. Cette prohibition cessera d'avoir son effet relativement aux membres de l'établissement, si li légataire ou donataire était héritière en ligne directe de la testatrice ou donatrice. Le présent article ne recevra son exécution, pour les communautés déjà autorisées, que six mois après la publication de la présente loi; et pour celles qui seraient autorisées à l'avenir, six mois après l'autorisation accordée (Loi du 24 mai 1825, art. 5).

4545. L'article 7 de la loi de 1825 ouvre un droit de retour légal, étranger aux règles de l'article 747 du Code civil [n° 4580), et fait une attribution spéciale de succession, sans lesquels l'État seul serait devenu propriétaire des biens de la communauté anéantie, en vertu des articles 539 et 713 du Code civil [no 1337].

En cas d'extinction d'une congrégation ou maison religieuse de femmes, ou de révocation de l'autorisation qui lui aurait été accordée, les biens acquis par donation entre vifs ou par disposition à cause de mort feront retour aux donateurs ou à leurs parents au degré successible, ainsi qu'à ceux des testateurs au même degré. Quant aux biens qui ne feraient pas retour, ou qui auraient été acquis à titre onéreux, ils seront attribués et répartis moitié aux établissements ecclésiastiques, moitié aux hospices des départements dans lesquels seraient situés les établissements éteints. La transmission sera opérée avec les charges et obligations imposées aux précédents possesseurs. Dans le cas de révocation prévu par le premier paragraphe, les membres de la congrégation ou maison religieuse de femmes auront droit à une pension alimentaire qui sera prélevée: 1° sur les biens acquis à titre onéreux; 2o subsidiairement sur les biens acquis à titre gratuit, lesquels, dans ce cas, ne feront retour aux familles des donateurs ou testateurs qu'après l'extinction desdites pensions (Loi du 24 mai 1825, art. 7).

1546. La loi du 24 mai 1825 n'est pas applicable aux congréga

CONGREGATIONS RELIGIEUSES D'HOMMES.

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tions religieuses d'hommes. Il n'y a d'exception à la prohibition de 1790, en ce qui concerne ces sortes de congrégations, que relativement à quelques-unes d'entre elles, en très-petit nombre, vouées à l'enseignement populaire et qui ont subi le contrôle de l'autorité publique. C'est ainsi qu'une application de cette exception fut faite sous l'Empire en 1808 [voir au no 4538] au profit des Frères des Écoles chrétiennes; une autre [comme il est dit no 4538 et rappelé plus loin] avait été déjà faite en l'an XII au profit des Lazaristes. Le gouvernement de la Restauration n'a pu généraliser ces exceptions par l'article 36 de l'ordonnance du 29 février 1846, ainsi conçu Toute association religieuse et charitable, telle ⚫ que celle des Écoles chrétiennes, pourra être admise à fournir, » à des conditions convenues, des maîtres aux communes qui en » demanderont, pourvu que l'association soit autorisée par nous » et que ses règlements et les méthodes qu'elle emploie aient › été approuvés par notre commission de l'instruction publique ». A cette situation se réfère l'article 31 de la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement, disposant que les écoles primaires communales sont dirigées soit par des instituteurs ou des institutrices laïques, soit par des instituteurs ou institutrices appartenant à des associations religieuses ou charitables vouées à l'enseignement et autorisées par la loi ou reconnues comme établissements d'utilité publique. L'article 79 de la même loi emploie les mêmes expressions pour dispenser du service militaire les membres ou novices desdites congrégations. Il en est de même de la loi du 27 juillet 1872, art. 20 § 5 [no 491]. Au cours de la discussion de la loi de 1850, M. de Falloux, ministre de l'instruction publique, sur l'interpellation d'un membre de l'assemblée qui demandait quels étaient ces établissements, a fourni les explications suivantes : « Il » y a deux espèces d'associations qui se livrent à l'enseignement » primaire. Il y en a une, celle des Frères des Écoles chrétiennes, » qui est reconnue par la loi ou du moins par le décret de 1808 » (décret du 17 mars 1808 sur l'organisation de l'Université); il y › a d'autres associations qui ne sont pas reconnues comme con» grégations enseignantes, mais comme établissements d'utilité publique. Je n'en ai pas ici l'énumération, mais ce sont des au»torisations qui ont été accordées sous bonnes garanties avec » l'avis du conseil d'État; c'est le fait actuel qui est maintenu... » Ainsi la loi de 1850 ne résout pas la question de savoir à quelle condition est subordonnée l'existence légale d'une congrégation religieuse d'hommes; et la loi du 12 juillet 1875 sur la liberté

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LOI DU 2 JANVIER 1817; STATISTIQUE.

de l'enseignement supérieur n'a pas changé cette situation [no 1579].

La cour de cassation décide que, depuis la loi du 2 janvier 1817, un acte législatif est indispensable pour constituer légalement une communauté religieuse d'hommes et lui donner le droit d'acquérir. Elle juge aussi qu'il en était autrement depuis l'an X jusqu'en 1817, sous l'empire du décret-loi du 3 messidor an XII: de sorte qu'un décret du 7 prairial an XII a pu constituer légalement la congrégation religieuse des Lazaristes et lui conférer la capacité de recevoir des dons et legs (ch. civ. 19 décembre 1864, héritiers Daudé c. Étienne, S. 65, 1, 18).

La statistique de 1877, ci-dessus analysée pour les congrégations religieuses de femmes [n° 1540], constate 32 congrégations et communautés religieuses d'hommes autorisées, comprenant 22,843 membres, et qui se subdivisent ainsi : 4° 5 congrégations, ayant 445 établissements en France et dans les colonies et 109 à l'étranger, avec un personnel de 2,448 membres; 2° 4 communautés ayant toutes leur siége en Savoie, et ne comprenant que 84 membres; et 3° 23 associations exclusivement vouées à l'enseignement et autorisées, avec un personnel de 20,344 membres; la plus importante est l'association des Frères des Ecoles chrétiennes déjà citée [no 4538], et qui figure dans le chiffre ci-dessus pour un personnel de 9,818 membres. Le document du ministère des finances publié au Bulletin de statistique (4880, p. 249), et déjà mentionné ci-dessus [n° 4540], évalue la valeur vénale des immeubles possédés ou occupés au 31 décembre 1879 par les congrégations d'hommes autorisées à 84,433,558 francs.

Tout établissement ecclésiastique reconnu par la loi pourra accepter, avec l'autorisation du roi, tous les biens meubles, immeubles ou rentes qui lui seront donnés par actes entre vifs ou par actes de dernière volonté (Loi du 2 janvier 1817, sur les donations et legs aux établissements ecclésiastiques, art. 1). — Tout établissement ecclésiastique reconnu par la loi pourra également, avec l'autorisation du roi, acquérir des biens immeubles ou des rentes (art. 2).

1547. Les congrégations religieuses de femmes non autorisées suivant les règles prescrites par la loi de 1825 et le décret de 4852, et toutes les congrégations d'hommes, sauf celles reconnues ainsi qu'il vient d'être dit, sont soumises aux règles suivantes dont l'ensemble forme leur situation légale en France.

4° Elles ne subsistent sur le territoire français qu'en vertu de la tolérance du gouvernement, investi du pouvoir de fermer leurs établissements en vertu des lois de l'État successivement indiquées

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CONGRÉGATIOns religieusES NON AUTORISÉES.

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aux numéros qui précèdent (L. 13 février 1790; L. 18 août 1792; L. 18 germinal an X; D. 3 messidor an XII; L. 2 janvier 1817; . 24 mai 1825). 2o Elles échappent, sauf controverse, aux Deines sur les associations illicites de plus de vingt personnes, parce que l'article 294 in fine du Code pénal refuse de comprendre dans e nombre les personnes domiciliées dans la maison où se tienment les séances de l'association, et que le droit pénal est de roit étroit. 3° Elles n'ont pas d'existence légale en France, et, plus forte raison, ne peuvent constituer des personnes morales; elles sont donc incapables d'être propriétaires, d'acquérir à aucun itre et de procéder à aucun acte de la vie civile (Lyon, 23 férier 1867; Alger, 27 mai 1868, Reynaud c. héritiers Parabère). — o Non-seulement elles sont incapables de recevoir les donations ou les legs qui leur sont faits, mais encore il y a nullité radicale, par application de l'article 914 du Code civil, de toutes libéralités elles faites par personne interposée (c. cass. 15 décembre 1856, 30 décembre 1857, 9 novembre 1859, 3 juin 1864; Toulouse, février 4857; Orléans, 30 mai 1857; Angers, 23 février 1859). 5° Il en est ainsi nonobstant toute autorisation postérieure, soit l'existence légale, soit d'acceptation (c. cass. 5 juillet 1842; Douai, 34 mai 1851 ; Angers, 28 janvier 1863; ch. req. 17 février et 12 avril 864; S. 64, 1, 153; 65, 1, 219); et dans ce cas, la congrégation doit être condamnée à restituer avec la chose tous les fruits produits (c. ch. civ. 19 décembre 1864). — 6o Cette nullité s'étend à tout acte qui aurait pour objet de transmettre des biens à une congrégation religieuse non autorisée, et notamment à un acte de société universelle de gains stipulée entre les mains d'une communauté religieuse d'hommes non autorisée, quoique toutes les clauses de l'acte soient conformes à l'article 838 du Code civil et au droit commun (Caen, 20 juillet 1846, et c. ch. req. 26 déc. 1849, Onfroy c. de la Foullerie). -7° Les congrégations non autorisées ne peuvent ester en justice qu'autant que tous leurs membres figurent en nom et individuellement dans l'instance, et n'ont pas le droit d'y comparaître en tant que congrégations représentées par leurs directeurs ou supérieurs. 8° Elles ne peuvent se prévaloir du défaut d'autorisation pour se soustraire aux engagements qu'elles contractent comme sociétés de fait par contrat, quasicontrat, délit, ou quasi-délit; et chacun des membres de ces congrégations peut, à son gré, reprendre sa liberté et réclamer des autres la restitution des valeurs mobilières et immobilières qu'il y a versées; en pareille matière, la preuve testimoniale et toutes pré

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STATISTIQUE; DROIT DE DISSOLUTION DES

somptions sont admissibles pour justifier les réclamations élevées contre la communauté (Paris, 8 mars 1858; c. ch. req. 4 mai 1859) '.

1548. Il existe, en fait, sur le territoire français, des congrégations religieuses non autorisées de femmes et d'hommes. Ces derniers étaient au nombre de 5 à 6,000 sur les 17,776 congréganistes hommes constatés par le dénombrement de 4864 2. La situation de toutes ces congrégations religieuses non autorisées donne lieu à l'application des règles signalées au numéro qui précède.

Si la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement a cessé d'attacher l'incapacité civile d'enseigner à la qualité de membre d'une congrégation religieuse d'hommes non autorisée, son silence à cet égard n'a d'autre effet que de laisser à chaque membre, pris isolément, le droit individuel d'enseigner, sans attribuer à la congrégation elle-même le droit d'exister en France et celui d'y avoir des établissements quelconques, droits que lui refusent les lois de 1790, 1792, an XII, 1847 et 1825 ci-dessus rappelées. Le droit du gouvernement de faire fermer tous ces établissements, quelle que soit leur nature, subsiste toujours; il est aujourd'hui ce qu'il était lorsque la cour de Paris rendait ses arrêts des 3 décembre 1825 et 18 août 1826; lorsque la Chambre des pairs votait, le 19 janvier 4827, sur le rapport de M. Portalis, le renvoi au ministère d'une célèbre dénonciation; lorsque le gouvernement de la Restauration signait les ordonnances du 46 juin 1828 prescrivant la fermeture d'établissements dirigés par la plus importante de ces sociétés; et lorsque la Chambre des députés, sous le gouvernement suivant, votait, le 3 mai 1845, une résolution ainsi conçue : « La Chambre, >> se reposant sur le gouvernement du soin de faire exécuter les >> lois de l'État, passe à l'ordre du jour ».

Le régime de tolérance, à la faveur duquel ces congrégations non autorisées ont eu en France de nombreux établissements, a été caractérisé dans deux circulaires du ministre des cultes aux préfets des 23 février et 16 novembre 1860, au Sénat en 4862 par M. Billaut, au cours des débats pour la discussion de l'adresse, et à la

Voir, no 1309 bis, la loi de finances du 28 décembre 1880, art. 3 et 4.

* D'après la statistique spéciale de 1877 [déjà citée no 1540 et 1546], les congrégations religieuses d'hommes non autorisées étaient au nombre de 384, comprenant 7,444 membres. Le document publié par le ministère des finances (Bulletin de statistique, 1880, page 249) et déjà cité [no 1540 et 1546] donne aux immeubles possédés ou occupés par les congrégations d'hommes non autorisees une contenance de 10,960 hectares et une valeur vénale de 124,052,855 francs.

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