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HARVARD UNIVERSITY LIBRARY 051*67

LES BEAUX JOURS

DE

L'IMPERATRICE MARIE-LOUISE

INTRODUCTION

En 1814, pendant que Napoléon était relégué à l'île d'Elbe, l'impératrice Marie-Louise et sa grand'mère, la reine de Naples, Marie-Caroline, se trouvaient ensemble à Vienne. L'une privée de la couronne de France, demandait à être mise en possession de son nouvel Etat, le duché de Parme; l'autre, qui s'était enfuie de la Sicile, pour échapper au joug de ses prétendus protecteurs, les Anglais, venait réclamer la restitution de son royaume de Naples, où, avec la connivence de l'Autriche, Murat continuait à régner. Cette reine, Marie-Caroline, fille de la grande impératrice Marie-Thérèse, et sœur de l'infortunée MarieAntoinette, avait passé sa vie dans la haine de la Révolution française et de Napoléon dont elle était l'une des plus célèbres victimes. Eh bien!

au moment où la cour d'Autriche travaillait de tout son pouvoir à faire oublier à Marie-Louise qu'elle était la femme de Napoléon, pour l'en séparer à jamais, Marie-Caroline souffrait de voir sa petite-fille se montrer trop docile à de pareilles suggestions. Elle disait au baron de Méneval, qui avait accompagné Marie-Louise jusqu'à Vienne « J'ai eu autrefois à me plaindre de votre empereur; il m'a persécutée et blessée dans mon amour-propre j'avais alors quinze ans de moins; - mais aujourd'hui je ne me souviens que d'une chose, c'est qu'il est malheureux. >> Puis elle ajoutait que si l'on s'opposait à la réunion des deux époux, il fallait que MarieLouise attachât les draps de son lit à sa fenêtre, et s'échappât sous un déguisement. « Voilà, s'écria-t-elle, ce que je ferais à sa place; car, quand on est mariée, c'est pour la vie ! »

Si une femme comme la reine Marie-Caroline, une sœur de Marie-Antoinette, une reine chassée de son royaume par Napoléon, éprouvait de pa.reils sentiments, on comprend facilement la sévérité avec laquelle les Français dévoués à l'empereur ont jugé la conduite de son ingrate et oublieuse épouse. Autant Joséphine, malgré ses légèretés, est restée populaire, parce qu'elle fut tendre, bonne et dévouée, même après le divorce, autant Marie-Louise a été critiquée, parce que, après avoir aimé ou dit qu'elle aimait le toutpuissant empereur, elle a abandonné le prison

nier. Le contraste de cette conduite avec celle de la femme du roi Jérôme, la noble et courageuse Catherine de Wurtemberg, qui brava toutes les menaces, toutes les persécutions, pour pouvoir partager l'exil et la pauvreté de son époux, a fait ressortir encore davantage les torts de Marie-Louise. On lui a reproché de n'avoir pas rejoint Napoléon à l'île d'Elbe, de n'avoir pas même essayé d'adoucir les souffrances du glorieux captif de Sainte-Hélène, de ne point l'avoir consolé, de ne lui avoir pas même écrit. On a reproché peut-être plus encore à l'ancienne impératrice des Français ses deux mariages morganatiques, l'un avec le comte de Neipperg, général autrichien, adversaire passionné de Napoléon, l'autre avec le comte de Bombelles, Français qui avait renoncé à la France pour servir l'Autriche. Assurément Marie-Louise n'a été ni un modèle d'épouse, ni encore moins un un modèle de veuve, et l'on n'a pas lieu de s'étonner de la sévérité des jugements que ses contemporains ont portés sur elle, et qui seront sans doute confirmés par l'histoire. Mais si cette princesse a été coupable, on peut invoquer à son profit plus d'une circonstance atténuante, et l'on doit se rappeler, pour être juste, que ce ne fut pas sans des luttes intérieures, des larmes, des inquiétudes, des troubles de conscience, qu'elle se résolut à suivre les ordres inflexibles de son père, et à redevenir purement et simplement ce qu'elle était

vant son mariage, une princesse autrichienne.

On ne doit pas oublier que l'impératrice Marie-Louise, deux fois petite-nièce de la reine Marie-Antoinette, par sa mère Marie-Thérèse de Naples, fille de la reine Marie-Caroline, et par son père, l'empereur François, fils de l'empereur Léopold II, le frère de la reine-martyre, avait été élevée dans l'horreur de la Révolution française, et de l'Empire, sa continuation. On lui avait appris, à peine au sortir du berceau, que la France était l'ennemie héréditaire, l'adversaire acharnée et irréconciliable de sa patrie. Quand elle était enfant, Napoléon lui apparaissait, dans un lointain plein de sang, comme un être fatal, un mauvais génie, un Corse satanique, une sorte d'antéchrist. En fait de Français, on n'aurait guère pu rencontrer à la cour de Vienne que des émigrés qui ne voyaient dans Napoléon que le révolutionnaire césarien, l'ami de Robespierre le jeune, le protégé de Barras, le sauveur des Conventionnels, l'homme du 13 Vendémiaire, le meurtrier du duc d'Enghien, l'ennemi de tous les trônes de l'Europe, l'auteur du guet-apens de Bayonne, le persécuteur du pape, le souverain excommunié. A deux reprises différentes, il avait mis l'Autriche à deux doigts de sa perte, et l'on avait été jusqu'à dire qu'il voulait la faire disparaître tout à fait comme une seconde Pologne. La jeune archiduchesse n'avait jamais entendu : à propos du vainqueur d'Austerlitz et de Wa

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