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XIII

L'ENTRÉE A PARIS

Le lundi 2 avril 1810, des la pointe du jour, les villes et les campagnes de Paris se sont mises en mouvement pour se réunir sur la route de Saint-Cloud. Dès huit heures du matin, les fenêtres sont garnies de femmes élégantes. On a dressé partout des échafaudages. Les barrières, les toits, les arbres même sont chargés d'innombrables spectateurs. A la naissance des voûtes latérales de l'arc de triomphe de l'Étoile, on a construit des gradins en amphithéâtre, où un grand nombre de personnes invitées par le préfet de la Seine ont pris place. L'arc de triomphe, que l'on doit exécuter en pierre, et dont les piedsdroits sont déjà élevés à environ vingt pieds audessus du sol, a été figuré en charpente et en toile pour l'entrée solennelle de l'impératrice à Paris. La rapidité avec laquelle les travaux ont été

poussés tient de l'enchantement. Près de cinq mille ouvriers y ont été employés, et, en moins de vingt jours, ce monument provisoire, image du monument définitif, a été entièrement achevé. Sur l'attique, on lit cette inscription: « A Napoléon et à Marie-Louise, la ville de Paris. » Le dessus de l'arcade, à la naissance de la voûte, est orné de bas-reliefs et de caissons avec un aigle au milieu.

Il y a sur douze médaillons, Passy, six du côté du Roule

six du côté de

le portrait de

l'empereur avec cette légende: Le bonheur du monde est dans ses mains (Adresse du Sénat); un laurier qui pousse plusieurs rejetons, avec ces mots: Il a fait notre gloire; - un léopard rugissant, avec cette légende: Il riait de nos discordes, il pleure de notre union; le monogramme de Napoléon et de Marie-Louise avec cette inscription. Nous l'aimons pour l'amour de lui, nous l'aimerons pour ellemême (Adresse du Sénat); - l'Amour couronnant de myrtes et de roses le casque de Mars avec cette légende: Elle charmera les loisirs du héros; soleil, avec l'arc-en-ciel, et cette inscription: Elle annonce à la terre des jours sereins ; le portrait de l'impératrice, et cette légende: Nous lui devons le bonheur de l'auguste époux qui l'a placée si haut dans sa pensée (Adresse du Sénat); - la figure du Danube, avec ces mots : Il nous enrichit de ce qu'il a de plus cher; les armes d'Autriche, le monogramme de Leurs Majestés, avec cette inscription: Elle

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sera pour les Français une véritable mère (réponse de l'empereur); - la figure de la Seine, avec cette légende: Notre amour reconnaîtra le don qu'Il nous fait ;- enfin, les armes de France.

Les six bas-reliefs représentent les sujets suivants: La Législation: L'empereur, revêtu des habits impériaux et placé sur son trône, indique de la main les tables où sont inscrits les Codes, et l'Innocence, sous la figure d'une jeune vierge, se livre paisiblement au sommeil au pied du trône impérial; — l'Industrie nationale: Des négociants présentent à l'empereur les produits de toute espèce, sortis de leur fabrique; l'Arrivée de l'impératrice à Paris; les Embellissements de la capitale; - la Clémence de l'empereur; Napoléon assis, la main appuyée sur son épée, est couronné par la Victoire, et il pardonne avec générosité aux ennemis qu'il a vaincus ; Union de l'empereur et de l'impératrice; Napoléon et Marie-Louise se donnent la main en signe d'alliance sur un autel placé au pied de la statue de la Paix

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Des salves d'artillerie retentissent. Elles annoncent que l'empereur et l'impératrice viennent de quitter le château de Saint-Cloud. Au même instant, et comme pour obéir à un signal, le soleil se montre à l'horizon. Dès lors, sa présence ne cessera plus, dans la journée, d'écarter les nuages, et, au moment précis de l'arrivée du cortège à l'arc de triomphe de l'Étoile, il brillera du plus vif éclat. La cavalerie de la garde impériale

ouvre la marche: d'abord les lanciers, puis les chasseurs, puis les dragons, musiques en tête; les hérauts d'armes à cheval viennent ensuite; puis on aperçoit les voitures: celle de l'empereur attelée de huit chevaux, les autres attelées de six. Le carrosse dans lequel Napoléon et MarieLouise se trouvent, c'est la célèbre voiture du sacre. Les quatre côtés en sont formés par de grandes glaces sans tain, encadrées dans de minces montants ciselés et dorés, ce qui permet de voir, aussi distinctement que si la voiture était découverte, l'empereur avec son habit de velours blanc et rouge, l'impératrice parée des diamants de la couronne, avec un manteau de cour. Audessus de ce splendide carrosse de gala s'élève une sorte de dôme en or, qui, soutenu par quatre aigles aux ailes déployées, est surmonté d'une énorme couronne. Les maréchaux de France, colonels-généraux de la garde, sont à cheval près des deux portières de la voiture, les aides de camp à la hauteur des chevaux, les écuyers à la hauteur des roues de derrière. Suivant l'étiquette prescrite toutes les fois que l'empereur se sert de son carrosse de cérémonie, il est monté autant de pages que possible derrière la voiture, et sur le siège, près du cocher.

A une heure, le cortège arrive à l'arc de triomphe de l'Étoile. On a placé douze pièces de canon sur les hauteurs voisines du monument, douze autres au jardin des Tuileries, sur la terrasse du

bord de l'eau. Leurs salves sont répétées par le canon des Invalides. Des orchestres, établis de distance en distance, jouent des marches triomphales. Les cloches de toutes les églises sonnent à grande volée. La voiture impériale s'arrête sous la voûte de l'arc de triomphe, où le gouverneur de Paris, le préfet de la Seine et le préfet de police accompagnés des douze maires, reçoivent les souverains.

Le comte Frochot, préfet de la Seine, prononce alors le discours suivant : « Sire, Votre Majesté s'est enfin occupée de son propre bonheur. Elle y a réussi comme dans toutes ses entreprises, et, si jamais dans les annales du monde aucun mariage de souverain n'eut une pareille grandeur, jamais non plus l'amour et la gloire ne pouvaient mieux unir leurs intérêts ou mieux inspirer Votre Majesté. Aux cris d'allégresse qui viennent retentir sous les voûtes de ce monument élevé à vos triomphes, Votre Majesté peut juger que les vœux de sa bonne ville de Paris, que tous les vœux de son peuple sont exaucés. Et ce n'est pas seulement dans la vaste étendue de votre empire qu'elle éclate, cette joie ; Sire, tout le continent célèbre avec les mêmes transports l'union que forme le plus grand de ses monarques, et cent peuples divers bénissent ensemble ces liens augustes tissus en secret par la Providence, ces liens si chers à nos cœurs, puisqu'ils nous offrent tout à la fois le gage du bonheur de Votre

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