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enseveli dans l'église des Capucins de Vienne avec l'uniforme autrichien, est-il possible de ne pas sourire tristement du naïfoptimisme des cours? En 1811, tout n'était qu'illusions. « Au milieu de nos triomphes, a dit le général de Ségur, et quand nos ennemis eux-mêmes, enfin résignés, paraissaient soumis, ralliés même à la fortune de notre empereur, pourquoi donc s'assombrir, pourquoi se fatiguer à en prévoir l'éclipse ou totale ou partielle. Il était si doux de s'abandonner à cette étoile! Elle nous éblouissait, elle était si haute, si rayonnante, elle avait opéré tant de prodiges!... « Et combien de nous, malgré les perpétuelles variations de notre ciel de France, quand parfois ils en contemplent la sérénité, sont tentés de la croire inaltérable, et se trouvent journellement surpris par une transformation orageuse, subite et inattendue! Qui de nous encore, lorsque tout à coup il apprend la fin d'un être laissé naguère en pleine santé, ne se récrie, tout étonné que ce mortel soit mort, selon l'expression du plus grand des orateurs sacrés de notre grand siècle littéraire? Tels nous étions, et ce fut bien plus encore, le 20 mars 1811, quand, rehaussant de plus en plus notre orgueil, pour rendre notre chute plus forte et plus imprévue, le ciel compléta cette féerie, et en acheva l'illusion par la naissance du roi de Rome. » Napoléon, jouissant de tous les bonheurs et de tous les triomphes, était arrivé au sommet de la montagne de

gloire et de prospérité. Il allait bientôt en descendre, par une pente rapide, vertigineuse, au bout de laquelle était l'inévitable abîme, l'abîme rempli de pleurs et de sang.

II

ES RELEVAILLES

Marie-Louise se remit très promptement de ses couches. Elle allait aussi bien au moral qu'au physique, et la joie de son mari égalait seule la sienne. Son père, l'empereur d'Autriche, s'associait très sincèrement à son bonheur. Il écrivait à Napoléon, le 27 mars 1811: « Monsieur mon cher frère et beau-fils. il m'est impossible d'exprimer à Votre Majesté Impériale, dans une lettre d'étiquette, la satisfaction que m'a fait éprouver l'heureuse délivrance de ma chère fille. Votre Majesté doit être trop persuadée de la part bien vive que je prends à un événement aussi important, et pour elle et pour la France, que l'est celui de la naissance d'un prince, pour ne pas être convaincue que la certitude de savoir ma fille heureusement accouchée a pu seule augmenter ma joie. Que le ciel conserve ce nouveau gage des liens qui

nous unissent! Il n'en est pas de plus précieux, ni de plus propre à cimenter à jamais les rapports les plus heureux qui existent entre nos deux empires. » (Archives du ministère des affaires étrangères.)

Napoléon avait envoyé, le 20 mars, à Vienne le comte de Nicolaï, qui y arriva le 28. Ce jourlà, l'empereur François écrivit à son gendre :

Monsieur mon frère et cher beau-fils, le comte de Nicolaï me remet dans ce moment les deux lettres dont Votre Majesté Impériale a bien voulu le charger. Ne voulant pas retarder le départ d'un courrier prêt à partir, et qui portera à Votre Majesté et à l'Impératrice les premières expressions de ma joie sur l'heureux événement qui nous occupe, je me réserve de répondre dans les formes officielles à l'invitation de Votre Majesté de tenir son fils sur les fonds baptismaux ; je ne m'empresse pas moins de la prévenir que c'est avec la plus entière satisfaction que je me charge d'une fonction aussi chère à mon cœur,

<«< La lettre dans laquelle Votre Majesté a rentermé les détails des couches de ma chère fille excite mon intérêt le plus vif. Elle me fournit tant de preuves des soins que Votre Majesté voue à une épouse qui la paie d'une affection aussi juste qu'entière, qu'elle ne peut que lui assurer toute ma reconnaissance. Je ne vous en remercie pas moins, monsieur mon frère, de ne m'avoir caché aucun des détails sur la délivrance de l'im

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