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baptême du roi de Rome, des fêtes magnifiques dans les grandes villes de l'empire. A Anvers, tous les arts et métiers contribuèrent à la formation de six chars composant un splendide cortège. Le premier représentait la France couronnée par l'Immortalité; le second le mariage de l'empereur et de l'impératrice; le troisième la naissance du roi de Rome; le quatrième son berceau; le cinquième la Religion, l'Innocence et la Charité adressant des vœux au ciel pour la conservation des jours des souverains et de leur fils; le sixième la France donnant son nouveau-né comme roi à la ville de Rome. Ce cortège de chars était précédé du Géant, de la Baleine, de la Frégate, du Char de Neptune, de celui de l'Europe, et d'autres pièces qu'on nomme, dans la langue du pays, den grooten hommegang.

A Rome, la ville de l'enfant impérial, les fêtes avaient commencé le 8 juin, à la nuit, annoncées par les décharges d'artillerie de la flottille de Civita-Vecchia, qui avait remonté le Tibre, et dont tous les bâtiments étaient pavoisés. On illumina brillamment le Capitole, le Forum, le Colysée, les arcs de Septime et de Constantin, les temples de la Concorde, de la Paix, d'Antonin et Faustine, la colonne de Jupiter Stator. Le 9, au matin, toutes les autorités se rendirent à l'église de Saint-Pierre pour y entendre le Te Deum, chanté devant une multitude immense. Il y eut dans la journée une course de chevaux, et

le soir illumination du dôme de Saint-Pierre et de toute la colonnade, ainsi que feu d'artifice tiré au fort Saint-Ange. La Rome des Césars et des papes, la Ville Éternelle, avait célébré d'une manière éclatante le jour du baptême de son pe

tit roi.

IV

SAINT-CLOUD ET TRIANON.

L'empereur croyait qu'il ne saurait y avoir trop de fètes à l'occasion du baptême de son fils. Il en donna une, le 23 juin 1811, dans le château et dans le parc de Saint-Cloud. Le palais avec ses salles magnifiques, salons de Mars, de Vénus, de la Vérité, de Mercure, de l'Aurore, galerie d'Apollon, salon de Diane, embelli par les fresques de Mignard; le parc avec la beauté de ses arbres, la magie de ses perspectives, la fraîcheur de ses pelouses, l'abondance de ses fleurs; les deux vues superbes qu'on a du haut des fenêtres du château, l'une sur Paris, l'autre sur le jardin; les cascades, enca drées dans une architecture pleine de goût, et dont les eaux se précipitent d'étage en étage, jaillissent en éçume blanche, étincellent de mille reflets sous les flammes du soleil ou sous le feu

des lumières, c'est là un merveilleux théâtre pour une fête de jour et de nuit. Plus de trois cent mille personnes se rendirent à Saint-Cloud; dès le matin, elles arrivèrent, se répandirent dans le parc, dans les avenues, et en couronnèrent toutes les hauteurs. Il y avait des distributions de vivres. Le vin jaillissait de plusieurs fontaines. Les jeux, les spectacles forains de toute sorte étaient innombrables, et la garde impériale avait formé dans la plaine un vaste banquet où elle traitait la garnison de Paris.

A six heures du soir, Napoléon et Marie-Louise, sans gardes, sans escorte, se promenèrent en calèche dans le parc, à la grande joie de la foule. qui les acclamait. L'Orangerie, dont toutes les caisses décoraient le devant du château, était ornée de riches tentures. Des temples et des kiosques s'élevaient dans les bosquets. A l'entrée de la nuit, six chaloupes illuminées et montées par des marins de la garde impériale, exécutèrent diverses évolutions, et lancèrent des pièces d'artifice, dont la Seine reflétait les feux multicolores. Pendant ce temps, les illuminations commençaient à se dessiner sur les belles lignes du parc, des terrasses, de l'amphithéâtre, du palais. Tout semblait férique : la grande cascade, avec ses statues à demi couchées qui représentent la Seine et la Loire; la basse cascade, placée à la chute de la grande, le jet d'eau qui s'élance à vingtsept mètres de hauteur; le grand bassin carré,

orné de dix petits bassins en coquilles, et de neuf fontaines d'où l'eau jaillissait par des masques dorés; les pelouses, les parterres, les bosquets, que la fantastique clarté des feux de bengale faisait resplendir. A neuf heures du soir, Mo Blanchard, cette intrépide aéronaute, cette amazone des airs, montait en ballon, puis mettait le feu à des pièces d'artifices disposées autour de sa nacelle, et formant une couronne d'étoiles, suspendue à une immense hauteur; on aurait dit une magicienne dans un char enflammé. Un feu d'artifice fut ensuite tiré par les artilleurs de la garde impériale. Placé au milieu de la plaine de Boulogne, il pouvait être vu de Paris, comme de Saint-Cloud, et de toutes les hauteurs qui bordent la Seine, depuis le Calvaire jusqu'à Meudon. A une élégante colonnade succéda un jardin lumineux dont les cascades, les arbres, les portiques, présentaient un radieux ensemble. L'empereur et l'impératrice parcoururent le parc. Des effets d'optique, des dioramas rappelant à MaricLouise les souvenirs de sa chère Autriche, de Schoenbrünn, du Burg, de Laxenbourg, présentaient des spectacles enchanteurs. Plusieurs orchestres, dispersés dans les quinconces, jouaient des valses, que dansaient les danseurs et les danseuses de l'Opéra, habillés en bergers et en bergères d'Allemagne. Un intermède, la Fête du village, composé par Étienne et mis en musique. par Nicolo, fut représenté, en plein air, sur un

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