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Le spectacle une fois terminé, l'empereur et l'impératrice firent une promenade dans les jardins illuminés du Petit-Trianon. Napoléon, le chapeau à la main, donnait le bras à MarieLouise. On se rendit dans l'île et dans le temple de l'Amour, ce petit temple de marbre où est la statue de l'Amour, de Bouchardon, qui taille son arc dans la massue d'Hercule. Des musiciens, cachés, faisaient entendre une harmonie douce et mystérieuse, qui semblait venir des profondeurs du lac, où flottaient des barques lumineuses, montées par des essaims d'enfants déguisés en amours. Puis la promenade dans le jardin recommença. On y vit apparaître un tableau flamand en action, tableau vivant, avec des paysans et des paysannes à la figure réjouie. Ensuite, ce furent des groupes qui représentaient les habitants des diverses provinces de l'empire, avec les costumes si variés de leurs pays, depuis les régions qu'arrose le Tibre jusqu'aux rives de la mer du Nord. La fête se termina par un banquet dans la galerie du Grand-Trianon. Les personnages de l'ancien régime furent unanimes à dire qu'elle avait réussi à merveille, et Marie-Louise, qui s'habituait de plus en plus à la France, trouva que le 25 août n'avait jamais été célébré pour elle avec autant d'éclat.

V

LE VOYAGE EN HOLLANDE

Quelque temps après Wagram, on avait entendu Napoléon, dans un cercle de généraux, déplorer les sanglantes expéditions, où il perdait toujours quelques-uns de ses compagnons des premiers jours : « En voilà assez du métier de soldat, avait-il ajouté, le temps est arrivé de faire celui de roi.» Pendant l'année 1811, on aurait pu croire qu'il resterait fidèle à ce nouveau programme. Le militaire avait fait place au souverain, et le vainqueur de tant de batailles semblait ambitionner les gloires pacifiques. Il se décida à faire en Belgique, en Hollande et sur les bords du Rhin, un voyage où il rechercherait, en examinant les choses par lui-même, les moyens d'aug. menter le bien-être des populations. L'impératrice fut du voyage, mais Napoléon partit sans elle de Compiègne le 19 septembre. Elle devait le

retrouver le 30 du même mois, à Anvers ; et, à cette époque, elle lui témoignait un tel attachement qu'une séparation de quelques jours lui paraissait pénible, et qu'elle écrivait à son père : « Mon mari est parti cette nuit pour aller visiter l'île de Walcheren, le plus mauvais climat qui existe, et je n'ai pu l'accompagner, ce qui me fait la plus grande peine.

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Pendant que l'empereur visitait Boulogne, Ostende et Flessingue, l'impératrice, suivie d'une cour fastueuse, se rendit en Belgique. Elle quitta Compiègne le 22 septembre et alla s'installer au château de Laeken, à côté de Bruxelles. Elle se montra plusieurs fois dans la capitale belge, alors simple chef-lieu d'un département français, le département de la Dyle. Napoléon tenait à la faire paraître dans tout son éclat aux provinces gouvernées autrefois par la maison d'Autriche. Elle alla au théâtre, où elle fut très applaudie, et acheta cent cinquante mille francs de dentelles, pour ranimer les manufactures de la ville. Le 30 septembre, elle retrouva son époux à Anvers. Le Moniteur disait de cette grande cité transformée par l'empereur : « Anvers peut être considéré comme une place forte du rang de celles de Metz et de Strasbourg. Les travaux qui y ont été faits sont prodigieux. Sur la rive gauche de l'Escaut, où il n'existait, il y a deux ans, qu'une redoute, s'élève une ville de 2,000 toises de développement, formant huit fronts bastionnés... Le spectacle

qu'offrent les chantiers de la marine est sans exemple; vingt et un vaisseaux de guerre, dont huit à trois ponts, sont en construction. L'arsenal est pourvu abondamment de toute espèce d'approvisionnements que le Rhin et la Meuse y font affluer.... »

« Il y a sept ans à cette époque, poursuivait le Moniteur, il n'y avait pas à Anvers un seul quai, et les maisons s'avançaient jusqu'au bord de la rivière. Aujourd'hui ces maisons ont fait place à de superbes quais, utiles au commerce, et même à la défense de la place. Il y a six ans, il n'y avait pas de bassin, mais seulement quelques canaux où des bâtiments tirant dix ou douze pieds d'eau pouvaient à peine entrer. Aujourd'hui, il existe un bassin ayant vingt-six pieds d'eau à partir du radier, pouvant contenir cinquante vaisseaux de ligne, avec une écluse donnant passage à des vaisseaux de cent vingt canons. »

L'entrée solennelle à Amsterdam eut lieu le 9 octobre 1811. L'ancienne capitale de la Hollande n'était plus que le chef-lieu d'un département français, le département du Zuyderzée. Les Hollandais souffraient beaucoup du blocus continental, et regrettaient vivement le roi Louis Bonaparte, qui avait inutilement essayé d'atténuer leurs souffrances. L'empereur, devenu leur souverain, leur avait donné comme gouverneurgénéral l'architrésorier Lebrun, duc de Plaisance. L'architrésorier, dit le comte Beugnot dans ses

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