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le problème sans se préoccuper de la difficulté de la compréhension des phénomènes observés.

Au premier rang de médicaments prétendus curateurs de la tuberculose se placent les produits dérivés du bacille de Koch, sérums antituberculeux, tuberculines, corps bacillaires modifiés, corps immunisants, etc. Ces médicaments ne constituent pas des spécifiques au sens proprement dit du mot.

Ce sont ces adjuvants de la cure de la tuberculose, adjuvants d'une efficacité parfois non douteuse.

De ce que nous venons de dire on comprend les difficultés d'un traitement à la sérumthérapie ou à la tuberculinothérapie; l'impossibilité parfois insurmontable de poser les indications et les contre-indications; l'obligation habituelle de marcher au hasard. De plus, si l'on songe aux conséquences redoutables que peut causer son application intempestive, on comprend fort bien l'angoisse qui saisit le praticien qui, en face d'un malade, se pose la question de la possibilité d'un traitement à la tuberline. Dans tous les cas, quelle que soit la théorie émise sur l'action de ces divers produits, par leur application c'est toujours à l'organisme qu'on demande de lutter contre les bacilles et leur sécrétion. C'est toujours à cette faculté donnée à notre organisme de se défendre d'une façon naturelle, normale, contre les diverses affections qui l'assaillent que s'adresse le thérapeute. En effet notre organisme se défend de lui-même sans avoir recours à des moyens médicamenteux. N'est-il pas démontré que la plupart des individus sont à un moment donné de leur existence touchés par le bacille de Koch, sans que leur état de santé ait eu apparemment à en souffrir. C'est que l'apparition du bacille dans l'organisme a provoqué chez ces derniers des processus naturels de guérison qui ont agi localement au niveau de l'implantation bacillaire et sur les organes de défense en provoquant l'apparition d'anticorps.

En effet, si Pickert et Lowenstein n'ont pu découvrir dans le sérum de l'individu sain des substances neutralisant celui de la tuberculine, ils ont en revanche pu constamment en déceler chez les bacillaires dont la maladie peu avancée évoluait naturellement vers la guérison. C'est un fait acquis, nos organes quand ils fonctionnent normalement, sans action adjuvante, sont suffisants pour nous défendre contre la tuberculose. Ce n'est donc pas tant la contagion, qui elle est multiple, que l'état de fonctionnement plus ou moins troublé de nos organes qui permet l'évolution ou non de la tuberculose.

Qu'on se trouve en face d'un trouble profond d'un organe important. ou devant un organisme affaibli par un surmenage momentané ou une infection débilitante, le bacille de Koch peut dans ces cas s'établir et se développer au sein de notre organisme. Il crée d'abord une lésion locale dont les produits ne tardent pas à envahir l'organisme non défendu par les processus généraux et naturels de guérison. Peu à peu une véritable imprégnation bacillaire se produit amenant dans tous les organes des troubles de leur fonction. La gravité de l'évolution tuberculeuse est donc,

dans ce cas, surtout le fait du fonctionnement défectueux des organes. Leur restituer leur fonction normale, c'est permettre à l'organisme de lutter efficacement contre l'invasion bacillaire.

Cette conception chaque jour mieux assise scientifiquement des multiples insuffisances glandulaires engendrées par les toxines tuberculeuses a conduit d'une façon naturelle à une méthode récente mais rationnelle, l'opothérapie. Des organes atteints par la maladie, les uns ont une influence secondaire sur la marche de l'affection comme l'hypophyse, le poumon, le sang, les muscles, etc. Mais à côté de ces organes pour ainsi dire secondaires, il en est d'autres dont l'influence sur l'évolution de la tuberculose est primordiale, par exemple les capsules surrénales, la rate, le foie, les ganglions, etc. Ces organes dits de défense ne peuvent accomplir leurs fonctions puisqu'ils sont atteints par l'imprégnation tuberculeuse. Pour remédier à cette insuffisance glandulaire semble-t-il exister un meilleur moyen que l'opothérapie? Des essais thérapeutiques de glandes isolées ont été faits pour le foie par Triboulet, Barbier, Parmentier, Lemoine et Girard; pour les extraits surrénaux par Sergent et Renon, pour la rate par Bayle, pour la cholestérine par Iconesco, pour l'extrait hypophysaire par Delille et Renon. Enfin on a fait en tuberculose de l'opothérapie thyroïdienne, gastrique, pulmonaire, etc.

Pour notre compte personnel nous inspirant des idées pathogéniques que nous venons d'énoncer, devant la multiplicité des glandes primordiales atteintes chez le tuberculeux, nous avons pensé à une opothérapie multiple. Pour cela nous avons pris chez l'animal en état de défense contre la tuberculose les principaux organes de lutte de son organisme, lesquels préparés et mélangés à dose constante nous ont donné un plasma qui a servi à nos expériences de laboratoire et dans la suite à des applications cliniques.

Cette opothérapie complexe ne saurait être considérée comme une médication symptomatique, elle joue le rôle d'une véritable médication pathogénique puisqu'elle s'adresse aux organes de premier ordre, aux glandes essentielles qui tiennent sous leur dépendance la fonction primordiale de l'organisme. Au récent Congrès de Rome nous avons exposé longuement nos diverses expériences et donné un certain nombre d'observations de malades traités d'après cette méthode.

Nos essais thérapeutiques ont porté sur les formes les plus diverses de la tuberculose en général. Cependant en tuberculose pulmonaire nous avons éliminé, de parti pris, les tuberculoses du premier degré. Nous ne nous sommes adressés qu'aux cas graves tels que les formes aiguës granuliques avec ou sans localisation, les formes ulcéreuses, les formes chroniques excavées, les formes septiques avec associations microbiennes multiples.

En tuberculose chirurgicale nous avons traité les ostéites tuberculeuses avec suppuration ouverte, des abcès de congestion, des fistules périnéales, des rhumatismes tuberculeux.

Nous avons choisi des malades d'âge très différent depuis 5 ans

jusqu'à 60 ans. Ces observations ont été prises, soit par nous-mêmes, soit par des confrères dans la clientèle privée ou dans les services hospitaliers. Nos observations sont au nombre de 155 (actuellement elles dépassent 200), nous permettant d'avoir des résultats définitifs et de poser des conclusions. Nous avons longuement développé ces conclusions au Congrès de Rome.

Des radioscopies et radiographies instantanées sont, dans le plus grand nombre des cas, prises par le Dr Arcelin, radiologue de l'Hôpital SaintJoseph. Les examens des crachats, du sang, sont habituellement toujours pratiqués.

Si l'on s'en rapporte aux explications théoriques que nous exposions au commencement de ce travail, il est permis de penser que l'opothérapie associée radioactive agit surtout chez les sujets jeunes, chez ceux dont la tuberculose présente une marche relativement torpide et dont les organes momentanément troublés dans leur fonctionnement peuvent récupérer par un traitement approprié leur sécrétion normale. Elle sera efficace chez les malades jeunes atteints de tuberculose locale, lupus, arthrite tuberculeuse, mal de Pott, et maladie d'Addison.

Son action sera moindre, même s'ils sont jeunes, chez ceux dont la tuberculose présentera une allure aiguë. Elle devra être très minime chez les malades âgés, chez ceux dont les organes seront atrophiés du fait de tare concomitante (alcool, fièvre paludéenne). A l'appui de ces hypothèses permettez-nous de vous apporter quelques résumés d'observations. En voici une première, due à l'obligeance de M. le Dr Chatonnet de Saint-Fons:

Jeune fille, 13 ans, bacillaire depuis deux ans, forme bilatérale, cavitaire à gauche, infiltration étendue à droite, température élevée, anorexie, sueurs, doigts hippocratiques, cachexie, traitement commencé le 24 janvier 1912, 27 injections. Chute de la température, retour de l'appétit, relèvement de * l'état général et du poids : 24 janvier, poids, 31,300 kg; 27 janvier, 32,400 kg; 11 février, 33,300 kg; 19 février, 34,600 kg; 3 mars, 35,600 kg; 6 avril, 38,200 kg. A l'examen toujours caverne à gauche, à droite diminution de l'infiltration et transformation fibreuse. La malade est actuellement à la campagne et va bien.

Deuxième observation, a trait à une femme de 33 ans, bacillaire depuis deux ans, présentant une forme unilatérale du sommet du poumon droit caractérisé par de la bronchite localisée avec des râles muqueux, anorexie, amaigrissement marqué, température 370,8, nombreux bacilles dans les crachats, traitement commencé en octobre 1911, ne cesse pas son métier de couturière, a reçu 50 injections, actuellement 10 mois après le début du traitement a pris 6 kg, la température ne dépasse pas le soir 37o, les bacilles ont disparu dans les crachats, transformation fibreuse de la lésion.

Voilà deux observations de malades très gravement quoique irrégulièrement touchées, qui, à la suite du traitement dont nous venons de parler, présentent une amélioration qui permet presque de prononcer le mot de guérison.

Les résultats en tuberculose chirurgicale ont été aussi très encourageants.

Voici, par exemple, l'observation d'une petite fille de 7 ans, présentant à un avant-bras une ostéite du cubitus avec une plaque lupique de la largeur d'une pièce de 2 fr. État général mauvais, anorexie, 45 injections en 3 mois. Excellent état général, cicatrisation définitive de la plaque lupique, diminution marquée de la sécrétion purulente de l'ostéite, une intervention minime l'en débarrassera facilement.

Chez un addisonnien, notre distingué confrère le Dr Espenel de Lyon a obtenu un résultat momentané intéressant.

Il s'agissait d'un adulte présentant tous les symptômes cliniques d'un addisonnien, à signaler surtout une asthénie profonde, une anorexie complète, à la suite d'une dizaines d injections; son état général s'est amélioré, le malade mangeait, se réveillait, se sentait mieux, l'action antitoxique était manifestée. Le malade mourut subitement comme meurent beaucoup d'addisonniens par insuffisance des surrénales avant que le Dr Espenel ait pu pratiquer la greffe de surrénales animales, greffe qu'il se proposait de faire.

L'action de cette opothérapie associée radioactive se fait même sentir d'une façon bienfaisante dans des cas absolument désespérés. Nous n'en voulons comme exemple que cette observation scientifiquement étudiée et communiquée par M. le Dr Faure de Cannes. En voici le résumé :

Jeune fille de 15 ans, malade depuis six mois, marche aiguë, poumons en bouillie, dyspnée, température variant entre 37o et 40o, bacilles nombreux vacuolaires, 60 à 8o par champ, microbes associés; traitement commencé le 1er janvier, continué jusqu'au 22 janvier; dès la première injection retour de l'appétit, euphorie; poids le 1er janvier 27 kg, le 8 janvier 28 kg, le 15 janvier 29 kg, le 22 janvier 29,750 kg. Cette malade qui vit encore n'en est pas moins condamnée, car malgré l'amélioration inespérée de son état due à la neutralisation de ses toxines par le retour de fonction de défense de l'organisme, elle ne peut espérer une action suffisante locale au niveau de ses lésions pulmonaires trop étendues.

Cette observation nous rappelle celle d'un jeune homme de 16 ans, renvoyé du Sanatorium d'Hauteville, le 8 septembre 1911, dans un état lamentable, car il présentait une tuberculose pulmonaire bilatérale, excavée à gauche, ramollie à droite, teint cireux, voix rauque, douleur à la déglutition, essoufflement, température voisine de 40°, expectoration abondante farcie de bacilles, diarrhée; poids 54,100 kg. Commencement du traitement le 13 septembre, 30 injections; vers la dixième retour de l'appétit, sensation de bien-être, retour des forces, diminution marquée de la température, diminution des signes pulmonaires inflammatoires et surtout augmentation rapide du poids qui de 54 kg, le 11 septembre, atteignait 57,300 kg le 10 octobre. Ce malade malgré tout mourait 1 mois plus tard par extension de sa tuberculose laryngée lui rendant toute alimentatien impossible et par l'épuisement causé par sa diarrhée.

On le voit donc, le produit dont nous vous entretenons par son action

de revivification sur la cellule des organes primordiaux auxquels est dévolue la défense de l'organisme agit comme un produit antitoxique. Mais, outre cette action générale, en activant le processus de défense organique, il agit localement au niveau du foyer tuberculeux sur le bacille lui-même. En effet, dans le plus grand nombre de nos observations, nous voyons les bacilles diminuer rapidement comme nombre, en quelques semaines, et présenter une morphologie nouvelle constamment identique. Cette étude nous occupe actuellement. Dans un travail ultérieur nous publierons nos recherches actuelles sur ces transformations bacillaires si rapides et si intéressantes.

En résumé les malades jeunes à lésions graves, mais circonscrites et réparables, malgré une intoxication profonde, bénéficient et peuvent guérir par un traitement méthodique d'opothérapie associée radioactive.

M. H. ROUX,
Directeur d'École (Nimes).

LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE PAR LA MUTUALITÉ
ET LA COOPÉRATION (1).

3 Août.

613.96: 616.995

Introduction. La Tuberculose, maladie éminemment sociale, exerce ses ravages en notre pays plus qu'ailleurs, et le personnel enseignant. primaire lui paie un trop large tribut. « A Paris, et dans les grandes villes, écrivait le professeur Brouardel, le cinquième des maîtres est tuberculeux (2). Pourtant, c'est une maladie évitable, curable même, puisque la mortalité par tuberculose diminue à l'étranger. La constatation du mal nous fait un devoir patriotique de secouer enfin une indifférence coupable, tandis que la quasi-certitude de le terrasser est bien de nature à stimuler notre énergie.

Comme il est prouvé qu'on peut être phtisique sans le savoir, témoin

(1) Ce travail a obtenu le premier prix au concours organisé en 1906 par M. le Recteur dans le ressort de l'Académie de Montpellier. Il a été ensuite imprimé dans les Mémoires de l'Académie de Nimes, 1908.

(2) D' WEILL-MANTOU, La Tuberculose dans le corps enseignant (voir Préservation antituberculeuse de juin 1905). — N. B. M. Brouardel nous écrivait lui-même, le 18 avril 1906, que les statistiques sont fatalement erronées parce que « les déclarations des causes de décès ne sont pas obligatoires en France ».

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