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RECHERCHES

RECHERCHES

SUR

LA GÉOGRAPHIE ANCIENNE.

M. GOSSELLIN avoit communiqué à l'Académie des Inscriptions et Belles - Lettres une suite de Mémoires relatifs à la géographie ancienne. Dans les uns, il a rétabli les systèmes d'Eratosthènes, d'Hipparque, de Polybe, de Strabon, de Marin de Tyr, et de Ptolémée : dans les autres, il a recherché quelles ont été les connoissances des anciens sur les côtes occidentales et orientales de l'Afrique ; il a discuté les autorités d'après lesquelles on a prétendu que les anciens avoient fait le tour de cette partie du monde; il a traité des voyages d'Ophir et de Tharsis; il a parcouru toutes les côtes du golfe Arabique, les rivages méridionaux de l'Arabie; et, pénétrant dans l'intérieur de l'Asie, il a recherché où étoit la Sérique des anciens. Des circonstances particulières ayant forcé l'auteur de publier ces Mémoires séparément, il en a été inséré un extrait dans la partie historique du quaranteseptième volume du recueil de l'Académie.

Depuis l'établissement de la Classe d'histoire et de litté rature ancienne de l'Institut, M. Gossellin a fait connoître à cette Classe d'autres Mémoires qui sont la continuation des précédens, et auxquels il a cru devoir les joindre.

TOME I.er

GOLFE PERSIQUE.

Ces nouveaux Mémoires présentent les résultats de ses recherches sur les connoissances des anciens dans le golfe Persique, sur les côtes de la Gédrosie, et sur celles de l'Inde, jusqu'au point le plus éloigné où les navigateurs de l'antiquité sont parvenus. Puis, se plaçant à l'entrée du détroit actuel de Gibraltar, il porte ses recherches sur les côtes occidentales et septentrionales de l'Europe, c'est-àdire, sur les côtes de l'Ibérie, de la Gaule, de la Germanie, de la Chersonèse Cimbrique, de la Scythie ou Sarmatie Européenne, jusqu'au terme des connoissances transmises par Ptolémée. Il finit par les îles Britanniques et par celles qui les environnent.

Ces différens Mémoires, liés entre eux, et discutés d'après une méthode particulière à l'auteur, forment un ensemble qui embrasse le périple de toutes les côtes de l'Océan décrites par les anciens. Les mêmes raisons qui l'ont forcé de publier séparément les premiers Mémoires, l'ayant déterminé à faire imprimer pareillement ceux-ci, nous allons essayer d'en présenter l'analyse, en nous plaçant à l'entrée du golfe Persique, où il s'est arrêté dans l'un des Mémoires insérés par extrait dans le volume précédemment cité du recueil de l'Académie.

La plus ancienne navigation connue sur ce golfe remonte à l'an 326 avant l'ère chrétienne, à l'époque où Néarque et Onésicrite, partis de l'Indus, ramenèrent dans la Susiane la flotte qu'Alexandre leur avoit confiée. Les deux chefs de cette entreprise publièrent séparément les journaux de leur navigation : celui d'Onésicrite est perdu; il ne reste qu'un petit nombre de phrases isolées de ce qu'il avoit écrit: mais Arrien nous a conservé un extrait

du Périple de Néarque, très-suffisant pour indiquer la marche de ce navigateur.

Néanmoins, comme Strabon, Pline et Arrien ne paroissent pas d'accord sur les mesures générales que Néarque avoit données des contrées dont il a parcouru les rivages, M. Gossellin commence par chercher les moyens de ramener aux mêmes résultats les textes des trois auteurs précédens. Il fait voir que les mesures de Néarque ne sont complètes dans aucun de ces écrivains; que, dès le temps d'Ératosthènes, le Périple du navigateur Grec avoit déjà éprouvé des altérations: il propose les corrections qu'il croit nécessaires pour rendre aux mesures de Néarque leur intégrité primitive; il fixe le stade, ou la mesure itinéraire dont cet ancien s'est servi, à III au degré; et il fait voir que le souvenir de cette mesure s'est conservé jusqu'à nos jours parmi les Indiens.

Après ces préliminaires, qui ne sont guère susceptibles d'être extraits, l'auteur, pour ne pas trop interrompre l'ordre de sa marche d'occident en orient, divise la navigation de Néarque en deux parties. Il prend la flotte d'Alexandre vers le milieu de sa route, lorsqu'elle arrive au grand promontoire de la Carmanie, c'est-à-dire au cap de Jask, pour la suivre dans l'intérieur du golfe Persique, le long des côtes de la Carmanie, de la Perse et de la Susiane ; et il remet au Mémoire suivant à traiter de sa course antérieure, depuis l'Indus jusqu'au cap de Jask.

Néarque, selon Arrien, donnoit aux côtes de la Carmanie 3700 stades de longueur, quoique la réunion des mesures particulières qu'il rapporte ne s'élève qu'à

Arrian. Rer. Ind.cap.XXXII,

XXXVII.

Apud Strab.

lib. XVI, p.765.

Is. Voss. Obs. ad P. Mel. pag.

580.

3100 stades. Mais M. Gossellin fait voir, d'après plusieurs passages d'auteurs anciens, et par d'autres combinaisons, que la totalité de la navigation de Néarque, sur les côtes de la Carmanie, embrassoit, de l'aveu même de ce navigateur, 4100 stades.

Alors, appliquant ces mesures sur la carte moderne, l'auteur fait voir qu'elles indiquent le port de Badis dans celui de Jask; le lieu où la flotte s'arrêta ensuite, à Kuhestek; le promontoire Harmozum, dont le Périple ne parle point, mais qu'Eratosthènes avoit connu d'après les écrits de Néarque, dans le cap de Kuhestek; et le fleuve Anamis dans la rivière de Mina.

Néarque apprit que la contrée fertile où il se trouvoit, s'appeloit Harmozia; et il paroît que, dans l'ancienne langue des Perses, Harmuz ou Hormuz signifioit la même chose que le Phanicon des Grecs et le Palmetum des Latins, c'est-à-dire, un lieu fertile en palmiers. Il existe sur les bords de la rivière de Mina une ville du même nom, dont les environs sont encore renommés pour ce genre de culture. On sait qu'en 1302 une armée de Tartares, descendue du Turkistan, détruisit dans ces cantons un royaume et une ville d'Harmuz qui florissoient depuis long-temps : les excès commis par ces barbares obligèrent les habitans d'abandonner leur patrie, et d'aller s'établir dans l'île de Gérun, à laquelle ils communiquèrent le L'Édrisi, pag. nom d'Hormuz, ou d'Ormus, selon l'orthographe adoptée en Europe. La destruction d'Harmuz a fait disparoître sa première dénomination; et la ville qui remplace maintenant l'ancienne, a pris le nom de Mina, de la rivière qui pag. 453-456. baigne ses murs.

129.

Abuled. p.261,

262.

Turon - Shah, pag. 83, 92.

Kiatib-tchéleby,

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