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° Mon objet principal est de prévenir le duel autant que la chose est humainement possible, et le vrai moyen d'arriver à ce but, sera l'étude approfondie du droit naturel dont l'enseignement doit faire la base de toute éducation, sans excepter celle qui sera donnée dans les écoles militaires; l'on sait à ce dernier égard (si l'on me permet une pareille citation), que GustaveAdolphe, qui, durant une guerre de trente ans, a su mériter l'estime de ses ennemis, consultait tous les jours le traité du Grotius de jure pacis et belli.

Ceux qui nient l'existence du droit naturel trouveront sans doute que son étude est fort inutile, mais comme leur nombre sera toujours extrêmement circonscrit, et qu'ils ne colporteront jamais ieurs aphorismes que sous le manteau, ils ne peuvent nous inspirer une grande inquiétude.

Quant à ceux qui admettent des principes antérieurs aux lois humaines, ils reconnaîtront avec nous, s'ils ne veulent pas tomber dans une inconséquence vraiment inexcusable, que dans tous les temps, mais surtout après une révolution comme la nôtre, l'enseignement que nous demandons est devenu d'une nécessité indispensable.

2o Sous les anciennes lois, nos magistrats ne s'oc cupaient des affaires de duels qu'avec une répugnance infinie; ils sentaient qu'elles n'étaient pas approuvées par l'opinion publique ; dans celles que nous proposons, ils auront un autre sentiment, ils verront qu'ils travaillent

plus pour prévenir et empêcher le mal, que pour le punir, et chacun d'eux s'empressera de faire son devoir.

3o Enfin, nul recours en grace de la part des duellistes ne sera admissible, par conséquent, les jugemens ne pourront plus éprouver ni retard, ni entrave.

Tels sont les effets palpables des mesures que je propose; certes, elles n'ont rien de ce que l'on pourrait appeler de l'utopie, chacun voit qu'elles sont d'une exécution extrêmement facile. L'on ne dira pas non plus qu'elles seront trop faibles, tout esprit droit reconnaîtra qu'il n'existe sur la terre ni usage national, ni préjugé, ni mœurs anciennes qui puissent résister au traitement quotidien que nous réservons au duel. J'ose donc espérer que l'opinion publique ne désapprouvera ni nos intentions, ni nos projets.

J'ai dit plus haut, en commençant mon dernier article, qu'une grace, oui, une seule grace, ruinerait mon systême de fond en comble, d'où j'ai conclu l'indispensable nécessité d'une loi où il sera déclaré par trône, qu'il renonce (sur le fait de duel), à l'exercice de sa faculté.

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J'étais intimement persuadé qu'une théorie aussi simple, si clairement justifiée par les résultats, de la théorie contraire ne pourrait trouver un seul contradicteur, mais je m'abusais singulièrement. L'on fait contre cet article de mon projet (qui est cependant le boulevard de tout l'ouvrage), des observations auxquelles je ne devais

pas m'attendre, et qui, j'en suis persuadé, appartiennent toujours à l'esprit de sophisme que je n'ai cessé de combattre. Cependant comme elles pourraient encore séduire quelques personnes, celles-là surtout qui, remplies d'indifférence sur toutes choses, veulent qu'on laisse aller le monde comme il va, j'aurais cru ne pas remplir ma tâche, ou manquer à mon devoir, si je ne rendais compte de ces mêmes observations : ce sera pour chacun de mes lecteurs le moyen de les estimer à leur justé valeur, et pour moi, celui de montrer que j'ai cherché à ne rien négliger pour donner à ma dissertation tout le développement qui était en mon pouvoir.

Observations sur la renonciation que Sa Majesté sera suppliée de faire au droit de grâce en matière de duel seulement.

Les peines, me dit-on, que mon projet réserve aux duellistes, sont tellement modérées, tellement légères, que déjà dans la réalité elles sont de véritables grâces, relativement au délit ou au crime qui sera commis par eux, jamais dans un tel état de choses aucun des condam nés n'aura l'idée de recourir à la clémence royale (ce serait une sorte de folie), d'ailleurs, toute pétition à cet égard ne manquera pas d'être rejetée sur la simple étiquette; or, si tel est le cours naturel des choses, (et je ne puis raisonnablement en douter), la déclaration que je juge si nécessaire sera sans objet, et deviendra, dans mon propre système, un rouage absolument inutile. Il y a plus, outre que cette déclaration sera inutile,

et inconvenante en soi, elle deviendra encore une mesure fausse et dangereuse en politique, car il se peut rencontrer un jour ou un autre des conjectures, tellement impérieuses, que dans l'intérêt même de l'état, le monarque ne puisse se dispenser de faire grace à tel ou à tel duelliste, etc., etc.

Voilà les observations doucereuses que l'on fait contre les maximes les plus claires et les faits les plus certains, mais il est évident qu'elles recèlent un piége, dont nous ne pouvons assez nous garantir et c'est ce qu'il sera très-facile de vous démontrer.

Oui sans doute, les peines fixées et graduées par mon projet, seront déjà de véritables graces accordées par la loi relativement au crime à atteindre. Elles ont été ainsi combinées à dessein, pour que les duellistes se voyant réprimés avec une modération toute paternelle, ne songeassent plus à fatiguer les marches du trône par des sollicitations indiscrètes, et que le prince de son côté, ne donnât aucune attention aux suppliques de cette espèce, et s'il était vrai que mes combinaisons eussent répondu à mes désirs, j'aurais tout lieu de me féliciter d'un pareil succès, mais les personnes qui savent combien est susceptible de sa nature, le caractère de la nation, et observent de près ce qui se passe au milieu de nous depuis la restauration de la monarchie, conviendront qu'aujourd'hui, en France, l'on recourt à la bonté du roi, autant pour de simples jugemens correctionnels, que pour les condamnations les plus terribles du code pénal. La confiance

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qu'inspire un gouvernement paternel et héréditaire, ne connaît pas plus de bornes que son affection, et ceux qui savent jusqu'où va la susceptibilité française, surtout dans les classes où le génie du duel reçoit le plus d'hommages, seront convaincus avec moi de la nécessité d'une déclaration qui seule peut assurer notre législation, contre les efforts directs ou indirects qui ne manqueront pas d'être faits pour la renverser.

Il est dans ces classes, des personnes aux yeux desquelles une arrestation de douze mois, une surveillance de vingt-quatre, un petit retard dans la carrière, un jugement transcrit sur un régistre public, seront des peines cruelles et insupportables, il ne sera donc sorte de moyens que les familles de ces duellistes n'employeront pour obtenir leur grâce, et quoiqu'une grace soit dans le droit, la confirmation du jugement qui a condamné, cependant la multitude la regarde comme un absolution solennelle, et voilà pourquoi elle sera sollicitée avec cette habileté et cette science, que la pratique seule peut faire connaître. Services des ancêtres, services personnels, une grande et excellente alliance qui va manquer, le désespoir d'une mère qu'un refus va précipiter au tombeau, etc., etc. rien ne sera négligé, et si la source des grâces pour le duel n'est point tarie par une montagne d'airain, il sera difficile de croire que quelques-unes ne puissent jamais s'en échapper, et en vérité, le contraire me semble être au-dessus des forces humaines. Mais si une fois, un duelliste a obtenu son pardon, pourquoi tous les autres qui le demanderont

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