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Tandis que nous étions occupés à former les Affemblées que nous devons à votre fageffe, nous avons lu avec étonnement une proteftation contre un de vos Décrets. Toutes les

Affemblées primaires ont chargé leurs Électeurs d'exprimer leur indignation. Nous avons élevé la voix à l'envi les uns des autres. Un cri unanime a éclaté contre ceux qui ont ofé figner une fem blable proteftation.

Comment ont-ils pu penfer qu'ils pouvoient ainfi donner à la Loi une marque publique de mépris? Certes, à moins de livrer fa Patrie à fes ennemis, il eft impoffible à un François de commettre un crime plus inoui que de dire: Voici la Loi, je la lis, & je proteste contre elle.

Eft-il donc dans l'Empire un individu ou une corporation qui ofe prétendre que chacun peut n'observer de la Loi que ce qui s'accorde avec fon intérêt, & rejeter tout ce qui paroît le bleffer?

Ils ne ceffent, ces mêmes hommes, de s'éerier dans leur aveuglement, que vous avez paffé les Pouvoirs que la Nation vous a donnés, & que vous avez diminué & avili l'autorité royale. Eh! que vous avions-nous demandé ? Une Conftitus

tion libre & monarchique. Qu'avez-vous fait ? Vous avez affuré notre liberté; le Monarque règne fur les François, & les François font retentir tout l'Empire des acclamations de leur amour pour fon augufte Perfonne.

Quelle idée ont-ils donc de la grandeur royale, s'ils ne la mefurent pas fur l'élévation de ceux qui obéiffent? La différence eft grande entre commander à des efclaves, & commander à des hommes.

Loin de nous ces idées coupables. Pénétrés de la fageffe de vos Loix, & du respect avec lequel nous devons les recevoir, nous les bénissons unanimement, & particulièrement les Décrets fur les Affignats, fur la vente des Biens nationaux, & celui que l'efprit même de l'Evangile vous a dicté fur la Religion. Nous jurons de répandre pour leur défense la dernière goutte de notre fang. Nous déclarons infâmes & traîtres à la Patrie, tous ceux qui oferoient défobéir à vos Décrets sanctionnés par le Roi, ou qui fe permettroient des proteftations contre eux. Nous les youons à l'exécration de tous les bens Citoyens,

Pourfuivez, Meffieurs, avec le même courage vos fublimes travaux. N'en détournez pas vos regards pour écouter les cris frénétiques de

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l'envie, la voix fordide de l'intérêt foutenu du fanatifme, les clameurs impuiffantes de l'orgueil humilié, & la voix lâche de ces hommes pufil lanimes à qui les mouvemens généreux d'une Nation libre font regretter le repos léthargique, dont les defpotes favent faire jouir leurs esclaves, pour les empêcher de s'appercevoir qu'ils portent des fers:

Pour nous, nous fomines déterminés à vivre & mourir libres fous l'empire de la Loi. Si jamais l'on ofe attaquer cette liberté, nous en déploierons l'étendard facté. Nous montrerons ce que peut le courage françois animé par l'amour de la Patrie. Vivre & mourir libres, tel eft notre cri de ralliement.

Quel lieu plus digne que cette enceinte de retentir des actions de graces que nous adreffons ati Monarque, qui s'eft uni à vous pour notre bonheur ! Nous allons lui porter l'hommage de notre reconnoiffance. Nous allons lui dire qu'il vivra à jamais dans nos cœurs, que nous apprenons à nos enfans à le bénir, & qu'un concert unanime d'amour & de vénération portera fon nom à la dernière postérité.

A Paris, chez BAUDOUIN, Imprimeur de L'ASSEMBLÉE
NATIONALE, fue du Foin-Saint-Jacques, N. 3r."

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Prononcé par M. de PUYSÉGUR, Colonel du Régiment de Strasbourg artillerie, à la barre de l'ASSEMBLÉE NATION ALE, dans la Séance du Jeudi 10 Juin 1790.

MESSIEURS,

S'IL eft une récompenfe digne de vous être offerte pour prix de vos nobles travaux c'eft fans doute le recit des vertus qu'ils doivent faire naître un jour c'eft dans cette vue, Meffieurs, que je prends la liberté de vous faire le recit cijoint :

Le premier de ce mois, le nommé Mangin, Caporal de la Compagnie de Buchet, Régiment de Strasbourg artillerie, étoit au marché où il venoit d'acheter des légumes: un particulier fe baiffe auprès de lui, lui dit quelques mots en allemand dépofe à fes pieds une bourfe neuve de chamois dans laquelle étoit une fomme' de deux cent quarante-cinq livres, & difparoît. Ce Caporal étonné du préfent, regarde, & apperçoit celui qui le lui avoit fait, fe perdant dans la foule. A uffi tôt il fe décide à porter cette bourfe & à faire fa déclaration au Maire de Strasbourg, des procédés duquel le Régi

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ment n'a eu qu'à fe louer dans toutes les occafions. Le Maire enchanté de la délicateffe & du défintéreffement de ce Caporal, a dreffé procès-verbal du fait, & lui a dit de garder cet argent jufqu'à ce qu'affuré que ce n'eft point un vol, il lui faffe dire d'en difpofer.

Mangin eft revenu enfuite a fon quartier, a fait la même déclaration au Commandant de fon Rément, & a dépofé la fomme chez le Quartier-Maitre-Tréforier, qui lui en a donné un reçu.

Quel peut être le but qu'on fe propose en faifant de pareilles générofités au Régiment de Srasbourg ? Seroit-ce pour échauffer fon civifme....Non, fans doute, çar l'on n'ignore pas qu'il l'a manifefté dans plufieurs occafions, & que fon refpect pour l'Affemblée Nationale égale fa foumiffion pour tous les Décrets. Ce ne peut être non plus pour augmenter fon amour pour le Roi, car il n'eft aucun individu, depuis le chef jufqu'au plus jeune foldat de ce Régiment, qui ne versât fon fang pour lui: eft-ce donc pour engager les canoniers au bon ordre & au refpect pour la difcipline? Pas davantage, car tout le monde fait à Strasbourg qu'aucun d'eux ne veut s'y fouftraire, & que collectivement ils ont pris l'enga gement folemnel de s'y foumettre & de la maintenir. L'on ne peut donc deviner le motif d'un pareil don, mais qui n'ayant point été expliqué, ne peut que paroître suspect.

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