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ment le droit de lui répondre: Donne-moi ton travail.

Ici se présente ce grand principe long-temps méconnu dans nos institutions sociales :

La misère des Peuples est un tort des Gouver

>> nemens ».

Si l'administration d'un Etat n'est pas telle que le travail y soit dans la proportion des hommes qui ne peuvent vivre sans travailler, elle favorise la mendicité, le vagabondage, et se rend coupable des crimes produits par la pauvreté sans ressource.

Si une charité indiscrète accorde avec insouciance, un salaire sans travail, elle donne une prime à l'oisiveté, anéantit l'émulation et appauvrit l'Etat.

L'enfant, le vieillard, que la société doit secourir gratuitement, ne sont cependant ainsi secourus que parce qu'ils promettent du travail ou qu'ils en ont donné, le malade, par un sentiment pressant d'humanité auquel cède toute autre considération.

L'homme enfin qui préfère au travail la mendicité, devient dès-lors coupable envers la société, et mérite sa sévérité et la répression la plus prompte.

Ces principes renferment tout le systême des secours qu'un Etat doit à ceux de ses membres qui sont sans ressources personnelles. Ils semblent d'une telle évidence, qu'ils ne peuvent être con

testés; c'est leur exécution, exacte que la législation doit assurer.

Aucun Etat encore n'a considéré les pauvres dans la Constitution. Beaucoup se sont occupés de leur procurer des secours, beaucoup ont cherché les principes de cette administration, quelques-uns en ont approché ; mais dans aucun pays les loix qui l'établissent ne sont constitutionnelles. On a toujours pensé à faire la charité aux pauvres, et jamais à faire valoir les droits de l'homme pauvre sur la société, et ceux de la société sur lui. Voilà le grand devoir qu'il appartenoit à la Constitution françoise de remplir, puisqu'aucune n'a encore autant reconnu et respecté les droits de l'homme.

C'est en acquittant ce devoir que la Constitution attachera à sa conservation cette classe nombreuse, jusqu'ici reprouvée, en apparence, par la société, et que de bonnes loix, secourant de la manière la plus utile cette classe indigente, amélioreront les mœurs par le travail, préviendront tous les vices qui naissent si nécessairement de la misère diminueront la pauvreté, et multiplieront ainsi le nombre des véritables Citoyens.

Mais cette législation qui doit s'élever dans ses différentes branches sur des bases uniformes, qui doit être toujours conséquente dans ses applications doit faire encore partie intégrante de la Constitution. Elle doit être dans elle, c'est-à-dire,

qu'elle doit être telle, que sans elle la Constitution seroit imparfaite; car, comme la classe intéressante et nombreuse qui réclame les secours de la société, est partie intégrante de cette société, la législation qui gouverne cette classe doit faire partie nécessaire de la Constitution établie pour cette société, autrement elle pourroit être une belle conception de l'esprit, mais elle ne seroit pas la législation adaptée à un pays gouverné par une Constitution, dont cette législation ne seroit qu'un hors-d'œuvre.

Cette législation qui a pour objet de secourir la pauvreté, doit avoir principalement en vué d'en rechercher et d'en détruire les causes. Déja ceux de vos Décrets qui ordonnent la division des biens nationaux dont vous avez déterminé l'aliénation, à la commodité d'un plus grand nombre d'acquéreurs, qui délivrent les biens fonds d'une foule d'assujétissemens qui en éloignoient les possesseurs, qui font disparoître toute distinction dans la nature des biens, appellent à la campagne plus d'habitans et plus de fonds, augmentent le nombre des propriétaires, multiplient les moyens de travail, et assurant le perfectionnement de l'agriculture et des manufactures, attaquent ainsi victorieusement la pauvreté dans ses sources véritables.

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L'influence de votre Constitution, améliorant les mœurs, amenant l'amour du travail, aura sans doute encore un effet certain sur la diminution de

la pauvreté; mais rien ne la peut détruire entière ment; trop de causes malheureusement se réunissent pour l'entretenir et la faire renaître; et l'on peut dire qu'elle trouvera, par la révolution même, un accroissement passager qui disparoîtra bientôt sans doute, qui sera remplacé plus ou moins promptement par une prospérité réelle et plus étendue, mais qui n'en est pas moins un mal qu'il faut soulager.

C'est cette pauvreté sans ressource, cette pauvreté, si l'on peut le dire nécessaire ? › que la Nation doit secourir de tous les moyens que ses besoins exigeront; elle en a pris l'engagement, et cet engagement est sacré, il est un devoir. Mais c'est dans la législation qui doit assurer ces secours, que la Constitution doit chercher encore les moyens d'en diminuer la nécessité, et d'employer à cette intention vraiment morale, vrai ment politique, ces secours eux-mêmes.

La législation qui a pour objet les secours à donner à la pauvreté, présente, il n'en faut pas douter, de grandes difficultés.

Le Législateur continuellement placé entre la crainte de ne donner qu'une assistance incom→ plette, et de laisser ainsi des malheureux, ou sans secours, ou sans la masse de secours qui leur est nécessaire, et entre la crainte d'accroître par une assistance trop entière le nombre de ceux qui voudroient être assistés, et par conséquent l'oisiveté

et la fainéantisè doit éviter soigneusement ces deux écueils, et ils se touchent de bien près. Insuffisancede secours, c'est cruauté, manquement essentiel aux devoirs les plus sacrés ; assistance superflue, c'est destruction des mœurs, de l'amour du travail, c'est désordre, c'est injustice enfin puisque c'est employer des fonds publics par-delà l'exacte nécessité.

La charité pouvoit sortir des bornes de cette sévère précision, elle pouvoit se laisser aller aux douces impressions de la sensibilité, de la bienfaisance, et ne considérer dans l'assistance qu'elle donnoit à ce qui étoit, ou ce qui lui sembloit le malhear, que le bonheur de faire du bien. Tout ce qui n'est pas nécessaire avec sévérité, est interdit à une nation qui, dans la distribution des secours, ne doit opérer qu'un acte de justice, et qui ne doit jamais perdre de vue les suites funestes d'une trop grande facilité.

De là ce principe sévère en apparence, mais juste et nécessaire à observer dans la législation des secours, que l'homme secouru par la Nation, et qui est à sa charge, doit cependant se trouver dans une condition moins bonne que s'il n'avoit pas besoin de secours, et qu'il pút exister par ses propres ressources; principe aussi éloigné, dans son exécution, de la dureté que de la profusion, mais principe essentiellement nécessaire, et qui bien suivi est moral, politique, hu

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