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se vit abandonné de ses domestiques, même pour les choses nécessaires à la vic. Ceux qui se dévouèrent pour le servir crurent devoir prendre des précautions comme envers un pestiféré; ils jetaient aux chiens la desserte de sa table, et faisaient passer par le feu toutes les choses qu'il avait touchées, afin de les purifier. Urbain II excommunia, en 1094, Philippe I, qui avait répudié, trois ans auparavant, sa femme Berthe, fille de Florent, comte de Hollande, dont il avait eu plusieurs enfans, pour épouser Bertrade de Montfort, enlevée à Foulques Rechin, comté d'Anjou, son mari. La mort de Berthe, qui survint peu de temps après, avait fait espérer au roi que le pape approuverait son mariage avec Bertrade; mais il fut excommunié de nouveau en 1099, au concile de Clermont. Ce ne fut qu'en 1103 qu'il reçut à Paris l'absolution de son excommunication par Lambert, évêque d'Arras, député à cet effet par le pape Paschal II, à condition qu'il ne verrait plus Bertrade (1). L'empereur Henri V fut excommunié dans un concile qui se tint à Reims, à l'occasion des investitures. En1215, le pape Innocent III lança les foudres de l'église contre Louis, fils de Philippe-Auguste, qui fit une descente en Angleterre, où il fut couronné roi,

(1) Le roi ne tint pas sa promesse; car on lit dans un cartulaire de Saint-Nicolas, d'Angers, qu'en 1106, le 6 des ides d'octobre, Bertrade fut à Angers avec Philippe, pour voir Rechin son premier mari; que Rechin les reçut magnifiquement, et que Bertrade les servit tous deux à table. Apparemment que le comte d'Anjou était d'accord de ce second mariage.

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après avoir défait Jean-Sans-Terre contre lequel les Anglais s'étaient révoltés. —Anciennement, toutes les fois que les papes avaient des différens avec les rois, ils excommuniaient, ils interdisaient; les excommunications et les interdits ne leur coûtaient rien : ils les prodiguaient. Saint Louis en fut menacé. Un homme en pénitence publique, était suspendu de toute fonction civile, militaire et matrimoniale; il ne devait se faire ni les cheveux ni la barbe; il ne devait pas même changer de linge.— Dès qu'on avait quelqu'intérêt civil avec les ecclésiastiques, si on les appelait devant le juge séculier, on était aussitôt excommunié, ainsi que le juge qui osait les citer à son tribunal. Il était permis de piller les biens d'un excommunié jusqu'à ce qu'il fût absous, et cette absolution ne se donnait pas à bon marché.-Le clergé, en France, n'a toujours eu la vertu de continence. Un concile de pas Reims, en 1119, excommunia tous les ecclésiastiques mariés, les priva de leurs bénéfices, défendit d'entendre leur messe, déclara leurs enfans bâtards, et permit aux seigneurs de les réduire en servitude, et de les vendre. Cette excommunication contre les ecclésiastiques mariés fut plus efficace que celle qui fut prononcée l'année suivante, par l'évêque de Laon, contre les chenilles et les mulots, qui faisaient beaucoup de tort à la récolte (1). En 1243, le pape excommunia l'empereur Frédéric II, et ordonna que sa sentence fût publiée partout (2). Le malheureux roi Jean, fait (1) Voyez l'article Animaux.

(2) Un curé de Paris monta en chaire; et au lieu de

prisonnier à la bataille de Poitiers, le 19 septem– bre 1356, avait été excommunié, à la sollicitation de ses créanciers: mais Louis de Bourbon le fit absoudre après sa mort, afin de faire prier Dieu pour lui, et sur la parole qu'il donna que les dettes de son père seraient acquittées.-En 1568, sous Charles IX, le pape Pie V publia la bulle in cœnâ Domini, par laquelle il excommunie tous les princes et autres qui exigeront des ecclésiastiques quelque contribution que ce puisse être. Cette bulle fut supprimée par le parlement en 1580.-Sixte-Quint, successeur de Grégoire XIII, excommunia, en 1585, le roi de Navarre et le prince de Condé, et les déclara indignes de succéder au trône. Le roi de Navarre indigné, appela comme d'abus de cette bulle, tant au parlement qu'au concile général, et fit afficher son acte d'appel aux portes du Vatican. Cette démarche hardie lui attira l'estime du pape même. Ce prince, sous le nom de Henri IV, fut encore excommunié par Grégoire XIV en 1590.

faire la lecture de la bulle avec les cérémonies accoutumées, il dit à ses paroissiens : « Vous savez, mes frères, que j'ai ordre de fulminer une excommunication lancée contre Frédéric ; j'en ignore le motif. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a entre ce prince et le pape, de grands différens et une aliénation implacable. Dieu seul connaît qui des deux a tort; c'est pourquoi de toute ma puissance, aussi loin qu'elle peut s'étendre, j'excommunie celui qui fait injure à l'autre, et j'absous celui qui la souffre.-L'empereur, instruit de cette anecdote, envoya une récompense considérable au prédicateur. Mais le pape et le roi de France blâmèrent cette indiscrétion ; et le curé fut obligé d'expier sa faute par une punition canonique.

Dès qu'un excommunié dénoncé (1) entrait dans l'église, on devait faire cesser l'office divin; en cas que l'excommunié ne voulût pas sortir, le prêtre devait même abandonner l'autel; cependant, s'il avait commencé le canon, il devait continuer le sacrifice jusqu'à la communion inclusivement, après laquelle il devait se retirer à la sacristie pour y réciter le reste des prières de la messe. Dans la primitive église, la forme d'excommunication était fort simple les évêques dénonçaient aux fidèles les noms des excommuniés, et leur interdisaient tout commerce avec eux. Vers le neuvième siècle, on accompagna la fulmination de l'excommunication d'un appareil propre à inspirer la terreur : douze prêtres tenaient chacun une lampe à la main, qu'ils jetaient à terre et foulaient aux pieds : après que l'évêque avait prononcé l'excommunication, on sonnait une cloche, et l'évêque et les prêtres proféraient des anathèmes et des malédictions. Dans certains pays le peuple avait coutume de porter une bière devant la porte de celui qui venait d'être excommunié; chacun lançait à l'envi des pierres contre sa maison, en vomissant contre lui un torrent d'injures (2). --En Angleterre, l'excom

(1) C'était ainsi qu'on nommait celui dont l'excommu nication personnelle avait été publiquement déclarée et publiée.

(2) La formule de l'excommunication dont on se sert dans l'église grecque, déclare que celui qui en est frappé, est privé de l'union avec le Père, le Fils, et le Saint-Esprit; retranché de toute communion avec les trois cent dix-huit pères du concile de Nicée, et avec les saints; ren

munication a lieu contre toutes sortes de personnes. D'après les statuts 5 et 6 d'Edouard IV, celui qui, dans une église ou un cimetière, frappe un autre par colère, est déclaré excommunié ipso facto; et si le scandale était poussé jusqu'à frapper à main armée ou seulement jusqu'à tenter de frapper le coup, outre l'excommunication le délinquant, après la conviction par les jurés, perdrait une oreille; et au cas qu'il n'en eût point, il serait marqué de la lettre F sur une joue. En Irlande, où la religion catholique est pratiquée avec beaucoup de ferveur et avec une sorte d'esprit de parti, l'excommunication a des effets terribles. Des exemples assez récens l'ont prouvé (1).—Parmi les

voyé à celle du diable et du traître Judas, et enfin condamné à rester, après sa mort, dur comme une pierre, ou comme du fer s'il ne se repent. Les Grecs s'imaginent que ce dernier article de l'excommunication s'exécute à la lettre sur les cadavres qui meurent sans avoir été absous. Le diable, à les en croire, s'empare de ces malheureux, et leur fait faire les mêmes mouvemens que s'ils étaient en vie. Ces corps, habités par le diable, deviennent tout noirs, à l'exception des ongles qui restent blancs; et ils sont extrêmement durs. Les Grecs les nomment uroucolaques, mot dérivé d'urouca, bourbe, et laccos, fosse. Il y a de ces excommuniés dont ils prétendent que le ventre retentit comme un tambour, lorsqu'on frappe dessus, et qu'on appelle pour cette raison tympanitiques. Ils sont persuadés que ces corps demeurent dans cet état jusqu'à ce que le prêtre qui les a excommuniés leur ait donné l'absolution.

(1) Le tribunal des assises de Corck a jugé, en 1305, une cause de ce genre. Un boulanger de Clonakilty, nommé Donavan, a intenté une action contre le vicaire-général de

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