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résulte naturellement, au commencement de l'ascension, de la diminution de vitesse, pourrait faire éclater les chaudières. L'explosion terrible qui eut lieu en 1839 sur la pente du Rain-Hill, au chemin de Liverpool à Manchester, n'a pas eu d'autre cause. Cependant il convient d'observer que les accidents de cette nature sont extrêmement rares, et qu'ils ne doi-. vent guère se présenter que sur les convois de marchandises, comme dans le cas que nous venons de citer (1).

L'ascension des pentes ne présente d'ailleurs aucune autre chance de danger. Si une voiture venait à se détacher du convoi, lorsque celui-ci serait arrivé au sommet de la pente, cette voiture ne pourrait, en aucun cas, venir heurter un autre convoi montant; d'abord parce que deux convois ne doivent jamais se suivre immédiatement, ensuite parce qu'il est à peu près impossible que les deux chaînes et la tige à vis qui lient les voitures entre elles puissent se rompre au même instant. - Dans le cas, tout aussi peu probable, où la locomotive, arrivée au sommet de la rampe, pourrait refuser tout service par suite d'un dérangement quelconque, le convoi glisserait probablement en arrière; mais l'action des freins sur les roues et celle de la vapeur sur le piston suffiraient pour modérer la vitesse de la descente et prévenir tout accident.

Du reste l'expérience s'est chargée de démontrer que les pentes fortes ne présentent aucun danger réel sous le rapport de la sécurité. Faisons remarquer qu'il s'en faut de beaucoup que les pentes citées dans les tableaux que nous venons de rapporter soient les seules qui existent en Angleterre : la plupart des railways construits depuis 1838 en présentent un grand nombre d'une aussi forte déclivité, de sorte que les occasions d'expéri

(1) Quoi qu'il en soit, ce danger qui existe, bien que dans de moindres proportions, sur niveau comme sur les rampes, ne fait sentir que plus vivement la nécessité de n'accepter pour mécaniciens que des hommes présentant le plus de garanties possible d'habileté, de prudence et de présence d'esprit. Si l'on considère que la vie des voyageurs est toujours entre les mains du mécanicien dirigeant le convoi, on ne peut mettre en doute que le meilleur moyen d'empêcher les accidents, et par contre d'augmenter la sécurité publique et la prospérité du chemin, serait d'accroître moralement la valeur de ces hommes, et de les relever de la condition subalterne qu'ils occupent.

menter sur ce sujet se sont présentées nombreuses et décisives. Il existe à Londres, au ministère du commerce (board of trade), une section qui, étant exclusivement chargée de la connaissance des accidents de tout genre qui arrivent sur les railways du royaume, publie sur chaque accident un rapport détaillé. Elle contrôle les assertions qui lui sont présentées, interroge les hommes qu'elle juge capables de l'éclairer, et présente annuellement un rapport raisonné', dans lequel se trouvent indiquées les causes de danger que l'expérience a mises en relief. De ces rapports résulte un fait décisif. C'est que sur 287 accidents de différents genres, survenus en trente mois (du 1er août 1840 au 31 décembre 1842), et dans lesquels 459 personnes (1), employés du chemin de fer ou voyageurs ont perdu la vie, il n'en est pas un seul qui puisse être attribué à l'effet de la pente du chemin.

Ce fait est assez concluant en lui-même pour qu'il puisse être nécessaire de rien y ajouter. Encore un mot cependant.

Si le board of trade ne regarde pas le degré d'inclinaison donné aux pentes comme une source d'accidents, il constate que la trop grande profondeur des tranchées et la hauteur des remblais menacent la sécurité des voyageurs; il reconnaît la nécessité d'augmenter la surveillance sur les parties ainsi construites, afin de prévenir des éboulements toujours dangereux (rapport pour 1841). La même recommandation figure sur le rapport de 1842, et la commission ajoute que les compagnies ne sauraient surveiller avec trop de soin les parties de leurs lignes en grande tranchée, parce que les éboulements de terre qui se sont renouvelés cinq à six fois sur diverses lignes ont entraîné les conséquences les plus fácheuses. En effet c'est

(1) La très-grande majorité de ces 287 accidents a frappé des ouvriers et employés du chemin de fer. Sur les 439 personnes qui ont perdu la vie, on ne compte que 100 voyageurs, et encore serait-il juste de retrancher de ce nombre 28 personnes tuées par suite d'imprudences par elles commises, de sorte que le nombre de victimes dont la responsabilité retombe sur les chemins de fer ne se monte en réalité qu'à 72, soit environ 30 par année. Si l'on observe que pendant cette période de temps les railways anglais ont porté plus de 40 millions de personnes, on restera convaincu que les chemins de fer sont encore un des moyens de voyager qui offrent le plus de sécurité.

à des mouvements de terrain, provoqués par des temps humides, que sont dus plusieurs accidents du caractère le plus grave, et notamment celui du Great- Western, dans lequel 9 voyageurs perdirent la vie et 12 autres furent grièvement blessés.

Or c'est précisément en renonçant aux chemins de fer systématiquement de niveau qu'il deviendra possible de ramener à des proportions rassurantes pour la sécurité des voyageurs la profondeur des tranchées et la hauteur des remblais. On voit que, au lieu d'être une cause d'accidents, l'établissement des chemins à fortes pentes paraît au contraire devoir en éviter un grand nombre. On voit que ces chemins n'augmentent en rien le chiffre des frais d'exploitation, et qu'ils permettent de réaliser dans leur construction une grande économie, par cela seul qu'ils rendent inutiles les immenses travaux entrepris dans l'unique but de maintenir constamment la voie dans un niveau à peu près parfait.

Il est donc établi que, dans la construction des chemins de fer, on peut adopter sans inconvénient des conditions d'art moins rigoureuses que celles qui avaient paru jusqu'ici indispensables. Cette considération peut être d'une haute importance, pour la France surtout, qui entreprend en ce moment la construction du vaste réseau qui doit sillonner son territoire. C'est ce fait seul qui nous a déterminé à donner à l'examen de la question des pentes des développements qu'il nous serait impossible de donner aux divers autres éléments dont se compose l'établissement des chemins de fer, à moins de sortir du cadre et des limites que nous nous sommes imposés en entreprenant cet ouvrage.

CHAPITRE III.

DES PLANS INCLINÉS.

Des différents systèmes de plans inclinés. De leurs avantages et de leurs inconvénients. Frais d'exploitation et d'établissement des plans inclinés.

Les plans inclinés ne sont rien autre qu'un chemin de fer, ordinairement à deux voies, disposé en pente très-forte, au lieu d'être à peu près de niveau. On peut donc dire, toutes les fois qu'un chemin de fer n'est pas rigoureusement de niveau,

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qu'il est plan incliné. Cependant cette dénomination a été plus particulièrement réservée aux fortes inclinaisons, qui nécessi— tent des machines fixes pour remorquer les convois.

On établit un plan incliné chaque fois que l'on rencontre dans l'exécution d'un chemin à grande vitesse des inégalités de terrain qui, à moins de travaux de terrassement trop considérables, s'opposent à l'établissement des pentes d'une inclinaison ordinaire. Les plans inclinés étant sujets à plusieurs inconvénients, que l'on ne rencontre point à un même degré sur les autres parties du chemin, l'on n'y a généralement recours que dans les cas d'absolue nécessité, et lorsque leur établissement peut donner lieu à de grandes économies dans les frais de construction. On s'attache alors à prolonger, autant qu'on le peut, la rampe que son peu d'inclinaison pourra rendre encore praticable pour les machines locomotives. On en agit ainsi, afin de donner au plan incliné le moins de longueur possible. On s'attache aussi, dans l'exécution d'un plan, à ne pas lui faire décrire de courbe, afin que l'œil en embrasse à la fois toute l'étendue, et que d'une station à l'autre on aperçoive sans peine le moindre obstacle qui pourrait contrarier le mouvement (1).

2 1.

DES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE PLANS INCLINÉS.

La traction sur les plans inclinés s'opère : 1o Par la gravitation;

2o Par des machines fixes;

3o Par des locomotives de fortes dimensions.

Les wagons descendent de leur propre poids aussitôt que la pente atteint une limite telle que la gravitation puisse vaincre la résistance due au frottement. Cette limite varie généralement de 3 à 3,6 millièmes, de sorte que les moteurs sont inutiles sur toutes les parties d'un chemin de fer où la pente est maintenue à ce taux. Les convois augmentent de vitesse, sui

(1) Sur les plans inclinés du chemin de Liverpool, pratiqués dans des souterrains qui empêchent que la vue s'étende de l'une à l'autre extré– mité, on a dû recourir à l'emploi d'un sifflet à vapeur, placé dans un tuyau qui parcourt toute l'étendue du plan.

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