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développé ces idées de la valeur morale des inventions de l'ordre matériel. Nous terminerons ce sujet en rapportant quelques-unes des paroles de l'eloquent orateur.

« On

cherche trop à avilir les intérêts matériels. Je dis que sous ces vils intérêts matériels se cache une pensée morale et profonde, une pensée de développement intellectuel, non-seulement pour le pays, mais pour l'Europe et pour le genre humain tout entier. Je dis que ces vils intérêts matériels ne sont au fond que des instruments dont vous dotez les idées dans le monde; je dis que vous ne connaissez pas, que vous ne pouvez pas connaître la portée de l'œuvre que vous allez faire pour la France et peut-être pour l'univers, car son exemple est une loi suivie en Europe. On ne sait pas, on ne sait jamais ce qu'on fait en touchant aux grandes inventions qui ont honoré l'èsprit humain; il n'y a personne qui sache ou qui puisse dire ici s'il y a plus de moralité, plus de développement de l'intelligence dans une pensée de l'ordre le plus élevé, dans une pensée de Platon par exemple, que dans l'invention des nachines à vapeur, que dans la pensée de Watt! Non, personne ne peut le dire, mais tout le monde dira que les inventions de l'ordre matériel sont le plus puissant véhicule des idées et des efforts de l'intelligence dans le monde » (discours du 10 mai 1842).

EXAMEN

Comparatif et Historique

DES GRANDES VOIES DE COMMUNICATION.

L'attention publique, depuis un petit nombre d'années, s'occupe activement de l'établissement des différentes voies de communication et des questions économiques qui s'y rattachent. Chacun reconnaît aujourd'hui que par les développements qu'elles impriment au commerce et à l'industrie, les voies de communication, grâce à l'invention de la vapeur, constituent l'auxiliaire le plus puissant du mouvement qui entraîne l'humanité dans les voies du bien-être matériel, lesquelles, comme nous l'avons vu, sont aussi celles de l'affranchissement intellectuel et de la culture morale.

Cette importance des voies de communication ne s'attache pas seulement à celles que dessert la vapeur. Quel que soit l'état d'imperfection où elles sont restées jusqu'à nos jours, et bien que leur importance ait été plutôt militaire que commerciale, les anciennes voies de transport occupent cependant un rang élevé dans l'histoire du progrès civilisateur qui, partout et à toutes les époques, nous les montre comme étant à la fois la cause et l'indice de la prospérité des peuplés : toujours on les voit se développer avec la civilisation et disparaître quand vient la barbarie; en un mot elles n'ont point cessé d'être le grand lien matériel de la sociabilité.

Ce rôle élevé des anciens modes de transport nous faisait une loi de déterminer, dans le cours de ce livre, la part d'influence qui leur restera dévolue par suite de la brusque apparition de la vapeur au sein des sociétés modernes. D'un autre côté, ayant à compléter les considérations que nous avons émises sur l'importance des voies de communication. dans l'ordre matériel, comme dans l'ordre intellectuel, moral et politique, il était indispensable de préciser auparavant les avantages qui leur sout propres, d'examiner la propriété distinctive de chacune d'elles, leur vertu particulière, si l'on peut ainsi parler, de tracer rapidement l'historique de leur établissement et celui des améliorations dont elles ont été successivement l'objet, soit en elles-mêmes, soit à l'aide du véhicule ou du moteur qui les dessert. Ce point essentiel éclairci, notre attention se trouvera suffisamment préparée au développement des matières qui sont l'objet de ce livre, et dont nous ferons l'exposé en terminant cet Examen comparatif des voies de communication.

COMPARATIF ET HISTORIQUE

DES GRANDES VOIES DE COMMUNICATION.

Considérations générales.

I. Des Routes ordinaires.

II. Des Voies navigables. III. Des Chemins de fer.
Conclusion et dessein général de cet ouvrage.

L'un des premiers besoins qui se soit fait sentir à l'origine des sociétés a été sans contredit celui d'effectuer entre des provinces, entre des pays que séparent de longues distances, la diffusion et l'échange des produits divers dont Dieu a doté les diverses régions. Ce besoin, en nécessitant le déplacement, des produits, a déterminé l'établissement et l'amélioration des voies de communication sans lesquelles ce déplacement eût été impossible.

L'établissement d'un système complet de voies de communication, non pas seulement entre les diverses provinces d'un même Etat, mais entre tous les Etats qui composent un même continent, a toujours été regardé comme le moyen le plus sûr d'effacer de nos sociétés toute trace d'antagonisme social ou politique, d'activer les progrès de la morale et de la civilisation, de répandre parmi les peuples l'aisance, le bien-être, et enfin d'accroître régulièrement et d'une manière constante les facultés productives des sociétés.

Les voies de communication ont pour effet de détruire l'antagonisme social et politique par la fusion des intérêts et l'intime rapprochement des individus et des nations; elles activent les progrès de la civilisation en atténuant les tristes suites de la routine et des préjugés populaires, en décentralisant les

grandes découvertes, les œuvres d'art et les travaux de la pensée; elles répandent le bien-être, en ce sens que la division du travail, en se répartissant avec plus de régularité, crée pour toutes les industries des débouchés nouveaux et plus nombreux; enfin les voies de communication figurent au premier rang parmi les moyens généraux qui servent à accroître la puissance productive des sociétés; car c'est par elles que se lient et se rapprochent les deux grands éléments de vitalité d'un pays, la production et la consommation; c'est par elles que ces élé– ments s'activent et se développent: elles donnent plus d'activité à la production par l'ouverture des débouchés et la possibilité d'écouler les produits à mesure qu'ils se forment; par la rapidité des transports, elles multiplient les échanges et amènent au commerce, ainsi qu'à l'industrie, des tributaires plus nombreux et des consommateurs jusque-là ignorés.

Un peuple privé de voies de communication sera réduit à vivre de ses propres ressources; il gardera une sorte d'originalité caractéristique et primitive dont seront éprises pour un moment quelques âmes poétiques; mais il sera complétement étranger aux arts comme aux sciences, et vivra dans un isolement essentiellement contraire aux développements de la civilisation, de l'industrie et du progrès. L'échange, la consommation des produits du sol et de l'industrie se trouveront ralentis, suspendus; des valeurs qui ne demandent qu'à changer de lieu pour s'accroitre rapidement, se déprécieront en restant sur place Chez un tel peuple, les bras restent inactifs, les esprits s'affaissent, tout languit; une population active, intelligente, laborieuse, se voit dans l'impuissance de féconder par son travail les sources de richesses que la Providence lui avait, départies.

Dans un pays qui se trouve au contraire doté de bonnes voies de communication, des inventions utiles surgissent tout à coup, des industries nouve les s'établissent; celles déjà existantes agrandissent le rayon de leur activité. Le commerce prend une extension relative; les ventes se multiplient, la concurrence s'établit. A mesure que les distances s'effacent et que le marc é national prend plus d'extension, l'offre et la demande se balancent mieux, avec plus de permanence et de suite; les prix se nivellent paisiblement et sans secousses; les capitaux circulent et se répandent; le bien-être s'établit. C'est par le

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