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royaume, mais à la limite de chaque province, mais à l'entrée de chaque ville.

La révolution de 1789, en délivrant la France et quelques autres Etats d'Europe des oppressions du régime féodal, a sensiblement amélioré cette déplorable situation. Cependant les dix années qui la suivirent furent improductives et stériles, quant à la perfection matérielle des moyens de viabilité. C'est qu'alors le plus important pour la France n'était plus d'améliorer son territoire, mais avant tout d'en maintenir l'intégrité et d'accomplir le rôle élevé que, la Providence lui avait donné mission de remplir. Le calme étant rétabli, de grandes améliorations matérielles furent projetées par le nouveau maître que s'était douné la France, lequel, à l'exemple des Césars romains, résolut de construire à travers l'Europe, et dans l'intérêt du maintien de sa puissance, de grands et magnifiques travaux de communication. Mais le temps lui manqua, et, presque seule, la route du Simplon demeure comme un monument impérissable de cette grande pensée.

Après la chute du conquérant, et lorsque les peuples, fatigués de guerres, tournèrent leur activité vers les occupations de la paix, ses projets furent continués et agrandis. Par l'impulsion puissante des idées progressives qui se firent jour de toutes parts, l'Europe occidentale se couvrit en quelques années de routes et de canaux. En même temps les barrières douanières commencèrent à s'abaisser; de hardis économistes, renversant les vieilles théories, démontrèrent les avantages de la liberté du commerce. Partout l'on vit des relations d'intérêt s'établir entre les nations pacifiées et fortifier les garanties d'union données par les traitės.

Depuis 1850 la France n'est point restée en arrière des autres nations, quant à l'amélioration de son territoire par les routes ordinaires. Le pays possède aujourd'hui, ou est sur le point de posséder, quatre ou cinq fois plus de routes qu'il n'y en avait de praticables sous l'empire. Une somme de près de cent millions (1) est annuellement employée à l'achèvement et

(1) Chaque année les départements s'imposent un sacrifice de 18 à 20 millions pour l'achèvement de leurs routes; les chemins vicinaux reçoivent, tant des départements que des communes, environ 20 millions; l'état de viabilité des che

à l'entretien de son vaste réseau de routes de terre. Cette vive impulsion donnée à des travaux peu brillants, mais éminemment utiles, est un des faits qui bonoreront le plus notre épo→ que; leur entier achèvement constituera un patrimoine qui, légué à nos descendants, sera l'indispensable complément de celui que nous ont transmis nos pères de 1789, et que des améliorations matérielles pouvaient seules faire largement fructifier.

Nos routes se divisent en routes royales ou de 1re classe, en routes départementales et en chemins vicinaux (1). Cette division, en permettant de concentrer les ressources du trésor sur les communications de premier ordre et celles des localités sur les communications secondaires, a été l'une des principales causes du bon état d'entretien et du développement considérable des routes de terre depuis ces dernières années. Toutefois de grands travaux sont encore à faire si l'on veut qu'elles atteignent la perfection qu'on leur voit en d'autres contrées, et que le pays s'est engagé à leur donner (V. à la page 631 le Tableau récapitulatif des voies de communication en France). Il s'agit moins, il est vrai, d'ouvrir de nouvelles routes que

mins communaux est maintenu tant bien que mal, principalement au moyen de prestations en nature, représentant un chiffre de plus de 30 millions; ce qui, avec les 25 millions portés au budget pour les routes royales, forme un total annuel de 90 à 95 millions. Quelque considérable que soit cette somme, elle le paraîtra davantage encore si l'on considère que les progrès accomplis dans la science des ingénieurs permettent d'obtenir, avec une somme donnée, des résultats presque doubles de ceux que l'on obtenait autrefois.

pense.

(1) Les routes de première classe ou routes royales composent les communications de premier ordre et relient tous les principaux points du royaume; elles sont l'expression de l'intérêt général : l'Etat s'en est réservé le domaine et la déLes routes départementales ont un intérêt plus restreint. Plus nombreuses et moins longues que les routes de première classe, elles servent à relier les villes de chaque département, que n'atteindrait point ou que desservirait imparfaitement le réseau principal. Le domaine direct en appartient toujours à l'Etat; mais la dépense en est payée sur les fonds départementaux. -Les chemins vicinaux se distinguent en chemins de grande et de petite communication. Les premiers ont pour objet de relier aux routes départementales et à celles de première classe les principaux centres de production agricole; les seconds, nommés aussi chemins communaux ou de petite vicinalité, se composent d'une multitude de lignes de faible longueur, de construction essentiellement économique, s'embranchant sur les autres, aboutissant aux plus faibles hameaux, et divisant le sol à l'infini pour en recueillir les fruits. Les chemins vicinaux de grande et de petite communication, placés sous la direction de l'autorité dépar– tementale, s'exécutent par le concours des départements et des communes.

d'entretenir et surtout améliorer celles déjà existantes. Mais cette œuvre est considérable, elle exige de grands efforts, et son accomplissement rendra nécessaire, pendant de longues années encore, l'emploi de toutes les forces vives du pays.

STATISTIQUE DES ROUTES EN FRANCE. En 1810 les messageries transportaient chaque jour de Paris dans les départements 220 voyageurs et 21,000 kilogrammes de marchandises; elles transportent aujourd'hui 900 voyageurs et 45,000 kilogrammes de marchandises, c'est-à-dire quatre fois plus de voyageurs et seulement deux fois plus de marchandises.

En France, la moyenne du voyage annuel est d'environ douze kilomètres par individu; elle est de trente-six à quarante kilomètres en Angleterre, malgré le taux des transports, de près de moitié plus élevé qu'en France.

En 1815, le chargement dans les voitures publiques ne formait que les trois septièmes du poids total; il en forme aujourd'hui les onze vingtièmes; il est des deux tiers en Angleterre, et des trois quarts en moyenne sur les chemins de fer.

La force motrice nécessaire pour produire le même effet a aussi diminué notablement depuis 1815, et la vitesse moyenne, qui n'était guère que de 4 kilomètres à l'heure, atteint aujourd'hui près de 9 kilomètres. La circulation par les voitures publiques en France a triplé depuis vingt ans.

Les perfectionnements nombreux que la construction des voitures a reçus ont sans aucun doute contribué à ces progrès; mais la cause essentielle, fondamentale, consiste dans l'extension prise par notre réseau de voies de communications ordinaires.

En 1815 le territoire actuel de la France comptait environ 3,000 lieues de routes de 1re classe, et 2,000 lieues de routes départementales. En 1829, l'étendue des routes à l'état d'entretien était de 4,205 lieues et celle des routes départementales de 3,200. La statistique générale au 1er janvier 1844 donne les résultats suivants :

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Enfin, en dehors de ces grandes voies, les chemins vicinaux de grande et de petite communication, au nombre de plus de 468,000, ont une étendue de 771,459 kilomètres, ou 192,865 lieues, dont 12,000 lieues seulement appartiennent aux chemins de grande vicinalité.

Plus loin, page 618, nous donnons la répartition de ces trois sortes de routes entre les divers départements.

UTILITÉ DES ROUTES. Les routes sont les voies de communication les plus répandues et les plus nécessaires. Elles ont sur toutes les autres l'avantage d'une construction plus économique (1), de mieux se prèter aux irrégularités du sol, d'enlever moins de terrains à l'agriculture, de pénétrer partout et d'admettre les modes de transport les plus divers. Mais un grave inconvénient vient diminuer la somme de ces divers avantages. Par l'inégalité de leur surface, les routes ordinaires, quelque bien construites qu'elles soient, produisent des frottements considérables (2) contre les véhicules qui les parcourent, et rendent ainsi les transports difficiles, lents et extrêmement coûteux (3). Néanmoins l'économie de forces qu'elles procurent, même en tenant compte du prix élevé de leur exploitation, est encore assez considérable pour les faire préférer aux autres voies de communication lorsqu'il s'agit de faibles distances et de lignes qui ne semblent pas destinées à recevoir une circulation active.

(1) La route de première classe, large de 12 mètres, coûte, par le système d'empierrement usité aujourd'hui, seulement 20,000 fr. par kilom., soit un septième environ du prix des canaux, et moins de un quinzième de celui des chemius de fer.

(2) La résistance des routes de terre à la traction est évaluée à un cinquantième du poids sur les routes pavées, et à un trente-cinquième sur les routes en empierrement. Mais, vu l'état habituel des routes, souvent couvertes de boue ou détrempées par les pluies, selon leur mode de construction, l'on s'accorde générament sur une moyenne de un quarante-cinquième sur le pavé et un vingtième sur les empierrements. Sur les chemins de fer, ce rapport n'est que de un deux centième de la charge.

(8) Les prix de transport sur les routes à l'état ordinaire d'entretien sont de 10 cent. par tonne et par kilom. par le roulage ordinaire, qui parcourt 28 à 30 kilom. par jour; de 35 cent. par le roulage accéléré, qui parcourt 66 à 70 kilom.; de 75 à 95 c. par lee diligences, qui ont une vitesse de 8 à 12 kilom, à l'heure. Moyennement, les voyageurs payent dans ces dernières, par kilom. et selon les places, 15, 12 et 8 c. Les malles-postes, qui font 16 kilom. à l'heure, dernière limite qu'il semble possible d'exiger de moteurs animés, ne prennent que 19 e.

Dans ce dernier cas, et principalement lorsque l'on a à transporter au loin des produits n'ayant que peu de valeur sous un fort volume, il y a avantage à employer un mode de transport qui a pour caractère essentiel de satisfaire aux besoins des transports économiques, de même que les chemins de fer aux transports rapides. Nous voulons parler des voies navigables et des applications qui en ont été faites.

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L'extrême économie dans le prix des transports, qui est le propre des voies navigables, provient de ce qu'elles admettent de plus forts chargements, que les voies ordinaires et qu'elles offrent une bien moindre résistance au tirage (1). Tout l'effort de la locomotion, les matières étant placées dans le bateau, et ce dernier se trouvant en équilibre et comme suspendu sur le fluide, se borne à déplacer la quantité d'eau qui se trouve à l'avant, et à vaincre le frottement assez léger de celle qui entoure les côtés. Sur les cours d'eau naturels, à la remonte, il reste encore à soulever les matières transportées selon la hauteur de la pente du courant, du point de départ au point d'arrivée. Quant à la descente, elle s'opère sans autre moteur que le courant.

Un inconvénient des voies navigables et qui contribue à en limiter l'usage, c'est que le tirage y augmente avec la vitesse plus rapidement que sur les autres (2). Aussi, quand on veut

(1) Cette résistance, qui est de un cinquantième de la charge sur les routes ordinaires, ne s'élève qu'à un deux centième sur les voies navigables, lorsque le tirage s'opère lentement.

(2) Jusqu'à une certaine limite (3m à 3m,50 par seconde), l'effort nécessaire au tirage sur les voies navigables augmente plus rapidement que le carré de la vitesse; mais au-dessous de cette limite il diminue pour augmenter de nouveau. C'est sur les résultats de ce phénomène remarquable, dont l'observation est venue renverser des lois scientifiques universellement admises, que l'on a établi le

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