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qu'on trouvait les premiers germes de cette cession de biens dans la loi Petilia; mais nous craignons que ce ne soit là qu'une supposition sans fondement, parce qu'il est impossible d'établir d'une manière certaine que le passage de Varron, sur lequel se fonde cette opinion « omnes qui bonam « copiam jurarunt ne essent nexi sed dissoluti », fasse allusion à la loi Pétilia. Tous les auteurs, nous dit M. Tambour, sont d'accord pour admettre que le texte de Varron a été altéré et qu'il devait parler de la loi Popilia. Du reste, en admettant même que le juramentum bona copiæ puisse remonter à la première de ces lois, encore faudrait-il, pour prouver l'existence de la cessio bonorum dans l'ancien droit, déterminer le sens exact de cette disposition à laquelle chacun, par d'excellentes raisons en a trouvé un différent; rien n'est donc sûr en cette matière, si ce n'est que la loi Julia a, sinon créé et organisé, du moins réglementé la cessio bonorum d'une telle manière qu'elle peut passer pour sa véritable, origine et que nous trouvons au Code Théodosien un titre intitulé « Qui bonis ex lege Julia cedere possunt. »

La cession de biens est un bénéfice que peut invoquer le débiteur qui veut éviter l'exécution sur sa personne; elle semble dès lors devoir être toujours précédée d'une condamnation ou d'un aveu en justice. Nous pensons qu'elle a existé cependant en dehors de ces deux circonstances, car, dans la loi 8 D., De Cess. bon., 42, 3, on lit : « Qui cedit ▷ bonis, antequam debitum agnoscat, condemnetur, vel in » jus confiteatur audiri non debet. » Cette loi suppose un aveu extrajudiciaire.

On a soutenu, il est vrai, que ce texte était interpolé, mais, comme on n'en rapporte aucune preuve, nous ne nous arrêterons pas à ces suppositions, qui doivent tomber du reste après la lecture du § 78, C. III, de Gaïus, dans lequel ce grand juriconsulte, énumérant les débiteurs dont on peut vendre les biens, range dans deux classes distinctes ceux qui sont judicati et ceux qui ex lege Julia bonis cesserunt.

Le débiteur qui voulait faire une cessio bonorum était autrefois astreint à remplir certaines formalités. La loi 6 au code, 7, 71, nous apprend que ces formalités sont supprimées et qu'il suffit de la professio. « Sola professio quærenda est. » Tambour croit que la professio est un aveu judiciaire et enseigne, par suite, que la cessio se faisait toujours en justice. Nous avons essayé de démontrer qu'il n'en était pas toujours ainsi et que le débiteur pouvait céder ses biens hors de la présence du magistrat.

Le mot professio fait simplement allusion à une reconnaissance de dette extrajudiciaire; on peut l'opposer à confessio qui a le sens spécial d'aveu judiciaire. Mais, quelque opinion que l'on adopte sur ce point, on doit reconnaître que si Théodose laissa subsister certaines formalités pour arriver à la cessio bonorum, il n'en existait plus aucune sous Justinien.

Nous n'avons à nous occuper ici des effets de la cessio bonorum qu'au point de vue particulier de la venditio bonorum qu'elle entraîne, et nous aurons tout dit dans cet ordre d'idées après avoir rappelé que le débiteur ayant fait une cessio bonorum conservait la propriété de ses biens jusqu'au moment de la vente.

SECTION II

Vente des biens du débiteur qui par sa faute a mis le créancier dans l'impossibilité de se faire justice.

Après avoir étudié les cas où le débiteur est présent et en butte aux poursuites de ses créanciers, nous allons voir ceux où le débiteur s'y dérobe, s'y soustrait frauduleusement et les met ainsi dans l'impossibilité d'arriver au payement de ce qui leur est dû.

Nous trouvons en premier lieu le cas où le débiteur est absent, parce qu'il se cache, et celui où il est en exil. L'exil était considéré à Rome, à plusieurs points de vue, comme

une faute; enfin, nous verrons, dans les §§ 2 et 3, le cas du débiteur qui refuse de se défendre et celui du debitor indefensus.

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A. Du débiteur qui se cache. Au temps de la procédure formulaire, la présence du débiteur était nécessaire pour qu'il y eut litis contestatio et pour que le Préteur pût délivrer la formule de l'action. Or, il arrivait quelquefois que le débiteur n'obéissant pas à la vocatio in jus ne comparaissait pas, ou bien, que l'audience ne suffisait pas pour terminer l'affaire et pour obtenir la délivrance de la formule. Quand le débiteur manquait au vadimonium (1), c'est-à-dire à la promesse qu'il avait faite de se présenter de nouveau à l'audience pour arriver à la délivrance de la formule, les créanciers n'auraient eu, comme dans le cas où il ne se rendait pas à la vocation in jus qu'une action illusoire, si on ne leur avait donné le droit d'entrer en possession de ses biens. Son absence suffisait, en effet, pour empêcher la délivrance de la formule et plus tard pour lier l'affaire.

Le Préteur, quels que soient les motifs de l'absence du débiteur, avait le droit d'autoriser les créanciers à entrer en possession de ses biens, tandis qu'il n'aurait valablement pu permettre de les faire vendre que si cette absence était frauduleuse. Ulpien, dans la loi 7, D., Quib. ex causis in poss., 42, 4, s'exprime ainsi : « PRÆTOR AIT : Qui fraudationis » causa latitavit boni viri arbitratu non defendetur, ejus bona » possidere vendique jubebo ». Et il explique, dans le paragraphe suivant : « Cum hoc edictum locum habeat non sufficit latitare » sed et necesse est fraudationis causa id fieri; neque quod frau

(4) Ce mot servait aussi à désigner la caution qui garantissait cette promesse.

» dationis causa sine latitatione fit, satis est ad possessionem et » venditionem. » Il faut donc, pour qu'il soit permis au créancier d'arriver à la vente des biens, le concours de ces deux circonstances, l'intention de nuire et le fait matériel de se cacher pour éviter l'action intentée. Ulpien, dans le § 9 de la même loi, tire de ces principes cette conséquence qu'il n'y a pas lieu d'appliquer ces dispositions au furiosus qui ne peut avoir l'intention de nuire.

Expliquant ensuite ce qu'est la latitatio, il critique toujours au même lieu la définition qu'en donne Cicéron : « Turpis occultatio sui», faisant observer qu'on peut se cacher pour d'autres motifs que celui de se dérober par honte aux regards, par exemple, pour échapper à la colère d'un tyran ou aux horreurs d'une guerre civile. Cette observation. d'Ulpien, quelque autorité du reste qu'ait ce grand jurisconsulte, qui vivait en un temps où il pouvait mieux que nous justement apprécier ces questions, ne nous paraît pas cependant d'une exactitude absolue, et les exemples qu'il choisit à l'appui de sa critique ne sont peutêtre pas des plus heureux. On peut, en effet, se cacher pour éviter la guerre civile ou la colère d'un tyran, ou pour tout autre motif, sans avoir l'intention de se soustraire à la poursuite de ses créanciers; i! semble même que, dans ce cas, on ait un but déterminé et tout autre, d'où un des éléments de la latitio, telle que nous la connaissons d'après Ulpien lui-même, viendrait à faire défaut. Tandis que la définition de Cicéron « turpis occultatio sui », que nous traduirions volontiers l'action de se cacher dans un but » honteux », appelle immédiatement l'idée de fraude, car il est mauvais, il est turpis de se soustraire à la poursuite de ses créanciers. Nous ne croyons pas que Cicéron ait voulu dire « se dérober par honte aux regards ». Dans tous les cas, dussions-nous nous arrêter à ce sens (que nous n'admettons pas), la définition que donue Ciceron de la latitio se rapproche plus peut-être des principes que pose la

loi 7 d'Ulpien, que les exemples qu'Ulpien lui-même cite

à l'appui de sa critique.

Pour nous, il semble résulter de la définition de Cicéron que, dans sa pensée, pour qu'il y ait latitio entraînant la venditio bonorum, il fallait être mû par une idée de fraude.

Ulpien nous apprend encore, adoptant sur ce point l'opinion de Pomponius, que le magistrat pourra ordonner la vente en masse des biens d'un débiteur qui se cache pour échapper seulement à quelques-uns de ses créanciers, et que, dans ce cas, tous les créanciers profiteront de la vente, bien que la latitatio n'ait été faite dans l'intention de nuire personnellement qu'à quelques-uns d'entre eux.

Peu importe que le débiteur se cache dans la ville où sont ses créanciers « circa columnas vel stationes »; il suffit qu'il se dérobe à leurs poursuites. Le Préteur, dès lors souverain juge du fait, aura le droit d'autoriser les créanciers à poursuivre la vente de leurs biens.

Cujas voulait lire, à la place du mot stationes, celui de statuas (1). Nous ne voyons pas ce qui autorisait Cujas à faire cette modification à la loi qui nous paraît très-claire, qu'on veuille donner à ce mot stationes le sens de boutique ou de rassemblements (2). L'une et l'autre de ces acceptions laissent à la phrase une signification qui satisfait pleinement l'esprit, aussi croyons-nous, à défaut de preuves matérielles irrécusables, que l'on doive le maintenir.

B. Du débiteur en exil. Cicéron, dans son plaidoyer Pro Quintio (§ 19), nous apprend que l'édit ordonnant l'envoi en possession et la vente des biens était applicable à celui « qui exulii causa solum verterit. » La loi 13, Quibus ex causis, confirme ce que dit Cicéron en ces termes : « Nam et exulio temporario puniti, si defensor non existat bona » veneunt. » Donc l'exil du débiteur n'était pas considéré

(1) Observationum et emendationum, lib. I, chap. XIII, et lib. II, chap. XL. (2) Il y a eu sur le sens de ce mot dissidence entre les auteurs.

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