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» et liberi naturales », les esclaves, que des liens étroits d'affection unissaient au débiteur, les statues qu'on avait élevées en l'honneur du débiteur, qui, dans certains cas, étaient sa propriété, alors même qu'elles fussent sur des places publiques, etc.

Le débiteur était privé de tous ses biens et réduit à la misère; cette situation eût été trop pénible pour la faire supporter au pupile, aussi voyons-nous dans la loi 33 d'Ulpien, livre 42, titre 5, qu'il fallait réserver au pupille sur les biens saisis, une part à titre d'aliments. Cette disposition de la loi est passée dans notre législation et est devenue l'objet des articles 474 et 530 du code de commerce, qui accordent cette faveur à tous les faillis. A. Rome elle était spéciale au pupille, au furiosus (loi 7, § 10, D., 42, 4) et au prodigue « cæterisque qui curatorum ope juvantur. » (§ 12, id.).

Le debitor n'était pas frappé d'une incapacité réelle, mais il était atteint par des déchéances particulières. Par exemple, il ne pouvait faire partie des municipalités(1); les sociétés civiles auxquelles il appartenait étaient dissoutes (2); et il devait enfin, toutes les fois qu'il plaidait comme défendeur, fournir la caution judicatum solvi (3).

Gaïus, en effet, après avoir expliqué au commencement du § 102 de son commentaire IV, que l'on peut exiger des cautions dans deux cas, pour se protéger contre certains genres d'actions et contre certaines personnes dont le caractère est suspect, ajoute in fine : « Propter personam » velut si cum eo agitur qui decoxerit, cujusve bona a credi» toribus possessa proscriptave sunt, sive cum eo herede agatur » quem prætor suspectum æstimaverit. »

(1) Table d'Heraclée. (2) G. C. III. § 154.

(3) G. IV. § 402.

CHAPITRE V

Des effets de la vente des biens.

SECTION I

Des effets de la vente au point de vue de l'emptor bonorum.

Celui qui se rend acquéreur des biens mis en vente, l'emptor bonorum, doit, pour se conformer à la lex bonorum vendencorum, payer à chacun des créanciers la part proportionnelle qui lui est attribuée; il garde, selon nous du moins, l'excédant de l'actif sur le passif, dans l'hypothèse improbable où il en existe un, par ce motif que le débiteur a été dessaisi définitivement de tous ses biens par la vente.

Il est probable que les hypothèques prises avant l'ouverture de la procédure de la venditio subsistaient après la vente, et que le débiteur devait payer les créanciers hypothécaires de préférence aux autres.

Nous ne pouvons, sur ce point, que nous livrer à des conjectures, ne trouvant aucun texte pour nous instruire; mais nous ne voyons là, pour l'emptor bonorum, aucun danger, il était obligé de payer suivant la lex bonorum, cù les créanciers hypothécaires, pour faire valoir leur droit, avaient dû se faire inscrire en déclarant leur hypothèque ainsi que les créanciers privilégiés. Cette précaution étaitelle exigée, venait-elle pallier l'inconvénient de la nonpublicité des hypothèques romaines? Les renseignements nous manquent, mais nous pouvons raisonner par analogie du cas où un créancier oublié était déclaré forclos, pour ne pas tromper l'acheteur sur les conditions de la vente, au cas du créancier hypothécaire et résoudre hypothétiquement la question par l'affirmative.

Le prix, une fois payé aux créanciers de la manière que nous venons d'indiquer, l'emptor bonorum était saisi de la

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propriété des biens, des droits et des actions du débiteur; il devenait pour ainsi dire son successeur universel.

Comme toute cette procédure était due à l'invention du Préteur et n'avait pas son origine dans la loi civile romaine, elle ne pouvait conférer que la propriété prétorienne, l'in bonis, qui servait de base à l'usucapion de la propriété quiritaire. Elle n'était protégée que par des actions prétoriennes et non par des actions civiles.

C'est ce que nous dit Gaïus, C. III §§ 80 et 81, qui ne nous sont malheureusement parvenus qu'incomplets, mais qui ont été ainsi rétablis : « Neque autem bonorum possessorum » neque bonorum emptorum, res pleno jure fiunt, sed in bonis > efficiuntur; ex jure Quiritum autem ita demum adquiruntur, » si usuceperunt..... Item quæ debita sunt ei cujus fuerunt bona, » aut ipse debuit! neque bonorum possessores, neque bonorum » emptores ipse jure debent, aut ipsis debentur, sed de omnibus ▷ rebus utilibus actionibus et conveniuntur et experiuntur quas » inferius proponemus. » Et si l'on conservait des doutes, parce que ce passage aurait pu être inexactement rétabli, ne seraient-ils pas levés par la confirmation qu'en fait Théophile Omnes actiones quæ subeunti bonorum vendi» tionem competebant et quotquot adversus eum erant, illæ in » bonorum emptorem transferebantur atque utiliter et agebat et > conveniebatur sicuti et bonorum possessor; ambo enim præD torii sunt successoris. »

Le bonorum emptor ne peut agir par des actions directes, mais seulement par des actions utiles, l'action rutilienne et l'action servienne, nous dit M. Demangeat. Il a le choix entre les deux, lorsqu'il s'agit d'un débiteur vivant, mais il est à présumer qu'il ne pouvait user que de la seconde, dans le cas où le débiteur était mort (1).

Je n'hésite pas à penser qu'il avait aussi l'action quasi-servienne, qui était accordée contre tout possesseur de la chose

(4) Cours élémentaire de Droit romain, vol. II, p. 134.

donnée en gage, tandis que l'action Servienne ne pouvait être employée que par un propriétaire contre les possesseurs de biens donnés en gage par ses fermiers. Par l'action Rutilienne, l'emptor bonorum agissait au nom du débiteur et obtenait une condamnation à son profit (1).

Nous pensons également que l'emptor bonorum avait le droit de réclamer par l'action Publicienne (in rem prétorienne) une chose qu'il était en train d'usucaper au moment où il en a perdu la possession.

Quand l'emptor bonorum agissait contre un individu qui était en même temps créancier et débiteur de la personne qui faisait vendre les biens, il y avait lieu à la deductio. (G., C. IV, § 65).

« Item..... bonorum emptor » cum deductione agere jubetur, » id est, ut in hoc solum adver» sarius condemnetur quod su» perest, deducto eo quod invicem sibi defraudatoris nomine » debetur. »

De même il est enjoint au bonorum emptor de faire la deductio dans son action, c'està-dire de ne demander la condamnation de son adversaire que pour l'excédant de ce qu'il doit sur ce qui lui est dû.

Et, dans le § 66 du même commentaire, Gaïus nous indique les différences qui existent entre la deductio et la compensation que l'argentarius devait nécessairement opérer quand il réclamait le paiement de son compte.

« § 66.- Inter compensationem → autem quæ argentario inter» ponitur,et deductionem quæ ob»jicitur bonorum emptori, illa » differentia est, quod in compen»sationem hoc solum vocatur » quod ejusdem generis et naturæ » est; veluti pecunia cum pecunia › compensatur triticum cum » tritico, vinum cum vino. Adeo

§ 66. Entre la compensation des banquiers et la déduction des bonorum emptores, il y a cette différence, que dans la première on ne peut compenser seulement que des choses de même nature et de même genre, ainsi que de l'argent avec de l'argent; du blé avec du blé, du vin avec du vin; à

(4) Dans la formule de cette action l'intentio portait le nom du débiteur et la condemnatio celui de l'emptor bonorum.

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§ 68. Præterea compensa» tionis quidem ratio in inten» tione ponitur; quod fit ut, si » facta compensatione plus num» mo uno intendat argentarius, » causa cadat et ob id rem per» dat; deductio vero ad condem» nationem ponitur, quo loco » plus petenti periculum non » intervenit; utique bonorum » emptore agente qui, licet de » cerla pecunia agat, incerti » tamen condemnationem conci» pit. »

ce point que quelques-uns sont d'avis qu'il ne faut pas compenser le premier vin ou le premier blé venu, avec un autre vin ou un autre blé, mais des vins et des blés avec d'autres vins et d'autres blés de même nature et de même qualité; tandis qu'on peut, dans la déduction, faire entrer des choses qui ne sont pas de même genre; ainsi si le bonorum emptor demande de l'argent à Titius et qu'il lui doive de son côté du blé ou du vin, il déduira la valeur de ce blé ou de ce vin pour ne réclamer que l'excédant.

$ 67. - De même on peut déduire même une dette à terme de la valeur d'une créance exigible; tandis qu'on ne peut compenser qu'une dette exigible avec une créance exigible. $ 68. En outre le calcul de la compensation doit être fait dans l'intentio; ce qui fait que si la compensatio opérée, le banquier réclame plus que ce qui lui est dû, la demande est repoussée et il perd pour cela son procès; la deductio, au con traire, n'apparaît que dans la condemnatio, place où le danger de la plus pétition n'est plus à craindre; en tout cas l'emptor bonorum, bien qu'il réclame une somme certaine, dans une intentio certa, ne conclut qu'à une condamnation incertaine dans une condemnatio incerta.

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