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ment à l'article 587 du Code civil, elle ne sera tenue que d'en rendre la valeur.

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14. De même, il n'y aura pas lieu à reprise en nature, lorsque les meubles, bien qu'exclus de la communauté, auront été estimés. C'est ce qui résulte par analogie de l'article 1565 du Code civil, d'après lequel, en contrat de mariage, l'estimation des meubles en vaut vente. Quoique cet article soit inséré dans le régime dotal, il y a même raison d'interpréter l'estimation des meubles sous le régime de la communauté que sous le régime dotal (1).

Cette règle doit être strictement appliquée à tous les meubles estimés, quelle qu'en soit la nature ou la valeur. C'est ce qu'a décidé la Cour de Paris (2) relativement à un fonds de commerce apporté en mariage par l'un des époux, avec estimation. Quoiqu'il l'ait exclu de la communauté, il n'a pas le droit de le reprendre en nature, et il ne pourra en réclamer que la valeur indiquée au contrat. Cette estimation, dit l'arrêt qui nous occupe dans l'espèce, fait la loi des parties et ne peut être modifiée sous le prétexte que le fonds avait une valeur plus considérable. La clause du contrat présente en effet des chances de gain ou de perte auxquelles les époux se sont soumis et contre

(1) Conf. Toullier, t. XIII, 177.

(2) Cour de Paris, 11 mai 1837. (Dalloz, 1837, 1.)

lesquelles ni l'un ni l'autre ne peut revenir, quelque préjudice qu'il en éprouve.

15. Sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les meubles présents sont exclus de la communauté, ainsi que les successions et donations mobilières qui restent activement et passivement propres à l'époux donataire, héritier ou légataire. Celui-ci reprendra donc, à la dissolution de la communauté, les meubles qu'il possédait au jour de la célébration du mariage, ainsi que ceux qui lui sont advenus postérieurement à titre lucratif.

16.

Cependant, les gratifications extraordinaires qui auraient pu être accordées à l'un des époux par l'État, par des Compagnies de chemin de fer ou autres, pour services rendus, resteraient dans la communauté. Ainsi, il a été jugé qu'une gratification accordée par l'Empereur, en 1808, à un général, pour services rendus aux armées dans deux batailles, ne pouvait former l'objet d'une reprise (1). Il en a été de même pour une rente sur le Grand-Livre accordée à un combattant de Juillet, à titre de récompense nationale, en vertu de la loi du 30 août 1830 (2).

Il y a en effet, en règle générale, dans la récompense ainsi accordée, moins une donation véritable, que la récompense d'un service, un équivalent qui est dû naturel

(1) Cassation. Req., 7 novembre 1827. (Dalloz, 28, I, 14.)

(2) Colmar, 20 décembre 1832. (Dalloz, 32, 19.)

lement par celui à qui ce service a été rendu, et qui, comme rétribution de tout travail, doit tomber en communauté.

17. - A la question du prélèvement en nature des objets mobiliers se rattache une question particulièrement intéressante, celle du prélèvement des offices ministériels.

Lorsque l'officier ministériel est marié sous le régime de la communauté légale, son office, comme tous les meubles, entrera dans la masse commune. Dans l'ancien droit, il n'en était pas ainsi; avec la vénalité des charges, on le considérait comme immeuble (1). Un édit de 1683 le rendit même susceptible d'hypothèque et de privilége. De la sorte, à la dissolution du mariage, le mari avait le droit de le retenir, sans être obligé de le mettre en partage ou de le vendre pour en partager le prix. Il devait une récompense, il est vrai, mais elle n'était que du prix de l'office, alors même que depuis cette époque la valeur en eût considérablement augmenté. Pothier justifiait cette décision en disant que la déclaration du mari de retenir l'office avait un effet rétroactif au jour de l'acquisition (2). Telle était la règle, aussi bien pour les charges de magis

(1) L'office vénal est réputé immeuble, disent les Coutumes. Cout. de Paris, 95; Cout. d'Orléans, 485. Pothier, Communauté, 91. (2) Pothier, 663.

trature que pour les offices de notaires, procureurs, huissiers.

La Révolution supprima la vénalité des offices, mais le droit de présentation accordé à l'officier ministériel par la loi de finances du 28 avril 1816, s'il ne l'a pas rétablie en fait, a du moins transformé la question au point de vue pécuniaire; en effet, ce droit est devenu essentiellement personnel à l'époux titulaire.

L'office est meuble, avons-nous dit; en cette qualité, il tombera dans la communauté. Mais il faut bien remarquer que ce qui y tombera, ce sera ce que jadis on a appelé la finance, c'est-à-dire la somme représentative du droit de présentation, et la pratique, ou ensemble des créances actives de l'étude (1). Quant au droit de présentation luimême, il est la propriété de l'officier ministériel, que les héritiers ne peuvent contraindre à donner sa démission. Aussi en restera-t-il nanti, sauf récompense, et ce, qu'il ait acquis l'office avant le mariage, ou qu'il l'ait acquis depuis. La femme ou ses héritiers n'auront, du reste, le droit de présentation qu'à défaut du titulaire.

La collation de l'office peut être faite gratuitement par le Gouvernement pendant le mariage. Quoique ce ne soit pas une donation proprement dite, comme nous allons le voir, il entrera en communauté, conformément à l'ar

(1) Pothier, 93.

ticle 1401, § 1, du Code civil, dont la rédaction n'est pas limitative. Quand même ce ne serait pas à titre de donation, ce sera toujours comme acquêt qu'il pourra y ren

trer.

18. Il en serait de même sous le régime de la communauté réduite aux acquêts de l'article 1498, pour l'office conféré gratuitement au mari pendant le mariage. En effet, on peut toujours considérer cet acquêt comme le fruit du travail ou du mérite du titulaire. C'est ce qu'a décidé la jurisprudence (1). Cependant, il existe un arrêt en sens contraire (2), basé sur ce principe que les fonctions d'officier ministériel sont personnelles, et sur la jurisprudence toute spéciale du Parlement de Bordeaux. Notre avis est opposé. La valeur de l'office doit, en thèse générale, être considérée comme un fruit de l'industrie et du travail du mari. Nous ne voyons pas, en effet, pourquoi la concession faite à l'officier ministériel serait plutôt une donation faite simplement à titre gracieux par l'État qu'une récompense accordée à une personne qui rendra à la société de nombreux services en échange de l'avantage qui lui est fait.

Du reste, on pourrait comparer ce cas à celui du numéro 15 ci-dessus, où la solution est identique.

(1) Agen, 2 décembre 1836. (Dalloz, 37, 2, 15.)
(2) Bordeaux, 1er juillet 1840. (Dalloz, 40, 2, 55.)

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