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Aussi la loi 3 du Digeste, de Soluto matrimonio, ajoutet-elle que la dot est commune au père et à la fille (13).

Il faudra donc le consentement de la fille pour que le père puisse exercer l'action rei uxoria en son nom, et c'est au moment de la litis contestatio que ce consentement devra se confondre avec celui du père (14). Ce consentement peut être exprès ou tacite. Lorsque étant présente, elle ne s'oppose pas à la demande paternelle, ou bien encore lorsqu'elle est en état de démence, elle est présumée consentir. Mais le consentement exprès est au contraire exigé en cas d'absence, ou le père devra dans ce cas promettre ratam rem filiam habituram (15). Ulpien cite encore un autre cas où l'on devra considérer la femme comme n'opposant aucune contradiction. C'est le

(13) Cependant Ulpien nous dit (Loi 3, § 5, de Minoribus) que la dot est le patrimoine propre de la fille. Il y a là une contradiction apparente que l'on a expliquée ainsi : Le droit sur la dot appartient tantôt à la fille, tantôt au père, mais il ne leur appartient pas à tous deux en même temps. Tant que ce droit n'a pas été transformé en argent par paiement, novation ou litis contestatio, il appartient à la fille et rien qu'à elle. Le père ne peut le lui enlever, mais dès que ce droit aura été réalisé, il tombera dans le patrimoine du père, à qui seul dès lors il appartiendra. (M. Gide.)

(14) Eo autem tempore consentire filiam patri oportet, quos lis contestatus. (22, 5. D., Sol. matr.)

(15) Ulpien. Loi 2, § 2. D., Sol. matr.

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cas où son refus n'est pas justifié par le danger de voir le père dissiper la dot qui lui serait remise (16).

A l'inverse, il pouvait arriver que la femme, quoique en puissance, eût seule le droit d'intenter l'action rei uxoriæ. Ainsi, par exemple, la dot avait été constituée sur un pécule dont elle avait l'administration. Si cette administration ne lui avait pas été enlevée par son père au moment où elle intentait l'action, elle l'intentait valablement seule. (L. 24, D., de Jure dotium.) De même, si le père était absent, s'il était captif, s'il était en démence sans curateur (17), le droit de poursuivre lui appartenait à la condition de donner caution de rato. (Sol. mat., 1. 22, § 11.)

Quand on avait des raisons sérieuses pour craindre que le père ne dissipât la dot, le préteur pouvait encore, après enquête, causâ cognitâ, lui refuser l'action.

En dehors de ces exceptions, si le mari délivrait la dot sans qu'il y eût concours de ces deux volontés, il pouvait être poursuivi de nouveau en restitution et contraint de payer une seconde fois.

Cependant l'argent restitué soit au père, soit à la fille, avait pu lui servir de dot pour contracter un second mariage. Alors, une exception de dol était offerte au mari pour repousser l'action de sa femme.

(16) Ulpien. Loi 22, § 6. D., eod. tit.

(17) Si le père avait un curateur, c'est celui-ci qui agissait.

II

Qui doit restituer?

Voyons contre qui l'action en restitution doit être dirigée. Une distinction est nécessaire ici pour résoudre la question. Si la dissolution provient du prédécès du mari, la femme a une action contre les héritiers de ce dernier. Si la dissolution est au contraire causée par la mort de sa femme ou par son divorce, le mari, s'il est sui juris, sera luimême mis en cause, et ce, alors même que la dot aurait été remise à un tiers placé sous sa puissance. Si le mari est alieni juris, l'action sera au contraire intentée contre le paterfamilias (18).

III

A quel moment la restitution doit-elle être effectuée?

Le moment auquel le mari, obligé de restituer la dot par l'action rei uxoria, devra opérer cette restitution,

(18) Loi 22, § 12. D., Solut. matrim.

variera suivant la composition et la nature de la dot.

La dot pouvait consister en corps certains que le mari devait rendre en nature. Alors il était tenu de restituer immédiatement. C'est qu'en effet, il devait avoir conservé ces objets, et alors il lui était facile de les rendre tout de suite. S'il ne les avait pas à sa disposition, comme il aurait dû, ce n'était pas à lui à se prévaloir de sa faute.

Il pouvait y avoir eu estimation de ces corps certains. L'estimation équivalant à une vente, à moins de stipulation contraire, le mari devait en restituer le montant.

Si les corps certains avaient péri par cas fortuits, le mari était libéré. De même, si l'aliénation des objets dotaux provenait d'un événement qui ne lui était pas imputable, au lieu de les rendre en nature, il n'était tenu que de la restitution de la valeur reçue en échange (19).

Si au contraire les choses dotales étaient des quantités destinées à être consommées, et à la place desquelles il faut rendre le même poids, le même nombre ou la même mesure, on accordait un délai au mari, car probablement il ne les avait pas à sa disposition pour les restituer lors de la dissolution du mariage. Cette restitution durait trois années et se faisait par tiers chaque année (20).

(19-20) Ulpien, Regul. VI, § 8. Dɔs, si numero pondere mensurave contineatur, annud, vimâ, trimadie redditur; nisi si, ut præsens reddatur, convenerit. Relique dotes statim redduntur.

IV

Actions rei uxoriæ et ex stipulatu. — Étendue et caractère.

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Les actions accordées à la femme pour la restitution de sa dot, à l'époque classique, ont chacune un caractère bien différent.

L'action ex stipulatu, résultat d'une convention expresse, est une condictio, une action de droit strict, dans laquelle le judex doit rigoureusement statuer dans les termes mêmes de la convention qui lui donne naissance, sans posséder aucun pouvoir d'appréciation. Accordée à toute personne comprise dans la stipulation, elle ne permet au mari, ni de demander un délai pour restituer les quantités, ni d'exercer aucune retenue, ni d'opposer le bénéfice de compétence. La femme peut même cumuler la répétition de sa dot avec les donations que lui a faites le mari, car la dot étant dans ce cas l'objet d'une créance ne peut se confondre avec les legs ou les donations.

L'action rei uxoriæ apparaît, au contraire, avec un caractère tout particulier. Suivant l'ingénieuse explication de M. Gide, cette action est bien pécuniaire dans son objet, puisqu'à Rome toute condamnation se résout en

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