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persistait encore ou avait cessé, au moment de la mort du pater familias naturel, d'où deux hypothèses :

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Première hypothèse. Cette situation existe encore au moment de la mort du pater famílias, par qui l'adoption a été consentie. Par exemple: Tertius qui, au moment de l'adoption, était précédé par Secundus, l'est encore, au moment où Primus, son grand-père, par qui il a été donné en adoption, vient à mourir. Dans ce cas, Justinien laissa produire à l'adoption son ancien effet. En voici le motif: c'est que l'adopté ne pouvait pas éprouver le préjudice dont Justinien avait voulu le préserver dans la situation précédente, préjudice qui consistait en ce que l'adopté, sortant de la patria potestas de son ascendant naturel, perdait ses droits à sa succession.

Ici, en effet, alors même que l'adopté serait resté sous la patria potestas de son ascendant naturel, il n'aurait eu, à la mort de cet ascendant, aucun droit à sa succession, puisque, en prenant notre espèce, à la mort de Primus, Tertius était exclu par son père Secundus.

Deuxième hypothèse. - Nous admettons toujours qu'au moment de l'adoption, l'adopté est précédé par un ascendant intermédiaire. Cette situation, supposons-le, n'existe plus au moment de la mort du pater familias. Ainsi, à la mort de Primus, Tertius ne se trouve plus précédé par Secundus, son père, qui est sorti de la famille, soit parce qu'il est mort, soit parce qu'il a été adopté ou émancipé. Si l'adoption avait produit son antique effet, qui consistait à faire sortir l'adopté de la patria potestas de son ascendant naturel, l'adopté aurait été privé de ses droits à la succession de cet ascendant. C'est pour éviter ce résultat inique que Justinien modifia, sur ce point, les conséquences primitives de l'adoption. Mais l'efficacité de ces remèdes était beaucoup plus apparente que réelle. En effet, dans la première hypothèse, l'adopté ne se trouvait pas à l'abri de tout danger, car si son père naturel venait à mourir sans rien laisser, et si son père adoptif l'émancipait ensuite, il se voyait ainsi, malgré les pré

cautions de Justinien, évincé dans ses deux familles successives.

Après avoir étudié ce premier cas avec ses deux situations, dont la dernière comporte deux hypothèses, abordons le deuxième cas, qui est plus simple.

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Il peut sembler bizarre au premier abord qu'un ascendant adopte son descendant; mais, chez les Romains, ça n'avait rien d'étonnant, parce qu'il pouvait se faire qu'un père n'eût pas sur son enfant la puissance paternelle, et que le seul moyen de l'acquérir était l'adoption. (D. L. XII, de adopt. et emancip.) Des exemples éclairciront la matière.

Premier exemple: Jamais un aïeul maternel n'avait, sous sa puissance et dans sa famille, les enfants de sa fille; s'il voulait les acquérir et leur conférer des droits de succession, il fallait que son gendre les lui donnât en adoption.

Deuxième exemple: Un chef de famille a émancipé son fils; celui-ci s'est marié et a eu des enfants; ces enfants, nés après l'émancipation, ne sont point en la puissance de leur aïeul. Si ce dernier veut les acquérir, il faut qu'il les reçoive en adoption.

Troisième exemple: Un chef de famille a sous sa puissance un fils et les enfants de ce dernier; il émancipe le fils et retient les enfants. Le père émancipé se trouve n'avoir pas sous sa puissance ses propres fils; s'il veut les acquérir et leur donner des droits, il faut qu'il les obtienne en adoption de leur aïeul.

Dans tous ces cas, Justinien conserva à l'adoption les effets qu'elle produisait anciennement. La puissance paternelle se trouve, comme autrefois, détruite pour celui qui donne en adoption, et transportée à l'ascendant qui reçoit. Il n'y avait aucun danger bien sérieux pour l'adopté à ce qu'il en fût ainsi, car cet ascendant lui étant déjà uni par les liens du sang, on n'a pas à craindre qu'il

l'émancipe sans raison et le dépouille de son hérédité. C'est, du moins, le principal motif qu'indique Justinien. (C. I, L. 10, in fine, de adopt.)

SECTION VI

Dans l'étude que nous venons de faire de l'adoption au point de vue de ses effets, soit avant, soit après Justinien, nous l'avons toujours considérée comme produisant une capitis deminutio.

Cette opinion, qui est celle de la très-grande majorité des auteurs, a été vivement contestée, notamment par M. de Savigny. Ce jurisconsulte prétend qu'il ne suffit pas, pour qu'une personne subisse la minima capitis deminutio, qu'elle change simplement de famille; il faut de plus que ce changement entraîne, pour la personne, un amoindrissement de sa capacité juridique. D'où il suit que, pour M. de Savigny, l'adoption n'est pas une cause de capitis deminutio, puisque la capacité juridique de l'adopté ne subit aucune modification, l'enfant restant après ce qu'il était avant, c'est-à-dire alieni juris.

Cette idée d'amoindrissement de la capacité juridique est exacte en ce qui concerne la maxima et la media capitis deminutio, mais inexacte en ce qui concerne la minima, et pour nous en convaincre, nous n'avons qu'à examiner les conséquences inadmissibles auxquelles on arrive avec la théorie de M. de Savigny et à la comparer aux conséquences toutes différentes du système qui lui est opposé.

Prenons tout d'abord les hypothèses suivantes où, d'après les textes, il y a positivement capitis deminutio.

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Première hypothèse.-ÉMANCIPATION. D'après nous, l'émancipation affranchissant l'enfant de la patria potestas, le fait sorti de sa famille, d'où il résulte une minima capitis deminutio.

Pour M. de Savigny, au contraire, il ne devrait pas y avoir une minima capitis deminutio. En effet, pour qu'elle eût lieu, il faudrait, d'après cet auteur, non pas seulemen un changement de famille, mais un amoindrissement de la capacité juridique. Or, ici cet amoindrissement n'existe pas; bien plus, il y a augmentation de cette capacité. La personne émancipée devient en effet d'alieni juris, sui juris.

ADOPTION.

Deuxième hypothèse. Pour nous, l'adoption entraînant un changement de famille, il y a capitis demunitio. Non, pour M. de Savigny, puisque ce changement ne détermine aucun amoindrissement de la capacité juridique de l'adopté. Telle devrait être dans ces deux cas la déduction logique des principes posés par ce jurisconsulte.

Cependant, à l'époque classique, M. de Savigny admet avec nous que l'émancipation et l'adoption sont des causes de diminution de tête; et, voici comment, malgré son point de départ qui diffère du nôtre, il arrive au même but. Il faut se souvenir qu'à l'époque classique, les formes de l'émancipation se confondaient avec celles de l'adoption. Ainsi, la dissolution de la puissance paternelle s'opérait au moyen de ventes fictives (imaginarias venditiones) dont le nombre variait suivant qu'il s'agissait d'un fils proprement dit, ou de tout autre descendant. L'enfant, après la vente qui avait épuisé la puissance paternelle, tombait temporairement dans une condition. analogue à celle de l'esclave (in mancipio).

Partant de là: il est bien vrai, dit M. de Savigny, que l'émancipé, en devenant père de famille, agrandit sa capacité juridique au lieu de la diminuer, et que l'adopté reste, comme il l'était auparavant, alieni juris; mais la mancipation les a l'un et l'autre fait descendre un instant au rang d'esclaves, et c'est cette altération passagère de leur capacité qui est la cause de leur capitis deminutio.

Soit, mais ces formes disparurent sous Justinien. M. de Savigny ne peut donc plus recourir, comme précédem

ment, aux mancipations, puisqu'elles n'existent plus, pour mettre les conséquences de sa doctrine d'accord avec les nôtres, et se voit dans la nécessité de soutenir, peut-être malgré lui, que sous Justinien, l'émancipation et l'adoption ne constituent pas des causes de capitis deminutio. Or, les textes se prononcent formellement dans le sens contraire.

Il y a deux autres hypothèses où M. de Savigny est conduit à nier la minima capitis deminutio, même à l'époque classique. Elles se présentent :

1. Quand les enfants d'un adrogé passent dans la famille de l'adrogeant;

2° Quand une personne alieni juris tombe in manum. Pour suivre l'ordre que nous nous sommes tracé dans notre travail, il serait préférable, sans doute, de renvoyer au chapitre de l'adrogation, l'examen de la première de ces deux hypothèses, la seule qui nous occupe, en nous demandant, comme nous venons de le faire pour l'adoption, si l'adrogation est une cause de capitis deminutio; mais nous croyons qu'en donnant dès à présent la solution de cette question, nos explications gagneront en lucidité ce qu'elles perdront en méthode, ce qui n'est pas à dédaigner.

Il existe, nous le savons déjà, deux espèces d'adoption : l'une, applicable aux personnes alieni juris, c'est l'adoption proprement dite, l'autre aux personnes sui juris, c'est l'adrogation. (L. I, § 1, de adopt.)

Si un père qui a des enfants en son pouvoir se donne en adrogation, non-seulement il passe lui-même en la puissance de l'adrogeant, mais ses enfants y passent aussi comme petit-fils. (Instit., § II, liv. I, T. 11.)

Remarquons, tout d'abord, qu'en ce qui concerne l'adrogé, il subit une minima capitis deminutio. C'est incontestable pour nous comme pour M. de Savigny.

Mais en ce qui concerne les enfants de l'adrogé, que décider? Nous n'hésitons pas, quant à nous, à dire qu'ils subissent une minima capitis deminutio. M. de Savigny

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